La rosuvastatine associée à un risque d’atteintes rénales

Marlene Busko

29 juillet 2022

Etats-Unis – Dans une vaste étude de cohorte rétrospective, la rosuvastatine, utilisée pour réduire le taux de cholestérol, a été associée à des risques légèrement plus élevés d'atteinte rénale que l'atorvastatine, risques qui étaient plus importants à des doses plus élevées.

La rosuvastatine, la statine la plus puissante du marché, a été associée à un risque excessif de lésions rénales par rapport à l'atorvastatine dans des rapports de cas et de petits essais, mais la question a été peu surveillée depuis son approbation en 2003.

L'analyse actuelle « est l'une des premières et des plus importantes études en conditions réelles » examinant la rosuvastatine par rapport à l'atorvastatine en ce qui concerne le risque d'hématurie, de protéinurie et d'insuffisance rénale avec traitement de substitution – dialyse ou transplantation – pour une gamme de taux de filtration glomérulaire estimés (DFGe) dans une population hétérogène, écrivent les chercheurs.

« Nos résultats suggèrent la nécessité d'une plus grande attention chez les patients qui reçoivent des doses élevées ou qui souffrent d'une grave maladie rénale chronique (MRC) », a déclaré la Dr Jung-Im Shin, PhD, professeur adjoint à la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, Baltimore, Maryland, dans un courriel à Medscape Medical News. Elle est l'auteur principal de l'étude publiée en ligne le 19 juillet dans le Journal of the American Society of Nephrology[1].

Un dosage élevé par rapport aux recommandations

L'analyse a porté sur près d'un million de patients aux États-Unis qui ont reçu une toute première prescription de rosuvastatine ou d'atorvastatine entre 2011 et 2019 ; ils ont été suivis pendant une durée médiane de 3,1 ans. Parmi les résultats :

Les utilisateurs de rosuvastatine présentaient un risque d'hématurie supérieur de 8 %, un risque de protéinurie supérieur de 17 % et un risque d'insuffisance rénale supérieur de 15 % avec un traitement de substitution, par rapport aux personnes sous atorvastatine.

Les deux groupes ont évité les infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux dans des proportions similaires.

44 % des patients atteints d'IRC sévère G4+ (DFGe < 30 ml/min/1,73 m2) se sont vus prescrire une dose de rosuvastatine plus élevée que la dose maximale de 10 mg/jour recommandée pour ces patients par la Food and Drug Administration (FDA) américaine

D'après cette étude, « nous ne savons pas pourquoi le respect de la recommandation de la FDA concernant la posologie de la rosuvastatine chez les patients atteints d'IRC sévère est si bas », a déclaré la Dr Shin. « Il est probable que peu de cliniciens connaissent les recommandations posologiques de la rosuvastatine [en cas d'IRC sévère], ou les risques potentiels d'hématurie ou de protéinurie. »

« La rosuvastatine à forte dose [et ses avantages cardiovasculaires] ne mérite peut-être pas le risque, même s'il est faible, en particulier en cas de faible DFGe », a-t-elle ajouté. « Notre étude donne l'occasion de sensibiliser davantage à cette question clinique ».

« De futures études sont justifiées pour faire la lumière sur la divergence entre la pratique du monde réel et les recommandations de dosage de la FDA pour la rosuvastatine à forte dose », notent les chercheurs.

« Une sensibilisation et une éducation accrues sont essentielles »

Invité à commenter, le Dr Swapnil Hiremath, néphrologue à l'Institut de recherche de l'Hôpital d'Ottawa, Ontario, Canada, a noté que le risque plus élevé de néphrotoxicité avec la rosuvastatine à forte dose par rapport à l'atorvastatine à forte dose a été montré dans l'essai PLANET 1 publié en 2015 et, par exemple, dans un rapport de cas publié en 2016 – que les chercheurs mentionnent également.

« J'ai été personnellement surpris » par la forte proportion de patients atteints d'IRC grave qui ont reçu des doses de rosuvastatine supérieures à celles recommandées, a déclaré le Dr Hiremath, qui est également professeur associé à l'Université d'Ottawa et podcasteur de Freely Filtered, et qui n'est pas associé à l'étude actuelle.

