Strasbourg, France – Une équipe internationale coordonnée par le chercheur Vincent Marion (laboratoire de génétique médicale Inserm/Université de Strasbourg) publie dans Diabetes [1] l’aboutissement de recherches sur une molécule appelée PATAS qui pourrait augurer une nouvelle ère thérapeutique dans le diabète de type 2. Medscape l’a interviewé sur cette innovation de rupture.

Vincent Marion
Medscape France : Les traitements antidiabétiques disponibles pallient les conséquences du diabète de type 2 en se focalisant principalement sur la régulation glycémique. Votre nouvelle approche cible en revanche le mécanisme biologique sous-jacent en cause dans la maladie. En quoi consiste-t-elle ?
Vincent Marion : Notre étude, en collaboration avec l’Université de Birmingham (Royaume-Uni), l’Université de Monash (Australie) et Alexander Fleming, ancien directeur de la division Diabètes de l’agence américaine du médicament (FDA), démontre que notre peptide-médicament appelé PATAS (acronyme de Peptide derived of PKC Alpha Targeting AlmS) traite l’origine même du diabète. Unique représentant d’une nouvelle classe de médicaments antidiabétiques baptisée « Adipeutics » (pour thérapeutiques ciblant spécifiquement l’adipocyte), sa particularité est de traiter la résistance à l’insuline : dans des modèles animaux (souris, rats et chiens), notre nouvelle thérapie restaure spécifiquement l’absorption du glucose dans l’adipocyte malade.
Il s’agit donc de rétablir la signalisation de l’insuline dans l’adipocyte malade afin de traiter la résistance à l’insuline ?
Vincent Marion : PATAS cible en effet de manière spécifique les adipocytes en y restaurant l’absorption du glucose, rétablissant ainsi la physiologie métabolique du tissu adipeux. Les cellules graisseuses contrôlent la résistance à l’insuline en absorbant 10 % du glucose circulant. Cela alimente un processus très bénéfique dans le cas du tissu adipeux, notamment la lipogenèse. Nous visons donc une indication non pas de traitement antihyperglycémique mais de « traitement de la résistance à l’insuline ». Car ce mécanisme représente la racine du mal dans le diabète de type 2, dans la stéatose et la fibrose hépatiques et dans les maladies cardiovasculaires associées. L’amélioration de la physiologie du tissu adipeux permet de restaurer l’homéostasie lipidique. Jusqu’à maintenant, le tissu adipeux a été délaissé voire ignoré dans les recherches pour traiter le diabète sous prétexte qu’il n’absorbe qu’une petite partie du glucose circulant.
Comment êtes-vous parvenu à élaborer cette stratégie de recherche ?
Vincent Marion : Cette étude fait suite à de précédents travaux menés par notre équipe qui avait identifié une nouvelle cible thérapeutique contre le diabète du type 2, en s’intéressant à une maladie monogénique ultra-rare : le syndrome d’Alström. Nous avions mis en évidence que des anomalies du tissu adipeux causées par la perte de fonction de la protéine appelée ALMS1 induit une résistance à l’insuline extrêmement sévère associée à un diabète de type 2 précoce chez les personnes atteintes de ce syndrome. Nous avions confirmé chez l’animal que le fait de restaurer la fonction de cette protéine uniquement dans les adipocytes rétablissait l’équilibre glycémique.
Nous nous sommes ensuite intéressés de plus près à ALMS1 et à la manière dont elle interagit avec d’autres protéines dans les adipocytes : en absence d’insuline, elle se lie à une autre protéine appelée PKC alpha. A l’inverse, l’activation de l’insuline dans l’adipocyte induit une séparation ces deux protéines, résultant dans l’absorption du glucose. Chez les personnes diabétiques de type 2, par conséquent résistantes à l’insuline, ce lien entre les deux protéines est maintenu. Logiquement, notre idée fut de concevoir un peptide (PATAS) rompant l’interaction entre ALMS1 et PKC alpha, dans le but de rétablir la signalisation de l’insuline dans l’adipocyte malade.
Quels résultats avez-vous obtenu ?
Vincent Marion : Dans des modèles de souris diabétiques, grâce à PATAS (sous forme d’injections sous-cutanées dans le gras du ventre et à une fréquence d’une fois par semaine), les adipocytes qui n’avaient plus accès au glucose ont été capables de l’absorber à nouveau pour ensuite le métaboliser afin de synthétiser et de sécréter des lipides bénéfiques pour tout l’organisme. Ceci tout en absorbant des lipides extrêmement toxiques : les acides gras non-estérifiés.
Les effets sont visibles chez l’animal, avec une nette amélioration de la résistance à l’insuline (l’indice HOMA est réduit d’un facteur 5 après un mois de traitement, avec un effet-dose) et d’autres paramètres et comorbidités, en particulier une meilleure régulation glycémique. En effet, le test de tolérance au glucose a été significativement amélioré dans les modèles animaux diabétiques. De plus, la stéatose et la fibrose du foie ont été considérablement réduits dans tous les modèles d’animaux diabétiques testés y compris dans l’un des modèles de référence pour la maladie du foie gras notamment le modèle murin japonais STAM ; PATAS est ainsi parvenu à réduire de 60 % la stéatose hépatique et de 40 % la fibrose hépatique après seulement un mois de traitement à la posologie de 2mg/kg/semaine.
Quand débute la prochaine étape ?
Vincent Marion : Un essai clinique de phase I pour tester cette nouvelle piste thérapeutique est prévu en 2023. A ce jour, nous sommes la première équipe à développer ce mécanisme d’action – traiter le diabète en restaurant la physiologie du tissu adipeux - au moyen d’un antidiabétique qui serait en outre mieux toléré par les patients (données encore confidentielles). Cette invention est déjà protégée par plusieurs familles de brevets.
Liens d’intérêt :
Afin de développer ces résultats et de faciliter l’organisation d’un essai clinique, Vincent Marion a fondé la startup AdipoPharma SAS.
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Légende et crédit image de Une : Tissu adipeux viscéral de souris marqué en fluorescence avec de l’AdipoRed. Les noyaux sont colorés en bleu. © Vincent Marion.
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Citer cet article: Diabète de type 2 : cibler la résistance à l’insuline plutôt que l’hyperglycémie - Medscape - 19 juil 2022.
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