Les nouvelles recommandations françaises dans la rectocolite hémorragique

Hélène Joubert

Auteurs et déclarations

27 juillet 2022

Paris, France – Presque vingt ans après les premières recommandations de pratique clinique sur le diagnostic et la prise en charge de la rectocolite hémorragique (RCH), une actualisation vient de paraître, rédigée par le Groupe d’études thérapeutiques des affections inflammatoires du tube digestif (GETAID)[1]*. Commentaires et précisions du Pr David Laharie (CHU de Bordeaux), co-coordinateur du texte 2022, sur cette maladie inflammatoire chronique intestinale.

* En collaboration avec l’Association nationale des hépato-gastroentérologues des hôpitaux généraux (ANGH) et du Club de réflexion des cabinets et groupes d’hépato-gastroentérologie (CREGG)

Diagnostic

La rectocolite hémorragique (RCH) est une affection chronique de cause inconnue. La réponse inflammatoire inappropriée au sein du côlon et du rectum est sous l’influence de facteurs environnementaux chez des sujets génétiquement prédisposés. Symptômes digestifs, qualité de vie et prévention du handicap fonctionnel guident la prise en charge, laquelle est pluridisciplinaire et relève des centres spécialisés pour les cas les plus sévères.

Les symptômes d’une RCH active comprennent des rectorragies (dans 90 % des cas), des ténesmes, une incontinence fécale et des envies défécatoires urgentes voire des selles nocturnes et une fatigue. Le diagnostic doit être évoqué lorsque ces symptômes évoluent depuis au moins six semaines.

Faute de signe pathognomonique, il est nécessaire d’éliminer une autre cause, en particulier infectieuse (à Clostridium difficile, etc.), médicamenteuse ou ischémique.

Les paramètres biologiques au diagnostic, qui permettent de grader l’activité de la RCH, comportent un hémogramme, un dosage de la CRP et éventuellement de la calprotectine fécale (mais non spécifique de la RCH), un bilan hydroélectrolytique, hépatique et martial, le dosage de l’albuminémie et de la vitamine D. Le dosage de la calprotectine fécale est utile pour le suivi des patients atteints de RCH comme alternative non invasive à un examen endoscopique. Aucun marqueur moléculaire génétique ou sérologique n’est recommandé à ce jour.

Inflammation continue ascendante

L’atteinte endoscopique est caractérisée par une inflammation continue ascendante, débutant dans le bas rectum et s’étendant dans le côlon sans intervalle de muqueuse saine. Les lésions élémentaires comportent l’altération de la trame vasculaire, la présence de saignement luminal et d’érosions et/ou d’ulcérations. L’indice de sévérité endoscopique de la RCH (UCEIS) permet de grader la sévérité des lésions.

Quelle classification topographique de la RCH utiliser ?

De l’extension de la RCH dépend la prise en charge thérapeutique mais également la surveillance endoscopique. L’étendue maximale des lésions endoscopiques permet de distinguer les rectites isolées (E1, d’après la classification de Montréal), les colites gauches (E2) limitées à l’angle colique gauche, et les colites étendues (E3) qui se prolongent au-delà de l’angle colique gauche.

La réalisation de biopsies étagées est indispensable, de façon à apprécier l’extension microscopique de la maladie. Au cours du temps, 20 à 50 % des rectites et des colites gauches progressent en colite plus étendue.

Comment induire la rémission dans la RCH ?

- Dans le traitement d’induction de la rectite, les recommandations sont toutes de grade A, du fait de la publication d’essais randomisés.

La première ligne comprend les suppositoires d’acide 5-aminosalicylique ou 5-ASA (1g/j) ; les lavements de 5-ASA étant une alternative, à apprécier en fonction de l’étendue de la rectite. A noter, les 5-ASA topiques sont plus efficaces que les corticoïdes topiques.

De plus, les 5-ASA oraux associés aux formes topiques sont plus efficaces que les topiques seuls.

En cas de rectite réfractaire, trois possibilités sont placées sur le même plan : la corticothérapie systémique, les immunosuppresseurs et/ou les biothérapies.

- Dans le traitement d’induction de la colite gauche (E2), le socle du traitement repose sur l’association des 5-ASA en lavement (1g/j) et per-os (2 g/j ou plus), dont l’effet est plus efficace que chacune des deux galéniques prises isolément mais également que les corticoïdes topiques.

- Enfin, dans les formes plus étendues - pancolite (E3) - au cours de poussées légères à modérées, la combinaison de traitements salicylés oraux et locaux (5-ASA en lavement à 1g/j) et per-os (4g/j) est préconisée puis, en cas d’efficacité insuffisante ou d’intolérance, le recours aux corticoïdes systémiques. En revanche, lorsque les poussées sont d’emblée sévères, les corticoïdes systémiques s’imposent.

Définition de la poussée sévère (colite aiguë grave)

Une colite aiguë grave est définie par au moins 6 émissions sanglantes/24h associées à au moins un des trois signes systémiques suivants : température supérieure à 37,8°C, un pouls au-delà de 90 bpm et une hémoglobine inférieure à 10,5 g/dL. En plus des signes cliniques et endoscopiques d’activité de la maladie, le dosage de la protéine C-réactive (CRP) est un paramètre à prendre en compte au cours de la RCH. En effet, un taux supérieur à 30 mg/L constitue un critère de sévérité. Quant au dosage de la calprotectine fécale, celui-ci est bien corrélé à la sévérité des lésions endoscopiques mais n’a pas démontré de rôle pronostique au cours de la RCH.

(droits : Pr David Laharie, CHU De Bordeaux)

Quel est le traitement de la colite aiguë grave ?

