Étude de cas : gonflement du pouce après morsure de couleuvre

Dr Thomas Kron

Auteurs et déclarations

8 août 2022

On estime que près de 140 000 personnes meurent de morsures de serpents chaque année. En Europe occidentale, les morsures de serpent sont très rares et ne mettent généralement pas la vie en danger ; elles n'en peuvent pas moins être parfois préoccupantes, comme le montre le cas d'une jeune femme de 24 ans, décrite par des dermatologues allemands. [1]

Présentation  

La jeune femme s'est présentée en urgence à la clinique dermatologique de l'université de Mayence, en Allemagne, après avoir été mordue au pouce gauche environ deux heures plus tôt, alors qu'elle nourrissait sa couleuvre à nez retroussé (Heterodon nasicus). Le serpent avait maintenu sa morsure pendant une dizaine de minutes avant que la patiente ne parvienne finalement à s'en défaire. En l'espace de quelques minutes, son pouce gauche avait enflé. Aucune allergie ou intolérance n'était connue.

A l’examen, un gonflement significatif du pouce gauche et une petite érosion du sillon unguéal à l'endroit de la morsure étaient notés. 

Traitement et suivi

Selon les auteurs, [1  ]la consultation du centre antipoison a révélé qu'aucun antidote spécifique n'était disponible pour le venin de la couleuvre à nez retroussé ; il ne fallait pas non plus s'attendre à un effet toxique systémique d'après les dermatologues. Les recommandations des experts étaient les suivantes : une surveillance clinique et des contrôles de la coagulation, ainsi qu'un traitement symptomatique de la réaction locale et un traitement antiseptique et éventuellement antibiotique. 

La patiente a alors reçu un traitement antiseptique local à l'octénidine pendant plusieurs jours, ainsi que 100 mg de méthylprednisolone et une ampoule de maléate de dimétindène en perfusion courte. Un traitement antibiotique (amoxicilline/acide clavulanique 875 mg/125 mg 2 fois par jour pendant 5 jours) a également été prescrit et une vérification de la protection antitétanique a été recommandée

Discussion et recommandations

Comme l'expliquent les auteurs, la couleuvre à nez retroussé appartient à la famille des colubridés et est originaire du Mexique et d'Amérique du Nord. Elle se nourrit d'insectes, de souris et de crapauds. La grande majorité des colubridés du monde entier sont relativement inoffensifs pour l'homme, car leur venin est trop faible pour causer des dommages importants. 

Comme la couleuvre à nez retroussé n'a que de petites dents venimeuses sillonnées, situées à l'arrière de la gueule, elle fait partie de ce que l'on appelle les « fausses couleuvres ». Les dermatologues expliquent que les couleuvres venimeuses, en revanche, ont de longues dents striées à l'avant de la gueule. Pour appliquer une quantité efficace de venin, une couleuvre à nez retroussé doit donc tenir sa proie particulièrement longtemps dans sa bouche et masser le venin avec des mouvements de mastication.  Les accidents par morsure seraient le plus souvent dus à des tentatives de nourrissage. Cela se produit particulièrement souvent lorsque des animaux vivants, par exemple des souris, sont donnés sans gants épais. Le serpent ne peut pas faire la différence entre une proie et la main du propriétaire. 

Selon les auteurs, il n'existe pas de chiffres officiels sur la fréquence de détention de la couleuvre à nez retroussé comme animal de compagnie en Europe. D'autres serpents que la couleuvre à nez retroussé sont détenus comme animaux de compagnie, comme l'inoffensif serpent des blés, mais aussi des serpents géants et venimeux. 

En cas de morsure de la couleuvre à nez retroussé, des rapports de cas publiés décrivent des œdèmes de différents degrés de gravité, des plaies non compliquées et des douleurs locales. L'intensité de la réaction est généralement corrélée à la durée de la morsure. On ne sait pas encore si les symptômes cliniques sont dus à l'effet toxique des sécrétions, à une hypersensibilité de type I ou à une combinaison des deux.

Contrôler les valeurs de coagulation et l'hémogramme

Outre les effets locaux décrits, une réaction systémique à la morsure d'une couleuvre à nez retroussé a été décrite pour la première fois en 2019. La morsure a entraîné une thrombocytopénie qui s'est stabilisée au cours des quatre mois suivant la morsure sous traitement symptomatique. Selon les auteurs, cela suggère de contrôler les valeurs de coagulation et l'hémogramme après une morsure de serpent. Pour éviter une surinfection, il est possible de traiter avec un antibiotique β-lactam. Il n'existe pas de traitement spécifique après une morsure de serpent de la couleuvre à nez retroussé. 

Chaque année, selon la littérature, entre 1,8 et 2,7 millions de personnes sont mordues par des serpents dans le monde. La morsure peut représenter un événement clinique très dynamique. Les symptômes peuvent s'aggraver progressivement et devenir une urgence vitale. Les morsures de serpent peuvent avoir des conséquences physiques à long terme, telles qu'amputations, paralysies et handicaps, ainsi que des conséquences psychologiques.

Les spécialistes réunis autour du professeur François Chappuis (Genève, Suisse), spécialiste en médecine tropicale, recommandent notamment en cas de morsure de serpent : 

  • L'immobilisation du membre mordu lors du transport du patient vers un établissement médical ; l'utilisation générale de l'immobilisation par pression est controversée, les garrots ne sont pas recommandés.

  • Évaluer les paramètres vitaux et entreprendre des mesures de réanimation si le patient est cliniquement instable et présente des signes de saignement, de choc, de paralysie ou de détresse respiratoire

  • Anti-venin intraveineux chez les patients présentant des symptômes systémiques ; la dose et le type dépendent de l'espèce probable, des directives locales et de la disponibilité.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix

Suivez Medscape en français sur Twitter, Facebook et Linkedin.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....