POINT DE VUE

2022 : bilan et perspectives en oncologie

Dr Manuel Rodrigues

Auteurs et déclarations

29 décembre 2022

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Transcription

France __ Bonjour. Bienvenue sur le site de Medscape. Je suis le Dr Manuel Rodrigues, oncologue médical à l’Institut Curie, à Paris.

Aujourd’hui nous allons revenir sur le bilan de l’année en oncologie.

2022, devait être l’année du rebond. Après les deux années marquées par la pandémie de COVID, on pensait que l’année 2022 serait celle où l’on pourrait se ressaisir et, finalement, elle aura été marquée par la guerre en Ukraine et par la crise économique qui a résulté partiellement de cette guerre en Ukraine, mais aussi de bien d’autres facteurs qui étaient en cause, qui étaient sous-jacents, déjà, depuis de nombreuses années, et qui se sont révélés à cette occasion.

Ce qui fait que la situation financière ne s’est pas forcément améliorée et n’est pas venue améliorer, non plus, la situation sanitaire, qui était déjà bien compliquée.

Un marché en augmentation face à une crise économique et sanitaire

Cette crise se perçoit au quotidien, que ce soit aux urgences, en particulier, en cette fin d’année, au niveau des urgences pédiatriques avec l’épidémie de bronchiolite qui va être difficile à juguler, mais aussi au quotidien chez nos patients qui ont de plus en plus de mal, tout simplement à avoir un médecin traitant, à accéder à un médecin spécialiste, un dermato, un ophtalmo, un rhumato. C’est une situation compliquée.

En oncologie, de loin la situation ne paraît pas compliquée. Finalement, on a battu encore une fois un record du nombre de nouvelles autorisations de mise sur le marché– d’ailleurs, je vous encourage à les suivre sur le Bulletin de la Société française du cancer –.

On était à une trentaine de nouvelles molécules cette année, aux États-Unis. Et, le marché mondial ne fait qu’augmenter, puisqu’on était autour des 110 milliards par an en 2017 pour 200 milliards cette année, et 300 milliards autour de 2026.

 
On a battu encore une fois un record du nombre de nouvelles autorisations de mise sur le marché.
 

Le nombre de molécules augmente, le nombre d’essais cliniques augmente, le nombre de cibles thérapeutiques, de niches thérapeutiques de sous-maladies moléculaires ne fait qu’augmenter, et c’est là où, finalement, cela va se percuter au réel : une situation de crise économique, une crise de vocation auprès des soignants et des paramédicaux ...

En outre, les essais cliniques se développent beaucoup grâce aux assistants de recherche clinique, les ARC. Or, on sent bien une difficulté à recruter des ARC et à mener des essais cliniques, puisqu’on a un nombre limité d’ARC. Il risque d’y avoir un problème dans les prochaines années.

Renforcer la prévention

Comment peut-on agir sur la situation financière, en tout cas par le prisme de l’oncologie ?

Il existe des leviers pour diminuer le coût de l’oncologie et le coût du cancer dans la société.

Le premier des leviers est tout simplement d’éviter le cancer. Et c’est là-dessus que l’on peut jouer, puisque c’est une maladie dont on connaît les causes.

Dans 40 % des cas, les cancers sont évitables et il faut, donc, lutter contre ces facteurs que l’on peut éviter. Lutter encore plus fermement contre le tabac, l’alcool, encourager l’activité sportive, une alimentation équilibrée, soutenir encore plus la vaccination contre les virus oncogènes – l’hépatite B, l’HPV, le papillomavirus est encore trop peu couvert –, diminuer l’exposition solaire.

 
Dans 40 % des cas, les cancers sont évitables et il faut, donc, lutter contre ces facteurs que l’on peut éviter.
 

Il y a beaucoup de facteurs qui nous permettraient de réduire l’incidence des cancers. Pas du jour au lendemain, mais, en tout cas, d’installer des mesures fortes pour les 10-20 prochaines années.

