Etats-Unis – Les échocardiographistes interventionnels sont devenus un élément de plus en plus essentiel de l'équipe de cardiologie structurelle, mais ils pourraient en payer le prix en termes d'exposition aux rayonnements, selon une nouvelle étude.
Les résultats montrent que les échocardiographistes interventionnels reçoivent des doses de rayonnement au niveau de la tête trois fois plus élevées que les cardiologues interventionnels pendant les fermetures de l'appendice auriculaire gauche (LAAO) et des doses 11 fois plus élevées pendant la réparation transcathéter bord à bord (TEER) de la valve mitrale.
« Au cours des cinq à dix dernières années, on a assisté à une croissance exponentielle de ces deux procédures, TEER et LAAO, et bien que cela soit très intéressant, je pense qu'il n'y a pas eu autant de recherches sur la façon de protéger ces personnes », a déclaré l'auteur principal le DrDavid A. McNamara, MD, MPH, Spectrum Health, Grand Rapids, Michigan, à theheart.org | Medscape Cardiology. L'étude a été publiée le 7 juillet dans JAMA Network Open[1].
Quels niveaux de protection ?
Les études précédentes se sont largement concentrées sur l'exposition aux rayonnements et les efforts d'atténuation pendant les interventions coronaires, mais la configuration de la salle pour le LAAO et le TEER et les techniques de blindage pour atténuer l'exposition aux rayonnements sont très différentes, a-t-il noté.
Une étude de 2017 a révélé que l'exposition aux rayonnements était nettement plus élevée pour les spécialistes de l'imagerie que pour les cardiologues structurels et qu'elle variait selon le type de procédure.
Pour l'étude actuelle, le Dr McNamara, échocardiographe de formation, et ses collègues ont recueilli des données sur 30 procédures LAAO et 30 procédures TEER consécutives réalisées dans leur établissement entre juillet 2016 et janvier 2018.
Les imageurs interventionnels, les cardiologues interventionnels et les échographistes portaient tous une jupe de plomb, un tablier et une protection au niveau de la thyroïde, ainsi qu'un dosimètre pour collecter les données de rayonnement.
Les cardiologues interventionnels se tenaient immédiatement à côté de la table de procédure et utilisaient un écran de plomb pour le haut du corps s’élevant jusqu’au plafond et un écran pour le bas du corps s'étendant de la table jusqu’au sol. L'échocardiographe se tenait à la tête du patient et utilisait un écran accessoire mobile élevé à une hauteur permettant à l'imageur d'étendre ses bras au-dessus de l'écran pour manipuler une sonde d'échocardiographie transœsophagienne tout du long.
La durée médiane de la fluoroscopie était de 9,2 minutes pour le LAAO et de 20,9 minutes pour le TEER. Le kerma* aérien médian était de 164 mGy et 109 mGy, respectivement.
*Le kerma est une mesure de l'énergie cinétique transférée du rayonnement à la matière.
Les échocardiographistes interventionnels ont reçu une dose de rayonnement médiane par cas de 10,6 µSv, contre 2,1 µSv pour les cardiologues interventionnels. Le résultat était similaire pour le TEER (10,5 µSv contre 0,9 µSv) et le LAAO (10,6 contre 3,5 µSv ; P < 0,001 pour tous).
La probabilité que les échocardiographistes interventionnels reçoivent une dose de radiation supérieure à 20 µSv était 7,5 fois plus élevée que celle des cardiologues interventionnels (P < 0,001).
« Ce n'est pas l'association, mais plutôt son ampleur qui nous a surpris », a observé McNamara.
L'équipe a été agréablement surprise, dit-il, de constater que les échographistes, un « groupe très peu étudié », ont reçu des doses de rayonnement médianes nettement inférieures à celles des imageurs interventionnels pendant les procédures LAAO (0,2 µSV) et TEER (0,0 µSv ; P < 0,001 pour les deux).
Les distances moyennes de la source de rayonnement étaient de 26 cm (10,2 pouces) pour l'échocardiographe, de 36 cm (14,2 pouces) pour le cardiologue interventionnel et de 250 cm (8,2 pieds) pour l’échographiste.
