Cas clinique : la vie d’une jeune femme, entre flatulences et brouillard mental

Dr Alexander Potashinsky, Dr John W Birk

Auteurs et déclarations

25 juillet 2022

Contexte

Une femme de 36 ans, hypertendue et suivie pour une thyroïdite de Hashimoto, présente des diarrhées récurrentes depuis au moins 2 ans. Ces modifications du transit s’accompagnent de crampes abdominales diffuses, d’une sensation de gène post-prandiale, de ballonnements et de flatulences. Quasi quotidiennement, elle présente trois selles molles.

Outre ces signes digestifs, elle se plaint aussi de sensation de "brouillard mental" particulièrement gênante, et ce 4 jours par semaine environ. Interrogée sur sa symptomatologie, elle évoque un sentiment de perte de mémoire, un retard à la réflexion, des difficultés de concentration et une lutte pour rester éveillée. Elle décrit également des douleurs musculaires et articulaires intermittentes.

La patiente n'a pas présenté d’épisode fébrile, son poids est inchangé, elle tolère bien les changements de température, elle n’a pas remarqué de sang dans ses selles et ne s’est pas plainte d’éruptions cutanées. Il n’existe pas d’antécédents familiaux de problèmes gastro-intestinaux ― notamment de cancer gastro-intestinal ― ni de maladie inflammatoire chronique des intestins (MICI) ou de maladie cœliaque. Jamais, jusque-là, elle n’a subi d'endoscopie gastrique ou de coloscopie. Elle explique avoir déjà passé des analyses sanguines de "routine" qui s’étaient révélées normales.

Elle n’est pas restée inactive devant ses problèmes : elle a d’abord tenté de modifier son régime alimentaire, notamment en supprimant les produits laitiers et les aliments susceptibles de produire des gaz, avec un succès limité. Au cours des trois derniers mois, elle a essayé d'éliminer le pain et les autres produits contenant du gluten. Et justement, après avoir éliminé les aliments contenant du gluten, ses symptômes se sont améliorés rapidement. Son médecin traitant a effectué un test sanguin de diagnostic de la maladie cœliaque dont les résultats étaient négatifs. Elle a donc recommencé à consommer des aliments contenant du gluten et très progressivement sa diarrhée et son sentiment de "brouillard mental" ont réapparus.

Examen clinique et bilan paraclinique

À l'examen, cette patiente a l’air en bonne santé, bien que légèrement anxieuse. Aucun signe d’atteinte aiguë des fonctions vitales n’est retrouvé. Sa tension artérielle s’établit à 128/74 mm Hg et sa fréquence cardiaque à 78 battements/min. Sa fréquence respiratoire est de 12 respirations/min, avec une saturation de 99% en air ambiant. Elle est apyrétique et sa température est de 36,9 °C. Elle pèse 85,3 kg pour 1,70 m ; son indice de masse corporelle est donc de 30 kg/m2.

Aucun subictère conjonctival n’est noté, les pupilles sont symétriques et réagissent à la lumière. L’oculomotricité est parfaite. Les muqueuses sont humides. Aucune adénopathie cervicale ou sus-claviculaire n’est retrouvée à l’examen. A l’auscultation pulmonaire, le murmure vésiculaire est symétrique sans bruits surajoutés. L’auscultation cardio-vasculaire est elle aussi sans particularités : rythme dans les limites de la normale, absence de souffle ou de bruits surajoutés.  L'examen abdominal retrouve un abdomen obèse, souple, sans distension, sans sensibilité à la palpation et avec des bruits intestinaux normaux. L'examen musculosquelettique conclut à une amplitude normale des mouvements articulaires, sans œdème ni sensibilité particulière. L'examen cutané est sans particularités : la peau est chaude et non ictérique. Au toucher rectal, le tonus sphinctérien normal et on retrouve des selles molles et brunes, qui ne contiennent pas de sang occulte à l’examen à l’eau oxygénée.

Des tests biologiques sont pratiques : l’hémogramme complet, le bilan hépatique et le profil métabolique se révèlent tout à fait normaux. C’est aussi le cas pour le dosage de l'hormone thyréostimulante (TSH), pour le taux d’HbA1c et celui des immunoglobulines (Ig)A transglutaminase tissulaire. L'œsophagogastroduodénoscopie ne retrouve aucune anomalie au niveau de l’œsophage, de l’estomac et du duodénum (Figure 1).

Figure 1.

Six échantillons de biopsie sont prélevés dans différentes zones du bulbe duodénal et du duodénum distal. L'examen anatomo-pathologique révèle une histologie duodénale normale, à l'exception d'un léger infiltrat lymphocytes intraépithélial. Aucune hyperplasie des cryptes ou d’atrophie villositaire n'est signalée (Figure 2).

Figure 2.

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....