POINT DE VUE

Craintes autour de la résurgence des épidémies d’Ebola, de polio et du Covid-19 

Pr Gilles Pialoux

Auteurs et déclarations

19 octobre 2022

Paris, France – Bonjour. Gilles Pialoux – je suis chef de service de maladies infectieuses à l’hôpital Tenon, à Paris, et professeur à Sorbonne université. Il ne nous a pas échappé que si vous voulez faire une carrière en infectiologie, compte tenu des épidémies et des résurgences que l’on voit actuellement, je pense qu’il y a beaucoup de travail notamment dans l’aspect OneHealth qui n’est pas le sujet de cette chronique.

Le retour d’Ebola

Le premier élément d’inquiétude est le retour du virus Ebola, essentiellement en Ouganda, même si le nombre de victimes est faible, il y a toujours un retard de diagnostic de ces résurgences d’épidémies du virus. On rappelle que la plus sévère d’entre elle, entre 2013 et 2016 en Afrique de l’Ouest, a fait 11 000 décès.

En Ouganda, il y a deux facteurs d’inquiétudes : le fait que le pays était tranquille depuis 2012 vis-à-vis de la maladie d’Ebola ; et deuxièmement que l’on soit avec une souche assez rare. Il y a six souches d’Ebola qui circulent, la plus connue étant la souche Zaïre en cause dans l’épidémie de 2013-2016. On est actuellement avec une souche, dite soudanaise, qui a plusieurs particularités. La première particularité est le taux de décès qui est très élevé : sur les 63 cas confirmés au moment où l’on se parle, il y a eu 30 décès donc un taux autour de 50 % de mortalité ce qui est important et habituel avec Ebola.

Le deuxième élément préoccupant pour l’OMS est que cette souche soudanaise ne répond pas au vaccin qui a été développé en 2020 et autorisé par la FDA, ce qui a permis de contrôler l’épidémie en République Démocratique du Congo (RDC) dans le passé. Cela ne veut pas dire que tous les vaccins sont inefficaces contre cette souche soudanaise contrairement à ce qui est titré dans les journaux.

Il y a six candidats vaccins qui sont à l’étude sur cette souche et puis il y a un vaccin bivalent développé par Janssen qui lui aussi doit être testé sur cette souche soudanaise mais pour le moment nous n’avons pas encore les données. Il y a donc un élément d’inquiétude très clair du côté d’Ebola, on va évidemment surveiller cette épidémie naissante en Ouganda.

 
Il y a donc un élément d’inquiétude très clair du côté d’Ebola, on va évidemment surveiller cette épidémie naissante en Ouganda. 
 

Réémergence de la polio

Le deuxième élément d’émergence, ou de réémergence, c’est le virus de la polio. Il est vrai que l’on s’était habitué à ne plus entendre parler de la polio dont il y a trois sous-types. On n’avait pratiquement plus de nouvelles des variants 2 et 3 et puis là consécutivement on a eu la découverte en juin dans les eaux usées de Londres de la circulation de virus polio de type 2. On a eu des cas, notamment un chez un non-vacciné à New York et puis une petite constellation de cas dans le monde que l’on voit depuis juin : en Afghanistan, au Pakistan, en Algérie, en RDC, en Égypte, au Mozambique, au Nigéria.

La résurgence de la polio vient réactualiser la politique vaccinale notamment pour les voyageurs et tout comme on l’a vu pour le COVID, l’utilisation des marqueurs, pour les pays qui disposent de cette technologie, de la recherche de virus dans les eaux usées qui a été très probante à Londres.

Covid-19 : plusieurs facteurs d’inquiétude

On est évidemment obligé de reparler du COVID. Le COVID à cette date de mi-octobre est en résurgence avec des taux d’incidence dans la semaine 40 selon Santé publique France qui sont autour de 400 pour 100 000 avec plusieurs régions qui dépassent les 500 pour 100 000 [576/100 000 au 14 octobre, selon SPF]. Un taux de positivité qui est très élevé à 27 %, un R0 qui est autour de 1,20, un taux de transmission à R20 et une augmentation d’hospitalisations et des recours à SOS Médecin, du passage aux urgences mais aussi 15 % d’augmentation d’hospitalisations en soins intensifs, ce qu’on n’avait pas vu les semaines précédentes.

Il y a plusieurs manières d’analyser ces données, nous allons nous retrouver dans une confrontation entre ceux qui veulent rassurer et ceux qui veulent plutôt inquiéter. Je dirai que dans les niveaux d’inquiétudes, il y a trois facteurs.

Le premier, c’est qu’à des niveaux de circulation comme celui de 400 pour 100 000 en France, on peut avoir une émergence d’un variant d’échappement plus important que le B.A.5 qui est dominant actuellement même si ces variants existent déjà. On pense notamment au B.A.2 75 mais qui représente moins de 1 % des contaminations. Un variant de plus d’échappement par rapport aux différents modèles vaccinaux et pour lesquelles n’ont pas été testés les vaccins bivalents qui sont présents depuis le 3 octobre en France.

Le deuxième niveau d’inquiétude est l’absence quasi totale de sursaut citoyen par rapport aux gestes barrières et notamment au port du masque.

Troisième élément d’inquiétude : environ 30 % de la population (selon la tranche d’âge) éligible n’a pas reçu le 2e rappel, la 4e dose. La vague actuelle est celle qui est le plus à distance de la dernière injection donc avec une immunité humorale qui peut avoir disparu. Il reste un point d’interrogation concernant l’immunité cellulaire. Tout cela se conjuguant avec une possible émergence de la grippe de manière importante.

 
La vague actuelle est celle qui est le plus à distance de la dernière injection donc avec une immunité humorale qui peut avoir disparu. 
 

 

Covid long : des données édifiantes
Pour finir sur le Covid, une très belle étude publiée par les Allemands dans le British Medical Journal, sur 50 000 cas de Covid et sur la prévalence des Covid longs qui est assez édifiante. En effet, lorsqu’on regarde la fatigue on est à 37 %, les troubles neurocognitifs sont à 31 %, et lorsqu’on regarde les symptômes pulmonaires, séculaires qui peuvent durer au-delà d’un an on est à 30 %. Ces données sont extrêmement bien faites. Bien sûr ce sont des données de 2020-2021 qui ne répondent pas à la question de savoir si les variants d’Omicron de B.A.1, B.A.2 au B.A.5 qui circulaient en juillet et actuellement donnent autant de covid long. Pour l’instant, nous n’avons pas cette information.

 

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