Facteurs de risque vasculaire méconnus avant un premier AVC

Pauline Anderson

Auteurs et déclarations

19 juillet 2022

Vienne, Autriche – Près des deux tiers des patients ayant un accident vasculaire cérébral ischémique (AVC) ont au moins un facteur de risque majeur non diagnostiqué, selon une récente étude présentée au congrès de lEuropean Academy of Neurology (EAN) 2022 [1].

Parmi ces facteurs de risque, les plus fréquemment en cause sont les dyslipidémies, l’hypertension artérielle et la fibrillation auriculaire (FA).

Fait remarquable : les femmes et les sujets relativement jeunes constituent la majorité de cette population étudiée.

Ces résultats soulignent l’importance d’une plus grande vigilance de la part des cliniciens vis-à-vis de cette population. Il faut dépister ces facteurs de risque d’AVC méconnus, a expliqué le Dr Andr é Rêgo, (Département des neurosciences cliniques, CHU de Lausanne, Confédération helvétique) à Medscape Medical News

Il cite l’exemple d’une jeune femme sédentaire, ayant une alimentation déséquilibrée, prenant la pilule et qui fume. « Si vous ajoutez un ou deux facteurs de risque, par exemple une dyslipidémie ou une hypertension artérielle modérée cela fait un dangereux cocktail », souligne-t-il.

Des résultats surprenants pour la Suisse

Les études ont montré qu’environ 90 % des AVC sont en rapport avec des facteurs de risque modifiables incluant l’hypertension artérielle, une dyslipidémie, le diabète, la FA, les anomalies cardiaques structurelles, un index de masse corporelle élevé, le tabagisme, les facteurs émotionnels, l’absence d’activité physique et une alimentation déséquilibrée.

Certains de ces facteurs, comme le surpoids ou l’obésité sont manifestes, d’autres comme l’hypertension et la dyslipidémie sont fréquemment silencieux.

L’analyse a inclus 4 354 patients à partir des données d’un seul centre où ils ont été admis dans les 24 heures pour un AVC, entre 2003 et 2018.

Quelques 25,8 % ne savaient pas qu’ils avaient des facteurs de risque vasculaire majeurs, tandis que 74,2 % avaient des facteurs de risque diagnostiqués.

Les patients étaient âgés en moyenne de 59 ans dans le groupe non informé et 73,8 ans dans le groupe connaissant la présence de facteurs de risque.

Pour comparer les facteurs de risque des deux groupes, les chercheurs ont centré leur attention sur l’hypertension, la dyslipidémie, la FA et une maladie coronarienne athérosclérotique (MCAS) silencieuse ou non associée à une fraction d’éjection inférieure à 35 %.

Parmi les 25,8 % des patients ayant un AVC qui ne se savaient pas porteur d’un facteur de risque vasculaire, 67,7 % avaient au moins un facteur de risque majeur.

Chez ceux qui avaient un facteur de risque initialement méconnu : les investigateurs ont découvert une dyslipidémie nouvellement diagnostiquée chez 61,4 %, une hypertension (23,7 %), une FA (10,2 %), un diabète (5,2 %) une fraction d’éjection inférieure à 35 % (2 %) et une maladie coronarienne (1 %).

 
Parmi les 25,8 % des patients ayant un AVC qui ne se savaient pas porteur d’un facteur de risque vasculaire, 67,7 % avaient au moins un facteur de risque majeur.
 

« Ces résultats sont vraiment surprenants pour la Suisse où le système de santé est particulièrement performant et les gens sont notablement éduqués » remarque le Dr Rêgo. 

Dans le groupe non avisé, il y avait un nombre plus important de fumeurs et de non-caucasiens, ces sujets étaient aussi plus jeunes. Ces patients étaient moins souvent traités par’aspirine avant l’AVC et ils étaient plus souvent en surpoids.

Les femmes n’ayant pas cette notion de facteurs de risque étaient plus souvent sous pilule contraceptive. Il y avait aussi une plus forte proportion de patients ayant un patent foramen ovale (foramen ovale perméable — FOP) dans le groupe non informé.

Pas de différence dans l’évolution à long terme

Le Dr Rêgo pense que cette carence de connaissance des facteurs de risque d’AVC est probablement due à une combinaison d’éléments, sans oublier aussi un manque d’accès aux services de soins, ni omettre le fait que certains sujets se sentent en bonne santé étant jeunes et non obèses.

L’évolution fonctionnelle à long terme n’était pas différente entre les groupes, selon l’échelle des scores modifiés de Rankin après ajustement selon l’âge, le sexe, l’existence d’une maladie artérielle périphérique, d’une insuffisance rénale, d’un syndrome dépressif, d’une maladie psychotique, et d’un cancer.

« Cela veut probablement dire que quelle qu’en soit l’étiologie, nous traitons les patients ayant un AVC plutôt bien », justifie le Dr Rêgo.

 
Nous avons encore un système de santé excessivement centré sur les affections aiguës et moins axé sur les maladies chroniques et la médecine préventive
 

Ces résultats ne sont pas forcément généralisables aux autres pays, ajoute-t-il pointant une nouvelle fois que la Suisse est un pays « hautement développé » ayant une population éduquée plutôt en bonne santé. « Si nous réalisions cette même étude dans un autre contexte, nous verrions probablement une plus grande ignorance concernant la présence de facteurs de risque. »

Pour améliorer la détection des facteurs de risque masqués il faudrait un ciblage différent. « Nous avons encore un système de santé excessivement centré sur les affections aiguës et moins axé sur les maladies chroniques et la médecine préventive », réagit-il.

Encore de la marge pour des progr è s

Commentant cette étude pour Medscape Medical News le Dr Nicola Rifino (Cerebrovascular Department, Université de Milan-Bicocca, Milan Italie), qui présidait la session a considéré que l’étude « délivre un message clair » à savoir qu’il est possible de mieux faire pour prévenir les AVC ischémiques.

Le fait que plus de deux tiers des patients méconnaissent leurs facteurs de risque « est assurément surprenant » mais cette découverte pourrait s’avérer être une opportunité afin que les cliniciens agissent plus activement sur la prévention », insiste-t-il.

Il note que de nombreux facteurs de risque peuvent être pris en charge par la pharmacologie et le changement de son style de vie.« Identifier et traiter précocement ces facteurs de risque permettra de prévenir les nombreux AVC ischémiques que l’on constate chaque jour. »

Les deux tiers en question concernent seulement 25 % des AVC (les patients naïfs) et non pas de la totalité des AVC comme le texte pourrait le suggérer à première vue.

Les facteurs de risques majeurs ont été choisis à l’initiative des chercheurs. N’ont pas été pris en compte par exemple les facteurs de risques vasculaires survenant au cours de la grossesse (HTA, diabète, prématurité, etc.). En revanche, le FOP est cité.

Il faudra attendre la publication pour les détails.

Il n’en reste pas moins que des données sont frappantes notamment en ce qui concerne les sujets jeunes et… les femmes. Cela nous incite à une grande vigilance. JPU

Le Dr Rêgo ne signale aucun conflit d'intérêts pertinent.

L’article a été publié initialement sur Medscape.fr sous l’intitulé High Rate of Undiagnosed Major Risk Factors in Ischemic Stroke. Traduit par le Dr Jean-Pierre Usdin.

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