Faut-il initier une prévention des risques d’AVC dès l’enfance?

Fran Lowry, Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

23 août 2022

Washington, Etats-Unis — Selon une étude cas-témoins américaine, la présence de plusieurs facteurs de risque d’athérosclérose reste rare chez l’enfant et ne semble pas corrélée au risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique à un jeune âge. En revanche, elle devient plus fréquente avec l’âge et est associée à un risque d’AVC multiplié par dix entre 30 et 50 ans. Les résultats ont été publiés dans le JAMA Neurology [1].

« Bien que les AVC survenant pendant l’enfance et au début de l’âge adulte ne soient probablement pas causés par des facteurs de risque d’athérosclérose, ceux-ci prennent de l’importance avec l’âge et deviennent des facteurs de risque majeurs d’AVC entre 30 et 40 ans », a commenté auprès de TheHearth.org/Medscape Cardiology la Pre Sharon Poisson (Université du Colorado, Aurora, Etats-Unis), principale auteure de l’étude.

A quel âge le risque devient-il réel?

Dans cette étude, les chercheurs se sont focalisés sur l’AVC ischémique artériel et non sur l’AVC hémorragique. « On sait que l’hypertension artérielle, le diabète, le tabagisme et l’obésité sont des facteurs de risque d’AVC ischémique, mais on ne savait pas à partir de quel âge ces facteurs de risque d’athérosclérose commencent réellement à provoquer un AVC », a ajouté la neurologue.

Pour tenter d’apporter une éclairage sur ce point, la Pre Poisson et ses collègues ont mené une étude cas-témoins à partir de la base de données hospitalières américaine Kaiser Permanente Northern California (KPNC), qui a accumulé des données significatives de plus de 12 millions d’individus pendant une période de 14 ans, entre janvier 2000 et décembre 2014.

Sur une cohorte de 4,7 millions d’enfants et adolescents, les chercheurs ont identifié 141 cas d’AVC ischémique artériel, à part quasiment égale entre les individus âgés de 29 jours à 9 ans (n=69) et ceux de 10 à 19 ans (n=72). Chez les adultes âgés de 20 à 49 ans, 455 cas d’AVC ont été confirmés, avec une majorité chez les 40-49 ans (n=240). Les chercheurs ont également constitué un groupe témoin de 1 382 individus du même âge, sans AVC.

La prévalence des facteurs de risque d’athérosclérose est apparue assez faible chez les enfants et adolescents. A l’âge adulte, elle a tendance à augmenter de manière constante pour chacun des facteurs, à l’exception du tabagisme.

Pas d’effet majeur avant 20 ans

Si la prévalence des hyperlipémies est quasiment nulle avant 20 ans, le taux d’hypertension artérielle et de diabète est de 2,8%, autant chez les enfants et adolescents avec AVC que chez ceux sans AVC. Dans cette tranche d’âge, le taux d’obésité avoisine les 12% dans les deux groupes, tandis que moins de 5% des 10-19 ans présentent plus d’un facteur de risque d’athérosclérose.

Dans la tranche d’âge des 40-49 ans, la prévalence de l’hypertension est de 45% contre 10% dans le groupe sans AVC, tandis que celle de l’hyperlipidémie est respectivement de 30% et 10%. Le taux d’obésité atteint 40% et 25% dans cette même tranche d’âge.

L’analyse montre que la présence de facteurs multiples d’athérosclérose (plus d’un facteur de risque), rare chez l’enfant et l’adolescent, devient plus importante avec l’âge et est associé à un risque d’AVC de plus en plus important.

Ce risque d’AVC est multiplié par 5 chez l’enfant de moins de 9 ans en présence de facteurs multiples, par 2,75 chez les 10-19 ans, par 7,33 chez les 20-29 ans, par 9,86 chez les 30-39 ans et enfin par 9,35 chez les 40-49 ans. En présence d’un seul facteur de risque d’athérosclérose, le risque d’AVC est multiplié par 3,5 au passage de la quarantaine.

Dans cette tranche d’âge des 40-49 ans, la prévalence de facteurs multiples d’athérosclérose est de 50% dans le groupe avec AVC, contre 14% dans le groupe sans AVC. Entre 30 et 39 ans, elle est respectivement de 26% et 4%.

« Il est possible que le dépistage et le traitement des facteurs de risque pendant l’enfance et au début de l’âge adulte contribuent à améliorer le risque d’AVC au cours de la quarantaine et au-delà, mais des recherches supplémentaires sont à mener pour mieux cerner les stratégies idéales de prévention à mettre en place », soulignent les chercheurs.

Une prévention à débuter au plus tôt

« Cette étude nous indique que les AVC survenant à un âge jeune ne semblent pas causés par des facteurs de risque d’athérosclérose, mais accumuler ces facteurs de risque dès le plus jeune âge augmente nettement le risque d’avoir un AVC au passage de la trentaine ou de la quarantaine », a commenté la Pre Poisson.

 
Accumuler ces facteurs de risque dès le plus jeune âge augmente nettement le risque d’avoir un AVC au passage de la trentaine ou de la quarantaine. Pre Sharon Poisson
 

La neurologue espère que ces résultats auront un impact sur l’évolution des stratégies de prévention du risque ischémique. « Plus ces facteurs de risque d’athérosclérose seront pris en charge de manière précoce, plus nous obtiendrons de meilleurs résultats sur le long terme », estime-t-elle.

Selon le Dr Guilherme Baptista de Fala (Ann & Robert H. Lurie Children's Hospital, Chicago, Etats-Unis), la prévention du risque cardiovasculaire doit débuter dès l’enfance. Il s’agit d’un changement de paradigme dans la manière d’appréhender les maladies cardiovasculaires qui s’est forgé il y a une vingtaine d’années, explique-t-il.

« Cette étude s’intègre dans une recherche croissante visant à comprendre la relation entre la présence de facteurs de risque cardiovasculaire pendant l’enfance et la survenue de maladie cardiovasculaire précoce. »

Quelle stratégie préventive mettre en place ?

« Il existe des progrès intéressants dans notre compréhension de l’impact des facteurs de risque cardiovasculaire en début de vie. De larges cohortes, comme celles de Bogalusa Heart Study, Risk in Young Finns Study, Muscatine Study, Childhood Determinantes of Adult Health, CARDIA et International Childhood Cardiovasculars Cohorts (i3C) ont eu un rôle déterminant sur cette question. »

Le fait de savoir que les facteurs de risque d’athérosclérose observés chez l’enfant peuvent conduire au développement plus rapide d’une athérosclérose et de maladies cardiovasculaires ouvre une nouvelle voie dans la médecine préventive, estime le médecin spécialisé en cardiologie pédiatrique. « Si nous sommes capables d’identifier les enfants à risque, faut-il intervenir pour améliorer les résultats cliniques futurs ? », s’interroge-t-il.

Selon lui, l’hypercholestérolémie familiale est « un excellent exemple » pour illustrer l’intérêt d’intervenir plus tôt. Dans cette situation, « il est possible de dépister les enfants, il existe un traitement efficace et nous savons, d’après les études, qu’un traitement initié précocement réduit de manière significative le risque de maladie cardiovasculaire au cours de la vie ».

 

Cet article a été publié dans l’édition espagnole de Medscape.com sous le titre Risk Factors in Kids Linked to Stroke as Soon as 30s, 40s . Traduit et adapté par Vincent Richeux.

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