POINT DE VUE

Le top 5 des essais cliniques cardiovasculaires de 2022

Pr Ph Gabriel Steg

Auteurs et déclarations

19 décembre 2022

Transcription

France __ Bonjour, nous arrivons à la fin de l’année 2022 et c’est le moment de jeter un regard sur les moments forts en cardiologie de l’année.

J’ai sélectionné cinq résultats qui m’ont paru importants, cinq résultats positifs.

Des études positives qui changent la donne

Le premier résultat positif est une étude réalisée par nos collègues de l’université de l’Alabama, à Birmingham, sur les bénéfices éventuels du traitement de l’hypertension artérielle chronique chez la femme enceinte. Un sujet difficile car il y a peu de données, peu d’études randomisées et toujours la crainte qu’un traitement trop intensif de l’hypertension artérielle altère le pronostic, non seulement de la mère, mais également du nouveau-né. L’étude randomisée qui a été réalisée montre de façon éclatante qu’un traitement de l’hypertension artérielle chronique prévient la prééclampsie, le risque de prématurité sans effets secondaires sur le nouveau-né, de telle sorte qu’il faut traiter l’hypertension artérielle de la femme enceinte en utilisant, bien entendu, les molécules autorisées pendant la grossesse.

Deuxième résultat très important, comment faut-il faire un choc électrique dans une fibrillation ventriculaire réfractaire, c’est-à-dire une fibrillation ventriculaire où il y a déjà eu trois échecs de choc électrique ? Des collègues ont fait une étude randomisée toute simple qui compare un choc électrique antéro-postérieur, un choc électrique conventionnel ou une double défibrillation séquentielle. Les résultats montrent que la double défibrillation séquentielle obtient un plus grand pourcentage de retour en rythme sinusal et que ceci se traduit par une amélioration considérable de la survie sans séquelles neurologiques graves. De telle sorte que nous avons là un résultat immédiatement applicable, et c’est peut-être le résultat le plus important de l’année.

 
Nous avons là un résultat immédiatement applicable, et c’est peut-être le résultat le plus important de l’année.
 

Troisième résultat positif, ce sont les bénéfices sans cesse renouvelés des inhibiteurs de SGLT2 en cardiologie, d’abord dans l’insuffisance cardiaque, avec deux études concordantes montrant maintenant les bénéfices à la fois de la dapagliflozine et de l’empagliflozine dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. Ces bénéfices conjugués aux études précédentes sur l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection abaissée et aux études qui se sont intéressées à l’insuffisance cardiaque aiguë suggèrent que, désormais, les inhibiteurs de SGLT2 sont des traitements de toutes les formes d’insuffisance cardiaque. On pourrait y ajouter les bénéfices qui ont également été montrés pour cette classe thérapeutique dans l’insuffisance rénale chronique sur la protection contre l’altération inexorable de la fonction rénale.

Quatrième type de résultat positif important, l’étude SECURE sur l’utilisation d’une poly-pill en prévention secondaire cardiovasculaire chez les sujets âgés. Cette étude randomisée a montré que non seulement la poly-pill améliore l’adhérence au traitement, mais que ceci se traduit par une amélioration du pronostic et que, finalement, c’est assez logique et attendu, compte tenu des bénéfices des traitements de prévention secondaires : si on ne les prend pas, on perd ces bénéfices, mais si on les prend de façon rigoureuse et que l’on est adhérent au traitement, les bénéfices sont plus importants. Ce n’est donc pas qu’un élément de confort que d’utiliser une poly-pill, c’est aussi un élément pronostique d’une meilleure adhérence et d’une meilleure efficacité du traitement.

Enfin, dernier résultat, celui d’une étude coordonnée en France par Alexandre Mebazaa, à Lariboisière, l’étude STRONG-HF, qui montre les bénéfices d’une titration rapide et forcée des traitements de fond de l’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection abaissée avec non seulement l’atteinte de la titration souhaitée plus rapide, mais, surtout, ceci se traduit par une réduction du risque de ré-hospitalisation et de poussée d’insuffisance cardiaque. Donc c’est un bénéfice très important.

Des études négatives importantes

À côté de ces résultats positifs, il y a également des résultats qu’on qualifie traditionnellement de négatifs et qui me paraissent importants, car les études négatives sont extrêmement utiles pour abandonner des traitements ou des procédures inutiles.