La prévention secondaire, le dépistage, est aussi important. Il faut dépister mieux, dépister plus. C’est important en cette sortie de COVID qui a entamé fortement le recrutement pour le dépistage. Il faut relancer le dépistage avec des dépistages plus modernes. Dépister, aussi, le cancer du poumon, un cancer qui « coûte cher » à la société. Si on le dépiste, on pourrait réduire le coût pour la société.

Voilà des facteurs de prévention importants. Et quand on est atteint du cancer, il faut trouver d’autres moyens, peut-être, de financement, être peut-être plus créatif, trouver d’autres idées pour financer les traitements contre le cancer.

Enfin, peut-être, aussi, être plus rigide dans certains cas.

En tout cas, il y a des choses à inventer, il y a des leviers pour diminuer le coût du cancer, tout en gardant une excellente prise en charge du cancer, comme on sait la réaliser en France.

Deux types d’anticorps thérapeutiques contre le cancer

Pour revenir à un thème plus classique de bilan de fin d’année, je ne vais pas faire le tour de toutes les thérapeutiques qui sont arrivées, mais peut-être un focus sur deux types de molécules, deux types d’anticorps thérapeutiques.

Le premier dont on en a parlé plusieurs fois, et qui a été l’un des grands succès de l’année 2022, ce sont les anticorps drogue-conjugués, des anticorps associés à une chimiothérapie, par exemple, qui vont reconnaître la cellule tumorale, être absorbés par la cellule tumorale et relarguer dans celle-ci la molécule de chimiothérapie pour spécifiquement détruire cette cellule tumorale.

Ils permettent de diminuer les toxicités tout en augmentant l’efficacité. Ils sont intéressants et vont se multiplier dans les prochaines années.

L’autre famille d’anticorps, ce sont les anticorps bispécifiques, ceux qui d’un côté reconnaissent la cellule tumorale, et de l’autre reconnaissent la cellule immunitaire.

Ils vont faire en sorte qu’elles se touchent, se rassemblent, afin que les cellules immunitaires puissent détruire la cellule tumorale. Cela a montré son efficacité, encore récemment dans le New England Journal of Medicine avec le talquétamab, par exemple.

Il s’agit d’une immunothérapie très intéressante comparée aux CAR-T cells.

Depuis plusieurs années, on parle beaucoup des CAR-T cells en oncologie, ces cellules immunitaires que l’on modifie.

 

Les cellules immunitaires du patient sont récoltées, modifiées génétiquement pour qu’elles puissent reconnaître les cellules tumorales, et réinjectées au même patient.

 

Mais, c’est une thérapeutique très lourde sur le plan industriel, très lourde à administrer, avec beaucoup d’effets secondaires, et il faut une forte expérience du centre – il y a peu de centres en France qui sont encore capables de le faire.

De l’autre côté, cette stratégie d’anticorps drogue-conjugués, est non spécifique d’un patient. Vous en fabriquez et vous pouvez les administrer, si vous voulez, à quasiment n’importe quel patient. Ils sont beaucoup plus simples à supporter et on pourrait même les associer à d’autres thérapeutiques.

Je crois que cette famille d’anticorps a un bel avenir devant elle, parce que les CAR-T cells ne vont pas être si faciles à utiliser.

Il faut rappeler que le cancer c’est tout de même très fréquent – c’est plus 300 000 personnes par an en France, on ne pourra pas traiter tout le monde par des CAR-T cells. Ces anticorps pourront être, en revanche, très intéressants dans le futur. À suivre.

 
Je crois que cette famille d’anticorps a un bel avenir devant elle, parce que les CAR-T cells ne vont pas être si faciles à utiliser.
 

Continuez de suivre Medscape afin de vous tenir au courant de tout ce qui se passe en oncologie et dans les autres spécialités. Sur ce, je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année 2022. Je vous souhaite aussi d’avance une bonne année 2023, en étant persuadé qu’on arrivera à mettre en place de nouveaux moyens de traiter le mieux possible nos patients français et dans les meilleures conditions. C’est le souhait que j’aurais pour cette année 2023. À bientôt sur le site de Medscape.

 

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