« Nous voyons cela occasionnellement », a-t-il poursuivi, « mais soit parce que quelqu'un cible le LDL et n'a pas noté le DFG, soit peut-être que le patient a commencé à prendre une dose élevée il y a longtemps et que la fonction rénale a diminué, et que personne n'a modifié la dose élevée. »

« Une plus grande sensibilisation et une meilleure éducation sont essentielles », a observé le Dr Hiremath. « Mon parti pris personnel est d'avoir des pharmaciens spécialisés en néphrologie impliqués dans les cliniques multidisciplinaires lorsque le DFG [est] < 30 environ », a-t-il ajouté. « Il y a tellement d'autres questions délicates concernant les médicaments et leur interaction » chez les patients atteints de maladies rénales.

Néanmoins, « je resterais prudent en ne tirant pas trop de conclusions d'une étude d'observation », a ajouté le Dr Hiremath. « Il y a toujours un risque de facteurs de confusion résiduels et d'un biais de sélection », ce que les chercheurs reconnaissent, « et surtout des risques concomitants. »

Par exemple, « s'il y a moins de décès cardiovasculaires avec la rosuvastatine, alors plus de personnes qui resteront en vie pourront développer une insuffisance rénale. »

Dans la pratique, le dosage n'est pas clair

L'atorvastatine à des doses de 40 et 80 mg et la rosuvastatine à 20 et 40 mg sont les deux seules statines considérées comme étant de haute intensité, notent les chercheurs.

Le développement d'une posologie de 80 mg pour la rosuvastatine a été abandonné en raison des signaux de sécurité concernant l'hématurie et la protéinurie mis en évidence au moment de l'approbation de la rosuvastatine par la FDA.

Cependant, il y a eu peu de surveillance post-commercialisation pour évaluer le risque réel de la rosuvastatine à forte dose, et on ne sait toujours pas si et dans quelle mesure la pratique clinique respecte la posologie de départ recommandée par la FDA dans l'IRC sévère, soit 5 mg/jour avec un maximum de 10 mg/jour, note le rapport.

Les chercheurs ont analysé les données des dossiers médicaux électroniques dépersonnalisés de 40 organisations de soins de santé aux États-Unis à partir de la base de données OptumLabs Data Warehouse. Ils ont saisi 152 101 nouveaux utilisateurs de rosuvastatine et 795 799 nouveaux utilisateurs d'atorvastatine, et ont exclu les patients ayant des antécédents de rhabdomyolyse.

Les patients des deux groupes étaient similaires en ce qui concerne la prévalence de l'IRC, les facteurs de risque cardiovasculaire et les données démographiques. Leur âge moyen était de 60 ans, 48 % étaient des femmes et 82 % étaient de race blanche.

L'hématurie était définie comme une hématurie à la bandelette > + ou la présence de > 3 globules rouges par champ à haute puissance en microscopie urinaire, au moins deux fois. La protéinurie était définie comme une protéinurie à la bandelette > ++ ou un rapport albumine/créatinine > 300 mg/g à au moins deux reprises.

Dans l'ensemble, 2,9 % des patients ont présenté une hématurie (3,4 % dans le groupe rosuvastatine et 2,8 % dans le groupe atorvastatine) et 1 % des patients ont présenté une protéinurie (1,2 % et 0,9 %, respectivement).

Après avoir équilibré les caractéristiques de base dans les deux groupes en utilisant la pondération de la probabilité inverse du traitement, le traitement par la rosuvastatine, par rapport à l'atorvastatine, a été associé à des risques significativement plus élevés d'hématurie (hazard ratio [HR], 1,08), de protéinurie (HR, 1,17) et d'insuffisance rénale nécessitant un traitement de substitution (HR, 1,15). 

Les patients dont le DFGe < 30 ml/min/1,73 m2 présentaient un risque d'hématurie environ 2 fois plus élevé et un risque de protéinurie 9 fois plus élevé au cours du suivi par rapport aux patients dont le DFGe ≥ 60 ml/min/1,73 m2.

Les patients ayant un DFGe< 30 mL/min/1,73 m2 se sont vus prescrire couramment de la rosuvastatine à forte dose (29,9 % ont reçu la dose de 20 mg et 14 % la dose de 40 mg), contrairement aux RCP.

La Dr Shin déclare avoir reçu des fonds de recherche des National Institutes of Health et de Merck ; les divulgations des autres auteurs figurent dans le rapport. Le Dr Hiremath déclare n'avoir aucune relation financière pertinente.

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.fr sous l’intitulé Rosuvastatin Again Linked With Risks to Kidneys. Traduit par Stéphanie Lavaud.

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