 
Les études négatives sont extrêmement utiles pour abandonner des traitements ou des procédures inutiles.
 

La première étude négative qui me paraît importante, c’est l’étude REVIVED-BCIS qui a montré par un essai randomisé qu’il n’y a pas de bénéfice à la revascularisation systématique par angioplastie coronaire dans des dysfonctions ventriculaires gauches post-ischémiques, ce qui est plutôt à l’encontre de toute la pensée traditionnelle dans ce domaine où l’idée était de rechercher une viabilité et, s’il y a une viabilité, de revasculariser pour espérer récupérer de la fonction ventriculaire gauche et améliorer le pronostic. Je ne doute pas qu’il y aura d’autres études sur le sujet, mais cette étude doit vraiment nous faire réfléchir et, certainement, modifier la pratique.

Deuxième étude négative, c’est l’étude PROMINENT, qui n’a pas réussi à montrer un bénéfice du pémafibrate, un fibrate « moderne » sur la prévention cardiovasculaire chez les patients hypertriglycéridémiques, diabétiques ou non. Cette étude signe vraisemblablement la fin de l’utilisation des fibrates en prévention cardiovasculaire. Il reste des niches à explorer pour le bénéfice des fibrates sur la prévention de certaines formes de microangiopathie chez les diabétiques, peut-être sur la NASH, peut-être dans la prévention de la pancréatite. Bien que, dans ce domaine, les données qu’on a sur les bénéfices des fibrates dans les très grandes hypertriglycéridémies soient vraiment extrêmement ténues. Mais aujourd’hui, en prévention cardiovasculaire, il n’y a plus de place pour les fibrates, compte tenu du fait que nous avons, par ailleurs, des alternatives en lipidologie très efficaces pour améliorer le pronostic de ces patients et, en particulier, en faisant baisser le LDL avec les médicaments démontrés efficaces, non seulement sur le LDL, mais sur le pronostic cardiovasculaire : statines, ézétimibe, inhibiteurs de PCSK9 et, demain, probablement d’autres molécules.

Autre résultat négatif : l’étude INVICTUS. C’est une déception, c’est une étude qui comparait le rivaroxaban aux antivitamines K chez les patients qui ont une fibrillation atriale et un rétrécissement mitral rhumatismal. Il aurait été utile de pouvoir utiliser des anticoagulants oraux directs plus simples d’utilisation dans cette population. Malheureusement, l’étude montre que, en fait, les antivitamines K restent supérieures au rivaroxaban dans cette indication et, donc, aujourd’hui il faut continuer à utiliser les antivitamines K dans ce cas particulier du rétrécissement mitral en fibrillation atriale.

Une nouvelle ère

Enfin, à côté des résultats positifs et des résultats négatifs, il y a aussi les résultats qui montrent la voie de l’avenir et je conclurai là-dessus. 2022 a été l’année de l’utilisation des techniques d’édition du génome en pratique clinique cardiologique, spécifiquement dans le cas particulier de l’amylose cardiaque à transthyrétine. Il a été montré qu’en utilisant des techniques d’édition du génome par CRISPR-Cas9 on peut empêcher la production de la protéine anormale de transthyrétine et, donc, son accumulation dans les tissus, notamment le système nerveux central et le cœur, pour limiter les conséquences de l’amylose à transthyrétine. Bien qu’il n’y ait qu’une dizaine de patients qui ont été traités jusqu’ici, cela ouvre vraiment la voie à une nouvelle ère de traitement de ces maladies – pour l’instant des maladies relativement rares – et peut-être, demain, de maladies moins rares cardiologiques ou non. On a vu d’autres applications dans des maladies musculaires, dans la drépanocytose, qui sont extrêmement prometteuses, et je pense que ceci ouvre vraiment une page afin de continuer à améliorer de façon radicale la prise en charge, le traitement et le pronostic de ces patients.

Voilà. Vous voyez que 2022 a été une grande année, je ne doute pas que 2023 sera une encore plus belle année. Je vous souhaite, en tout cas, une belle fin d’année et un beau début d’année 2023.

 

Merci et à bientôt sur Medscape.

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