POINT DE VUE

A peine sortis de la 9ème vague, devons-nous craindre les nouveaux variants ?

Pr Gilles Pialoux

Auteurs et déclarations

27 janvier 2023

France __ Bonjour. Gilles Pialoux, je suis professeur de maladies infectieuses à l’hôpital Tenon, à l’APHP et à Sorbonne Université. Je suis content de vous retrouver pour ce petit point de début d’année sur le Covid-19 qui est devenu « Covid-23 » et sur Medscape France.

On va faire le point sur la situation actuelle de fin du mois de janvier. Est-ce que la fin de la 9ème vague en France est de bon augure et y a-t-il des raisons de s’inquiéter par ailleurs ? Vous allez voir que la réalité est un peu plus complexe.

La situation en France et en Chine au mois de janvier

Un mot sur la situation en France. On est effectivement dans une décroissance de la 9ème vague avec un R0 qui est en-dessous de 0,5, des taux d’incidence qui étaient montés à 1 000 pour 100 000 et qui sont autour de 50 pour 100 000 et une tension pour la réanimation qui est le dernier point à se vider à 20-21 %.

Avec ce variant BQ 1.1, sujet de cette intervention, la « soupe » des variants Omicron est tout à fait étonnante.

Un mot sur la Chine qui a mis fin à son « zéro Covid ». L’échec du « zéro covid », c’est surtout l’échec de la vaccination. Il y a un très bon papier sur Nature Medecine de juillet 2022 qui a modélisé ce que coûterait à la Chine la levée des restrictions dans un pays insuffisamment vacciné, et mal vacciné, avec des candidats vaccins qui sont de moindres efficacités. Ce papier, signé par des Chinois, dans Nature Medecine, montre que l’on aurait une épidémie qui augmenterait et dépasserait de quinze fois les capacités en réanimation et conduirait à 1,55 millions de décès.

Bien sûr, ce sont des chiffres que nous n'avons pas puisqu’il y a un « blackout » sur l'information venant de Chine. On reviendra sur les variants qui circulent en Chine et qui sont problématiques. Néanmoins, les variants qui circulent aux États-Unis sont beaucoup plus préoccupants.

 
Les variants qui circulent aux États-Unis sont beaucoup plus préoccupants.
 

Les variants et leur impact dans le monde

Sur la situation des variants, quatre questions se posent : quel est l'impact de tous ces variants sur la vaccination ? Sur la circulation virale ? Sur la thérapeutique ? Sur la pathogénicité ?

Je renvoie au dernier avis du Conseil scientifique Covid-19 (auto-dissout en 19 juillet 2022) avec un titre qui était tout à fait clair : « Il faut vivre avec les variants. La pandémie n’est pas terminée, il faut mieux anticiper. » Je crois que ce sont les trois message-clés que nous a laissé le Conseil scientifique. Nous allons voir pourquoi.

 
Il faut vivre avec les variants. La pandémie n’est pas terminée, il faut mieux anticiper.
 

Sur les variants, et vous le savez, après les données de Santé publique France, notamment les données d’enquête Flash qui sont régulières (les dernières datent de début janvier), on a une domination depuis à peu près six mois des variants BA.5 qui ont succédé à la vague de janvier 2022, qui était une vague essentiellement BA.1.

À l'intérieur de ces variants BA.5, on sait que le variant dominant actuellement est le variant BQ 1.1 qui est un sous-variant de BA.5 et l’on suit cela d'extrêmement près, notamment l'apparition de variants de haute contagiosité.

On pense par exemple au BF.7 qui est tout à fait sous-représenté en France puisqu’il représente moins de 7 % de contaminations et qui est précisément le variant qui est dominant en Chine d'après les informations que l’on a reçu.

On peut par ailleurs suivre ces variants sur le blog du Dr Marc Gozlan (Le Monde), où il présente un schéma très explicatif qui montre comment des variants diffusent, par augmentation de mutations +4, +5, +6, +7 mutations. Puis, l'apparition d'une deuxième race de variants qui sont les combinaisons. On reconnaît ces derniers parce qu'ils ont la lettre X. Le mutant combiné le plus connu est XBB.

 

La France a changé sa politique face à ces sous-variants
Il est essentiel que les cliniciens qui nous regardent interrogent les personnes qui reviennent de l'étranger. On sait de l'expérience d'Ébola que les retours sont parfois compliqués : on peut être quelqu'un qui rentre de Bruxelles en train, absolument non-contrôlé, non-dépisté et non-questionné, et ce quelqu'un rentre peut-être de Chine via Bruxelles dans des voyages très indirects. Il faut donc faire des RT-PCR pour suivre ces virus mutants et lorsqu’une RT-PCR est positive, il faut recourir au séquençage dans des laboratoires spécialisés, même s'il y a moins de laboratoires. Il y en avait six jusqu'à maintenant et la voilure a été diminuée à deux laboratoires de référence pour le séquençage.

