France — Dans une étude publiée le 22 juillet dans Science Advances[1], des chercheurs et des chercheuses de l’Institut Pasteur et du CNRS ont montré que pour pénétrer dans les neurones, le virus SARS-CoV-2 détourne des nanotubes, c’est-à-dire des ponts reliant les cellules infectées et les neurones. Le Pr Chiara Zurzolo, cheffe de l’unité Trafic membranaire et pathogénèse de l’Institut Pasteur, explique cette découverte à Medscape.
Etudier la communication entre cellules
Le Covid-19 entraîne de nombreux symptômes neurologiques : perte de goût ou de l’odorat, troubles cognitifs (perte de mémoire, difficultés à se concentrer), aussi bien dans la phase aiguë que dans le Covid long. « Or, les neurones ne comportent pas de récepteurs ACE2, sur lesquels le virus SARS-CoV-2 se fixe habituellement pour infecter les cellules. La façon dont le virus parvient à infecter les cellules du cerveau n’était donc pas claire », souligne la Pr Chiara Zurzolo, cheffe de l’unité Trafic membranaire et pathogénèse de l’Institut Pasteur.
Avec son équipe, elle travaille habituellement sur les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson) et sur la communication entre cellules. « Nous avons pu montrer que les protéines à l’origine de ces maladies se propagent de cellule à cellule entre neurones grâce à des connections entre cellules, comme des tunnels. Ce sont des nanotubes qui ouvrent la voie entre des cellules distantes. Ces tunnels sont parfois utilisés par des virus, comme le VIH ou l’herpès. On s’est demandé si le SARS-CoV-2 utilisait ce moyen pour se propager entre l’épithélium olfactif et les cellules neuronales », développe-t-elle.
Le virus emprunte des nanotubes, comme des tunnels
Pour vérifier leur hypothèse, les scientifiques ont utilisé le microscope électronique Titan Krios, qui permet l’observation, en très haute résolution, des échantillons les plus fragiles au plus près de leurs conditions naturelles, grâce notamment à la préparation de ces échantillons à l’aide de techniques cryogéniques. « Nous avons marqué les protéines virales avec un anticorps afin qu’elles deviennent fluorescentes, nous avons congelé l’échantillon et nous avons pu observer, grâce au microscope cryoélectronique, ces marquages fluorescents à haute résolution », détaille la Pr Zurzolo.
L’équipe a ainsi découvert les virus à l’intérieur et à l’extérieur des nanotubes. Elle a pu montrer que le virus emprunte des nanotubes qui se forment entre des cellules infectées et les neurones, afin d’atteindre ces derniers. Ces structures dynamiques transitoires sont issues de la fusion des membranes de cellules distantes. Elles permettent d’échanger du matériel cellulaire sans passer par un récepteur membranaire, qui assure normalement l’entrée et la sortie du cytoplasme. « Les virus utilisent les nanotubes comme des tunnels, pour infecter les neurones », résume la co-autrice de l’étude. Les chercheurs ont également mis en évidence des vésicules à double membrane dans les nanotubes, qu’ils ont identifiées comme étant des « usines à virus ». « Ce sont des vésicules que le virus « pirate » pour se répliquer », illustre la Pr Zurzolo.
Problème pour la réponse immunitaire
Selon elle, « le virus utilise cette stratégie pour étendre la possibilité d’infecter des cellules qui ne seraient pas infectables en temps normal. Mais cela pose aussi un problème pour la réponse immunitaire, car si le virus se cache à l’intérieur des cellules et n’a pas besoin d’en sortir pour propager l’infection dans le corps, alors les anticorps sont inefficaces », pointe-t-elle. Les stratégies thérapeutiques devraient ainsi se diversifier afin d’entraver la diffusion du virus, sans cibler uniquement les récepteurs ACE2.
Ces recherches pourraient aussi permettre d’expliquer les symptômes du Covid long. « Une hypothèse est que grâce aux nanotubes, le virus pourrait rester dans le corps, en dormance, caché entre les cellules », envisage la chercheuse.
Prochaines étapes pour l’équipe : poursuivre l’étude en utilisant cette fois des cellules primaires de patients, ainsi que des coupes de cerveaux d’animaux pour vérifier s’il y a des différences in vivo et in vitro, en particulier avec le variant Omicron.
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Crédit image de Une : Des particules virales de SARS-CoV-2 (en bleu foncé) à l’intérieur et à la surface d’un nanotube. Tomographie Cryo-EM segmentée réalisée avec le logiciel AMIRA. © Anna Pepe, Institut Pasteur
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Citer cet article: COVID-19 : le virus détourne des nanotubes pour infecter les neurones - Medscape - 3 août 2022.
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