Hospitalisé, le patient reçoit une corticothérapie intraveineuse fortement dosée à 0,8 mg/kg/j d’équivalent méthylprednisolone, accompagnée d’une hydratation, de la prévention systématique des maladies thromboemboliques par HBPM, d’un support nutritionnel (optionnel), et d’une antibiothérapie en cas de doute. « Lorsque le malade est hospitalisé, il faut déjà anticiper la ligne thérapeutique suivante, prévient le Pr Laharie, et donc réaliser un bilan préalable à une éventuelle seconde ligne (par anti-TNF ou ciclosporine) ».

Lorsque le malade est hospitalisé, il faut déjà anticiper la ligne thérapeutique suivante

« Concernant le traitement d’entretien de la colite aiguë grave cortico-sensible, ce qui est le cas dans environ 60 % des cas, précise-t-il, la question est d’éviter la rechute à l’issue de la corticothérapie. Avec un faible niveau de preuves, il est possible d’engager un traitement d’entretien par 5-ASA s’il s’agit d’une poussée inaugurale de la RCH révélée par une colite aiguë grave. Dans tous les autres cas de figure, il existe une place pour le traitement immunosuppresseur par thiopurines ou par biothérapies, mais des preuves consistantes manquent encore ».

La cortico-sensibilité est définie dès le 3ème jour, selon l’indice d’Oxford. La fréquence des évacuations à plus de 8 par jour, ou à plus de 3 évacuations conjointement à une CRP supérieure à 45 mg/L, signent l’échec de la corticothérapie.

« A propos des poussées de colite aiguë grave cortico-résistantes (40 % environ des patients), le traitement médical de seconde ligne en alternative à la colectomie est constitué par l’infliximab (anticorps monoclonal dirigé contre le TNFα) ou la ciclosporine (voire le tacrolimus, utilisé par quelques centres spécialisés), mentionne le spécialiste. La ciclosporine et l’infliximab ont une efficacité et une tolérance voisines dans cette indication. La colectomie de sauvetage doit être évoquée après 4-7 jours de traitement de deuxième ligne, en particulier chez des patients fragiles ».

Quelle prise en charge des formes de RCH non graves ?

Quel est le traitement des formes de RCH corticodépendantes, avec rechute lors de la décroissance ou dans les trois mois après l’arrêt de la corticothérapie ? Chez un patient naïf d’immunosuppresseurs, les experts favorisent les traitements par anti-TNFα (anticorps monoclonaux adalimumab, golimumab et infliximab) ou par védolizumab (anticorps monoclonal dirigé contre l’intégrine α4β7) voire par thiopurines (Grade B, pour cette dernière option). 

Lorsqu’un traitement anti-TNFα prescrit en première intention a échoué, « il est essentiel de déterminer la nature de cet échec, avertit David Laharie, car il peut s’agir soit d’une non-réponse primaire, soit d’une perte de réponse (un phénomène d’immunogénicité avec la présence d’anticorps anti-TNFα), soit d’une intolérance. Or, c’est sur la base de la raison de cet échec que l’on envisage le traitement de seconde ligne. »

Par conséquent, la seconde ligne après non-réponse primaire ou intolérance aux anti-TNF est constituée du védolizumab, de l’ustékinumab (anticorps monoclonal dirigé contre les interleukines 12 et 23) ou du tofacitinib (inhibiteur des janus kinases 1 et 3).

Par déduction, la seconde ligne après échec du védolizumab est un anti-TNFα au choix, l’ustékinumab ou le tofacitinib. Dans ces situations, l’absence de comparaison d’efficacité entre ces thérapeutiques ne permet pas de privilégier l’une ou l’autre.

La question des combo-thérapies est d’importance. En effet, faut-il associer un immunosuppresseur classique à une biothérapie, dans l’optique d’obtenir une efficacité supérieure à l’anti-TNFα en monothérapie ? Le Pr Laharie répond par l’affirmative : « c’est en effet démontré pour l’infliximab, et fortement suggéré mais de manière indirecte pour l’adalimumab et le golimumab. En revanche, l’association entre un immunosuppresseur et le védolizumab, l’ustekinumab ou encore le tofacitinib n’est pas recommandée ».

Périmètre de remboursement des biothérapies et des petites molécules dans la RCH (en 2022)

(Droits : Pr David Laharie (CHU de Bordeaux)

Que faire en cas de poussée cortico-résistante ?

En cas de poussée cortico-résistante, hors colite aiguë grave, l’infliximab associé à une thiopurine est le traitement de choix. Dans ce cadre également, lorsqu’un traitement de deuxième ligne est envisagé, la raison de l’échec de l’anti-TNFα doit être élucidée afin de proposer une seconde ligne thérapeutique pertinente. En cas de non-réponse primaire ou d’intolérance aux anti-TNFα la priorité va au védolizumab puis, éventuellement, à l’ustekinumab ou au tofacitinib.

Enfin, une situation relativement fréquente est l’escalade thérapeutique constituée des salicylées, des corticoïdes puis des immunosuppresseurs aboutissant à une situation d’échec. Dans ce cas de figure, la première ligne de traitement est composée d’un anti-TNF ou du védolizumab. En cas d’échec sous anti-TNFα pour cause de non-réponse primaire ou d’intolérance, la préférence va au védolizumab d’après les résultats des essais cliniques et, dans une moindre mesure, à l’ustékinumab ou au tofacitinib, sans négliger d’envisager la colectomie.

David Laharie déclare des liens d’intérêt avec Abbvie, Biogaran, Biogen, BMS, Celgene, Celltrion, Ferring, Galapagos, Gilead, Janssen, Lilly, MSD, Pfizer, Prometheus, Roche, Takeda.

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