 

Nous allons prendre l’exemple assez typique du variant BA.2.75.2 (Centaure) avec deux papiers en preprint, l'un de septembre, l’un de novembre. Le variant BA.2.75.2 a fait couler beaucoup de salive puisque c'est un variant d'échappement important et qu’in vitro, il résistait à la neutralisation par EVUSHELD, qui sert à faire la prévention, notamment chez les immunodéprimés qui sont non répondeurs à la vaccination.

Pour montrer que les choses sont complexes, ce variant a d'abord été décrit dans la première publication comme sensible au bebtélovimab, que nous n’avons pas en France. Il a été réclamé par les associations de patients et par le conseil scientifique dans son dernier avis. Puis, très peu de temps après, en novembre, l’autre article a expliqué que le bebtélovimab n'était pas efficace sur les sous-variants A.2.75.2, BA.4.6 et BQ.1.1.

Émergence des variants recombinants : le cas du mutant X.BB.1.5

Concernant l'émergence des variants recombinants, j'ai dit qu’ils étaient « X quelque chose », XBB étant le plus connu : un mutant comprenant une partie du génome d'un variant BJ.1 de BA.2 et du variant BA.2.75.2 dont on a parlé tout à l'heure.

Le point de cassure du génome se situe dans la protéine spike. Nous avons donc une augmentation de la contagiosité et aussi une augmentation de la pénétration dans l'organisme. Bien évidemment, ces variants sont fait pour être plus transmissibles.

Aux États-Unis, le Center for Disease Control and Prevention (CDC) a sonné l’alerte car pour l'instant, c'est le deuxième par ordre de fréquence après le BQ.1.1 que l’on trouve actuellement en France. Toutes ces données sont sur le site « Covid Data Tracker » du Centre de contrôle des maladies infectieuses d'Atlanta.

La supériorité de ces variants, notamment du mutant X.BB.1.5 (deuxième génération de ces mutants), c'est d’avoir à la fois un échappement au système immunitaire qui est quasiment égal à son prédécesseur, mais surtout une plus haute affinité pour les récepteurs de l'enzyme de conversion ACE2 qui est le récepteur sur les cellules cibles, donc probablement une plus grande affinité et plus grande charge virale.

Pour le moment, nous n’avons pas d'éléments pour dire qu'il y a une plus grande pathogénicité. Aux États-Unis, ils l'ont appelé KRAKEN (un monstre marin de la mythologie nordique qui a la forme de poulpe géant ou d’un calamar). Le recombinant XB.1.5 est aussi présent en Angleterre et en Australie, même si pour l'instant la France n’est pas affectée (1%), premier cas en Afrique du Sud, etc.

Lorsque l’on regarde la neutralisation vaccinale, les choses sont un peu plus réconfortantes et il y a un très bon papier du New England journal of Medicine , même si c'est une correspondance du 21 décembre 2022 qui montre très clairement que quand vous avez des données sur des sérums de patients. On n’est pas dans le in vitro parce qu'il y a un débat sur les tests de neutralisation in vitro et la vraie vie. Ici, quand on regarde des personnes qui ont eu un vaccin, un boost, un rappel par un vaccin monovalent, deux vaccins monovalent comparés à ceux qui ont eu un vaccin bivalent, celui qui précisément cible Omicron, on voit quand même qu'il y a un maintien de l'efficacité vaccinale, c’est donc un message très fort pour continuer à vacciner.

Il y a plusieurs papiers, notamment un papier du Lancet qui pointe la discordance entre les tests in vitro et précisément les tests in vivo que l'on fait dans les populations qui sont exposés à des variants ou des sous-variants d’Omicron. Tout ça est actuellement en discussion.

 
On voit quand même qu'il y a un maintien de l'efficacité vaccinale, c’est donc un message très fort pour continuer à vacciner.
 

Le cas de la Chine et de la progression du variant BF.7

Un mot sur la Chine et sur le BF.7. Plusieurs articles alertent sur le R0. Le taux de transmission, comme vous connaissez, qui était monté autour de cinq pour les premiers variants d’Omicron. Concernant le BF.7 qui est un variant dominant en Chine, on a des chiffres de R0, entre 10 et 18.

On se rapproche quasiment des taux de transmission de la rougeole, donc un taux de transmission extrêmement important, même si le variant BF.7 dans les séquençages réalisés en France depuis juin 2022, est totalement sous-représenté.

Plus rare encore, les recombinants complexes qui recombinent 3, 4, 5 voire 6 génomes. Ces recombinants sont sans doute apparus lors d'infections répétées, notamment chez un patient immunosupprimé. Il est possible que, à force d'en faire trop, si je puis dire, le virus perde de sa capacité d'échappement.

 
Concernant le BF.7 qui est un variant dominant en Chine, on a des chiffres de R0, entre 10 et 18. On se rapproche quasiment des taux de transmission de la rougeole.
 

Est-ce que tout cela affecte la thérapeutique ?

Bien sûr. Je renvoie aux dernières données de l'OMS qui ont sorti l’EVUSHELD de l'arsenal préventif et réduit très considérablement l'utilisation des anticorps monoclonaux dans cette période Omicron. Sans que pour l'instant les traitements, on pense notamment au Paxlovid, soit affecté par cette « soupe » de variants qu’il faut absolument surveiller au niveau national et international.

 

Je vous remercie beaucoup.

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