Ehpad : des sénateurs réclament le contrôle financier de tous les groupes privés à but lucratif

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

20 juillet 2022

France— A la suite du scandale de maltraitance des résidents des maisons de retraite médicalisées Orpea, une mission d’information sénatoriale préconise, dans un rapport rendu public mercredi 13 juillet, de revoir l’organisation des contrôles et d’engager un audit financier de tous les grands groupes privés à but lucratif. Le gouvernement est exhorté à enfin proposer une loi grand-âge pour créer 56 000 nouvelles places en Ehpad d’ici à 2030 avec plus de personnels.

L’onde de choc du livre « Les Fossoyeurs », du journaliste Victor Castanet, qui dénonçait la maltraitance des résidents d’Ehpad Orpea, n’en finit plus de se propager. Après le rapport accablant des inspections générales des affaires sociales et des finances (IGAS-IGF) sur la gestion du groupe privé, et l’annonce du gouvernement de mener dans les deux ans le contrôle des 7500 Ehpad de France, c’est au tour de la commission des affaires sociales du Sénat de rendre les conclusions de sa mission d’information.

 
Les autorités de contrôle ne remplissent pas leur mission, elles se concentrent sur les maltraitances, cela ne suffit pas
 

Les sénateurs se sont plus particulièrement penchés sur le « contrôle du contrôle », observant les nombreux « angles morts » entourant cette démarche. « Les autorités de contrôle ne remplissent pas leur mission, elles se concentrent sur les maltraitances, cela ne suffit pas, affirme Bernard Bonne, sénateur LR de la Loire et co-rapporteur de la mission. Il faut étendre le contrôle des Ehpad et d’abord à tous les groupes privés à but lucratif, et pas seulement Orpea. »

Un meilleur pilotage du contrôle

Observant que c’est au niveau des sièges des grandes enseignes qu’ont eu lieu les ristournes de fin d’année (RFA) les plus importantes de la part de fournisseurs, les sénateurs suggèrent d’élargir le périmètre des contrôles au-delà des établissements et à l’échelle des groupes. « Les flux financiers entre le siège des groupes et leurs établissements doivent faire l’objet d’un encadrement renforcé », précise le rapport. Il est suggéré que des missions IGAS/IGF soient chargées, dans un premier temps, de contrôler tous les entités intervenant dans le secteur, en commençant par les groupes privés commerciaux. Les sénateurs voudraient qu’une convention pluriannuelle d’objectifs soit conclue entre ces structures privées et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) pour « piloter cette campagne. »

 
Les flux financiers entre le siège des groupes et leurs établissements doivent faire l’objet d’un encadrement renforcé
 

« La CNSA n’a pas pour mission aujourd’hui d’assurer le contrôle mais nous souhaiterions qu’elle l’organise, plutôt que les ARS, dans le cadre de la création de la 5e branche de la Sécurité sociale », explique Michelle Meunier, sénatrice socialiste de Loire-Atlantique et co-rapporteure de la mission.

« Cela permettrait d’éviter les erreurs considérables réalisées jusqu’à maintenant, affirme Bernard Bonne. On n’a pas besoin d’aller embêter les directeurs de 7500 Ehpad mais là où il y a des signalements de maltraitance et dans les grands groupes commerciaux en maintenant des contrôles inopinés. »

S’ils souhaitent améliorer la coordination des acteurs en charge du contrôle et assurent ne pas vouloir rogner les prérogatives des ARS, les sénateurs souhaiteraient que les responsables d’Ehpad n’aient qu’un seul interlocuteur au niveau départemental.

Plus d’effectifs et des sanctions effectives

Il faut dire que les ARS ont singulièrement manqué d’effectifs pour assurer leur mission de contrôle des EHPAD ! « En 2018, 2 700 des 8 300 équivalents temps plein (ETP) travaillant dans les ARS étaient juridiquement habilités à réaliser des contrôles, dont 500 seulement consacrés à l’inspection-contrôle, soit 6 % des ETP totaux, établit le rapport […] Il n’en reste donc que 230 pour le champ sanitaire et médico-social. »

 
L’idée serait de mettre un numéro unique pour traiter tous les cas de maltraitance
 

Les rapporteurs proposent par ailleurs que l’offre d’hébergement en EHPAD à but lucratif, qui représente environ un quart de l’offre en France et dépasse déjà 50% sur certains territoires, soit encadré avec des « ratios de places » à l’échelle d’une région ou d’un département.

Le signalement des cas de maltraitance est également soulevé, « les outils de détection étant éclatés avec trois canaux : l’ARS, le département et le 3987. » « L’idée serait de mettre un numéro unique pour traiter tous les cas de maltraitance », estime Michelle Meunier.

Nous voudrions que puissent être mis plus facilement sous tutelles les établissements fautifs voire que l’on puisse retirer leur autorisation

 

La commission demande aussi de revoir l’arsenal des sanctions à l’encontre des grandes enseignes d’EHPAD, de nature purement administratives, jugées « inadaptées » et qui sont complexes à mettre en œuvre. « Les sanctions financières n’ont jamais été appelées à l’encontre d’un groupe, et d’ailleurs les textes d’application manquent pour y procéder », observent les sénateurs. « Nous voudrions que puissent être mis plus facilement sous tutelles les établissements fautifs voire que l’on puisse retirer leur autorisation », analyse Bernard Bonne.

A quand la loi grand-âge pour éviter le naufrage ?

Après plusieurs d’années d’atermoiements, le gouvernement est invité à s’emparer enfin du dossier de la dépendance. « Nous voulons qu’une loi grand-âge et perte d’autonomie donne de nouveaux moyens et permettent de déterminer le nombre de contrôles, l’encadrement et la sanction », conclut Michelle Meunier.

Le besoin est crucial puisque la population de personnes âgées dépendantes, estimée à 2,5 millions de personnes en 2015, pourrait atteindre 4 millions en 2050 et nécessiter l’ouverture d’ici à 2030 de 56 000 nouvelles places en Ehpad.

L’examen d’une loi est considéré comme une « priorité absolue » par les auteurs du rapport. « Ne pas le faire serait manquer de considération pour nos aînés », concluent-ils.

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