Dans l’Actu : impact des aliments ultra-transformés sur le cerveau

Ryan Syrek

Auteurs et déclarations

12 août 2022

 

Il est maintenant bien établi que les régimes riches en aliments ultra-transformés (AUT) sont à l'origine d'une multitude de problèmes de santé, notamment cardiovasculaire. Les boissons gazeuses, les crèmes glacées, les saucisses, le poulet frit, certains condiments, le pain emballé, les céréales aromatisées et bien d'autres encore seraient également associés à une augmentation du risque de démence et de maladies mentales, selon des recherches récentes (voir infographie).

Risque de démence

Une étude de cohorte prospective a montré que non seulement les AUT augmentent le risque de démence, mais les remplacer par des aliments non transformés ou peu transformés diminue ce risque. [1] Les chercheurs ont analysé 72 083 personnes (âge moyen 61,6 ans) de la UK Biobank qui étaient toutes exemptes de démence au début de l’étude. Au cours des dix années de suivi, 518 participants ont développé une démence. Parmi eux, 287 ont développé la maladie d'Alzheimer, 119 une démence vasculaire et 112 une démence d'origine non spécifiée. En moyenne, les AUT représentaient 9% du régime alimentaire quotidien des personnes du groupe de consommation le plus faible (225 g/j en moyenne), alors que dans le groupe ayant la plus forte consommation d'AUT, ceux-ci représentaient 28% du régime alimentaire quotidien (814 g/j).

Le risque de démence chez les personnes ayant la consommation d’AUT la plus importante était 50% plus élevé que chez ceux qui en consommaient le moins (Hazard Ratio [HR] 1,51 ; IC à 95 %, 1,16-1,96 ; p < 0,001). Le risque de développer une démence vasculaire était plus que doublé chez les sujets consommant le plus d’AUT (HR 2,19 ; 95% CI, 1,21-3,96 ; p < 0,01). Les boissons constituaient le principal « groupe alimentaire » contribuant à l'apport en AUT, soit 34%. Venaient ensuite les produits sucrés (21%), les produits laitiers (17%) et les encas salés (11 %). Les chercheurs ont déterminé que si une personne remplaçait 10% des AUT qu'elle consomme habituellement par des aliments non transformés ou peu transformés, le risque de démence était réduit de 19% (HR, 0,81 ; IC 95 %, 0,74-0,89 ; p < 0,001) et celui de démence vasculaire de 22% (HR, 0,78 ; IC 95 %, 0,65-0,94 ; p < 0,01).

Déclin cognitif

Une autre étude, présentée lors de la Alzheimer's Association International Conference 2022, a confirmé les effets délétères des AUT sur le cerveau. Les résultats d’ ELSA-Brasil [étude longitudinale sur la santé des adultes au Brésil] ont montré qu'un apport plus élevé en AUT était significativement associé à un taux de déclin plus rapide des fonctions cognitives exécutives et globales. [2] La Dre Natalia Goncalves et ses collègues ont évalué les données longitudinales de 10 775 adultes regroupés selon les quartiles de consommation d’AUT (du plus faible au plus élevé). Au cours d'un suivi médian de 8 ans, la consommation d’AUT dans les quartiles 2, 3 et 4 (par rapport au quartile 1) a été significativement associée à un déclin cognitif global (p = 0,003) et un déclin des fonctions exécutives (p = 0,015).

« Les participants qui ont déclaré consommer plus de 20% des calories quotidiennes provenant d'aliments ultra-transformés présentaient un taux de déclin cognitif global 28% plus rapide et une diminution de la fonction exécutive 25% plus rapide que ceux qui consommaient moins de 20% des calories quotidiennes provenant d'AUT », a déclaré le Dr Goncalves. « Si l'on considère une personne qui mange au total 2 000 kcal par jour, 20% des calories quotidiennes provenant d'AUT représentent environ deux barres de KitKat de 42 g, ou cinq tranches de pain, ou environ un tiers d'un paquet de chips de 240 g », a-t-elle expliqué.

Dépression

Selon une étude réalisée en 2021, les AUT seraient également associés à un risque accru de dépression (de 22%) se développant dans les 2 à 10 ans. [3] L'effet de la malbouffe sur la santé mentale continue ainsi d'être mis en lumière. La raison précise pour laquelle les AUT sont associés à la dépression et à d'autres maladies mentales n'est pas claire, mais une des principales hypothèses est l’effet des AUT sur le microbiote intestinal et l'inflammation associée.

La majorité des apports caloriques chez les jeunes

L'impact à long terme des AUT sur le cerveau est particulièrement préoccupant si l'on considère qu'ils représentent la majeure partie de l'apport énergétique des jeunes dans plusieurs pays. Aux États-Unis, une étude transversale des données de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) a montré que chez les jeunes âgés de 2 à 19 ans, le pourcentage estimé de l'énergie totale provenant de la consommation d’AUT est passé de 61,4% à 67% entre 1999 et 2018 (IC 95 %, 3,5-7,7 ; p < 0,001). [4] En revanche, l'énergie totale provenant des aliments non transformés ou peu transformés a diminué de 28,8% à 23,5 % (différence, -5,3 % ; IC à 95 %, -7,5 à -3,2 ; p < 0,001).

Quid des scores nutritionnels?

Alors qu'aucune solution ne semble permettre de ralentir la consommation d'AUT, l’affichage de scores nutritionnels sur les emballages est discuté.

Le système NOVA divise notamment les aliments en différentes catégories : frais ou peu transformés (p. ex., fraises, avoine concassée), ingrédients culinaires transformés (p. ex., huile d'olive), aliments transformés (p. ex., fromages) et AUT. Selon des médecins qui ont participé à une conférence virtuelle parrainée par l'American Society for Nutrition, étant donné que l'obésité et les problèmes de santé liés à la malbouffe continuent de progresser, la sensibilisation accrue et l'étiquetage des AUT ne peuvent que constituer des initiatives positives. En revanche, des chercheurs français font remarquer que le système de classification des aliments NOVA serait trop confus et finalement peu utile. [5]

Le Pr Boris Hansel (diabétologue et nutritionniste, Hôpital Bichat, Paris), propose quant à lui une stratégie en 3 étapes pour aider les patients à mieux manger et choisir les aliments. [6] Il faut :

  1. expliquer quels sont les repères du Programme national nutrition santé (PNNS) et donc quels sont les aliments à favoriser, à consommer en quantité modérée et à limiter.

  2. proposer d’utiliser le NUTRI-SCORE.

  3. limiter les aliments du groupe 4 du score NOVA.

 

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