Genève, Suisse – Alors que l’épidémie de variole du singe progresse, surtout en Europe, deux médecins qui prennent en charge des malades, l’un portugais, l’autre italienne reviennent dans un article publié sur le site de l’OMS sur ce qu’il faut savoir sur cette pathologie infectieuse, l’occasion pour eux de démêler le vrai du faux [1].

Dr Francisco Silva
Médecin généraliste de Lisbonne, au Portugal, le Dr Francisco Silva travaille également dans une clinique de santé sexuelle de la ville. Son établissement a été l'un des premiers en Europe à constater une augmentation du nombre de patients présentant des symptômes similaires qui ont été rapidement identifiés comme étant dus à la variole du singe.
« Début mai, j'ai reçu plusieurs patients présentant ce qui semblait être des ulcères. Nous les avons soumis à des tests de dépistage d'infections sexuellement transmissibles, mais tout est revenu négatif, alors nous savions que quelque chose n'allait pas. Notre laboratoire a signalé les cas par l'intermédiaire de la plateforme en ligne EpiPulse (gérée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) et peu après, nous avons découvert que nous avions nos premiers cas de monkeypox » témoigne-t-il auprès de l'OMS.

Dr Cristina Mussini
De son côté, la Dr Cristina Mussini, professeur de maladies infectieuses et directrice de la clinique des maladies infectieuses de l'université de Modène et Reggio Emilia, en Italie, raconte : « Je travaille sur le VIH depuis 1998 et nos cliniques suivent environ 1600 patients vivant avec la maladie. Comme ce groupe de patients a tendance à être mieux informé sur les maladies transmissibles et à avoir l'habitude de vérifier lui-même les symptômes inhabituels, ces personnes ont été les premières à venir nous voir lorsqu'elles ont développé des éruptions cutanées étranges. »
Pas seulement une éruption cutanée
Toutefois, les deux médecins ont rapidement constaté, l’un et l’autre, que l'éruption cutanée considérée comme le symptôme typique de la variole du singe n’était pas nécessairement associée aux cas qui se présentaient à eux.
« La plupart des gens recherchent ce dont on leur a dit de se méfier sur les médias sociaux – à savoir une éruption cutanée – mais ce n'est pas ce que nous voyons toujours. J'ai vu des personnes avec des ulcères anaux, génitaux et oraux ou sans ulcères visibles, et des ganglions lymphatiques enflés », signale le Dr Silva. « Nous devons souvent procéder à un examen approfondi pour déterminer s'il s'agit du monkeypox, et cela peut impliquer une anoscopie pour rechercher des lésions à l'intérieur de l'anus, puis effectuer un test par écouvillonnage pour obtenir un diagnostic complet ».
« Certains de nos patients dont le test de dépistage de la variole du singe s'est révélé positif avaient de la fièvre, une inflammation du côlon et du rectum, tandis que d'autres présentaient des lésions vésiculeuses sur le menton, la poitrine et l'estomac », rapporte, quant à elle, la Dr Mussini.
Ces témoignages de cliniciens, de même que celui qu’avait livré le Dr Benjamin Davido sur notre site dans les premiers temps de l’épidémie, doivent inciter les gens à consulter rapidement un médecin au moindre doute et à se faire tester.
Une maladie qui n'est pas associée à une seule communauté
Bien que la plupart des cas examinés par les deux cliniciens aient concerné des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les deux praticiens tiennent à souligner qu'il ne s'agit pas d'une maladie exclusive aux homosexuels et qu'il ne faut donc pas la stigmatiser.
« Au début, les cas que nous avons observés étaient liés à des voyages à l'occasion d'événements type Gay Pride dans divers pays, mais ensuite nous avons vu davantage de cas qui ne pouvaient résulter que d'une transmission locale », explique la Dr Mussini. « Toute personne ayant un contact personnel étroit avec une personne infectée ou ses affaires contaminées peut contracter la variole du singe », ajoute-t-elle.
« Je craignais au départ que la maladie soit associée à la communauté gay, mais le gouvernement portugais a fait un excellent travail sur les médias sociaux pour informer les gens sur le monkeypox et expliquer que tout le monde peut l'attraper », ajoute le Dr Silva.
Pour autant, il est vrai que les HSH sont actuellement plus exposés au risque de contracter le monkeypox en raison de leur participation à des réseaux sexuels – et parfois à un nombre élevé de partenaires – dans lesquels la maladie s'est propagée le plus rapidement. La plupart des cas continuent d'être signalés chez des hommes qui ont été exposés suite à des rapports sexuels avec d'autres hommes. Cependant, des cas de monkeypox sont également détectés chez des femmes et des enfants. C’est pourquoi « les cliniciens doivent être attentifs à la possibilité de contracter le monkeypox lors de l'évaluation de tout patient » stipule l’OMS [1].
Pas le nouveau VIH
Redisons-le, la variole du singe n’a rien à voir avec le VIH. Ayant passé plus de 30 ans à travailler dans le domaine du VIH, la Dr Mussini est à même de faire la différence. De ce que l’on sait de la variole du singe, une zoonose virale, causée par l'orthopoxvirus simien, elle n’a pas la même action sur le système immunitaire, et en particulier, ne détruit pas les globules blancs comme peut le faire le VIH. En outre, ses symptômes disparaissent généralement au bout de quelques semaines sans qu'un traitement soit nécessaire. Pas d’inquiétude démesurée à avoir donc, mais la nécessité pour les patients et les médecins de savoir que « cela existe, au même titre que les maladies sexuellement transmissibles », considère l’infectiologue italienne.
Aider à prévenir d'autres infections
Lors de ses consultations avec des patients présentant un risque accru de contracter la maladie, le Dr Silva en profite pour faire passer des messages, à l’instar de ces recommandations pragmatiques :
« Je conseille de réduire le nombre de partenaires sexuels et, au moins pour l'instant, d'éviter les lieux de rencontre à forte connotation sexuelle, car la plupart des cas que j'ai vus – mais pas tous – peuvent être attribués à la fréquentation de ces lieux ».
Réduire les expositions individuelles au monkeypox est – avec la vaccination – l'une des principales stratégies pour stopper sa transmission en Europe.
Soyez attentifs
Pour sa part, l’OMS rappelle que la variole du singe est contractée à la suite d'un contact personnel prolongé avec une personne infectée (y compris par voie sexuelle) ou d'un contact avec ses effets personnels contaminés. Les symptômes comprennent généralement un ou plusieurs des éléments suivants :
éruption cutanée, taches, ulcères ou lésions ressemblant à des cloques sur tout le corps, mais souvent dans la zone génitale ;
ganglions lymphatiques enflés et douloureux ;
fièvre, maux de tête et douleurs musculaires, frissons ou épuisement.
L'OMS invite instamment toute personne ayant développé l'un de ces symptômes à la suite d'un contact personnel étroit à consulter immédiatement un professionnel de santé.
Suivez Medscape en français sur Twitter.
Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.
Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix
Crédit image de Une : Dreamstime
Crédit images dans le texte : Dr Francisco Silva and Dr Cristina Mussini - WHO / Khaled Mostafa / Dr Cristina Mussini
Actualités Medscape © 2022 WebMD, LLC
Citer cet article: Variole du singe : 2 cliniciens témoignent - Medscape - 29 juil 2022.
Commenter