« Ces personnes [les échographistes] étaient beaucoup plus éloignées que les médecins qui effectuaient ces interventions et c'est ce qui pourrait expliquer leurs taux très bas. C’est un élément qui peut nous servir à affiner nos techniques d'atténuation vis-à-vis des médecins et de tous les autres membres du laboratoire de cathétérisme présents dans la pièce », a déclaré le Dr McNamara.
De nouveaux systèmes plus protecteurs
Le Dr Sunil Rao, le tout nouveau président de la Society of Cardiovascular Angiography and Interventions (SCAI), a déclaré : « C'est une étude vraiment importante parce qu'elle élargit les risques professionnels potentiels au-delà de ce que nous considérons traditionnellement comme tels pour l'équipe qui effectue les procédures interventionnelles... nous devons reconnaître que les procédures que nous effectuons dans le laboratoire de cathétérisme ont changé ».
« Montrer que nos collègues sont 3 à 10 fois plus exposés aux radiations est une information vraiment importante à diffuser. Je pense que c'est en quelque sorte un appel à l'action », a déclaré le Dr Rao, professeur de médecine à l'université Duke de Durham, en Caroline du Nord, à theheart.org | Medscape Cardiology.
Il a néanmoins observé que les pratiques ont quelque peu évolué depuis l'étude et que les cardiologues interventionnels travaillant avec des médecins spécialisés en imagerie sont plus conscients des problèmes d'exposition aux rayonnements.
« Lorsque je discute avec nos collègues qui pratiquent des interventions cardiaques structurelles, ils s'assurent qu'ils n'appuient pas sur la pédale de fluoro pendant que l'échocardiographe manipule la sonde TE », a déclaré Rao. « L'échocardiographe utilise souvent un bouclier beaucoup plus grand que celui décrit dans l'étude, et n'oubliez pas qu'il y a une diminution exponentielle de l'exposition aux rayonnements en fonction de la distance, donc ils reculent pendant la fluoroscopie. »
Même si le volume des procédures TEER et LAAO, ainsi que des interventions sur la tricuspide, va continuer à augmenter, le Dr Rao a déclaré qu'il s'attend à ce que l'exposition aux rayonnements du cardiologue en imagerie diminue grâce à une plus grande utilisation des systèmes d'imagerie de nouvelle génération dotés de fonctions de réduction des doses et de meilleures stratégies de blindage.
Il fait remarquer que plusieurs des documents de la SCAI sur les pratiques les plus adéquates attirent l'attention des lecteurs sur la sécurité des rayonnements et que la SCAI est en train de créer une voie permettant aux cardiologues imageurs de devenir membres de la société, ce qui était traditionnellement réservé aux interventionnistes.
Pourtant, les sociétés d'imagerie et de cardiologie n'ont pas encore approuvé de procédures de sécurité normalisées pour les imageurs interventionnels, et les registres nationaux ne recueillent pas systématiquement d'informations sur l'exposition aux rayonnements.
« Il n’y a actuellement ni les budgets ni même de l'intérêt au niveau national pour mener de tels travaux, donc cela doit être fait localement », a déclaré le Dr Rao. « La personne la plus apte pour gérer ce type de problèmes est, de mon point de vue, le responsable du laboratoire de cathétérisme et le responsable des infirmières du laboratoire de cathétérisme, qui devraient vraiment travailler main dans la main pour s'assurer que la radioprotection est au sommet de la liste des priorités. »
L'étude a été financée par le Frederik Meijer Heart & Vascular Institute, Spectrum Health et Corindus. Les sources de financement n'ont joué aucun rôle dans la conception et la réalisation de l'étude ; la collecte, la gestion, l'analyse et l'interprétation des données ; la préparation, l'examen et l'approbation du manuscrit ; et la décision de soumettre le manuscrit pour publication. L'auteur principal, le Dr Ryan Madder, déclare avoir reçu un soutien à la recherche, des honoraires de conférencier et des subventions, et faire partie du conseil consultatif de Corindus. Aucune autre déclaration de liens d’intérêt n'a été signalée.
L’article a été publié initialement sur Medscape.fr sous l’intitulé Interventional Imagers Take on Central Role, and More Radiation. Traduit par Stéphanie Lavaud.
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Crédit image de Une : The Image Bank/Getty Images
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Citer cet article: Les échocardiographistes interventionnels : plus exposés aux radiations dans le cathlab - Medscape - 5 août 2022.
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