Tulane, Etats-Unis – Selon une nouvelle étude, l'ajout de sel aux aliments à table est lié à un risque plus élevé de décès prématuré et à une espérance de vie plus faible, indépendamment du régime alimentaire, du mode de vie, du niveau socio-économique et des maladies préexistantes.
Dans cette étude portant sur plus de 500 000 personnes, celles qui ajoutent toujours du sel à leurs aliments avaient un risque accru de 28 % de mourir prématurément (défini comme un décès avant l'âge de 75 ans) par rapport à celles qui n'en ajoutent jamais ou rarement.
Les résultats ont également montré que l'ajout de sel aux aliments était lié à une espérance de vie plus faible. À l'âge de 50 ans, l'espérance de vie était réduite de 1,5 an chez les femmes et de 2,28 ans chez les hommes qui ajoutaient toujours du sel à leur alimentation par rapport à ceux qui ne le faisaient jamais ou rarement.
Toutefois, ces risques accrus semblaient être atténués par l'augmentation de la consommation d'aliments riches en potassium (légumes et fruits).
L'étude a été publiée en ligne dans l'European Heart Journal le 10 juillet [1].
« Pour autant que nous le sachions, il s'agit de la première étude à analyser l'ajout de sel aux repas comme une mesure unique de l'apport en sodium alimentaire. Une telle mesure est moins susceptible d'être affectée par d'autres composants alimentaires, notamment l'apport en potassium », a déclaré à theheart.org | Medscape Cardiology l'auteur principal, le Dr Lu Qi, de l'école de santé publique et de médecine tropicale de l'université Tulane, à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane.
« Notre étude apporte des éléments de preuve d'un point de vue nouveau pour montrer les effets néfastes d'un apport élevé en sodium sur la santé humaine, qui reste un sujet controversé. Nos résultats soutiennent le conseil selon lequel la limitation de l'apport en sel en réduisant le sel ajouté aux repas peut être bénéfique pour la santé et améliorer l'espérance de vie. Nos résultats suggèrent également que des apports élevés en fruits et légumes sont bénéfiques pour réduire les effets néfastes du sel », a-t-il ajouté.
Étude de la biobanque britannique
Pour l'étude actuelle, le Dr Qi et ses collègues ont analysé les données de 501 379 personnes participant à l'étude UK Biobank. Lorsqu'ils ont rejoint l'étude entre 2006 et 2010, les participants devaient indiquer s'ils ajoutaient du sel à leurs aliments jamais/rarement, parfois, habituellement ou toujours. Les participants ont ensuite été suivis pendant une durée médiane de 9 ans.
Après ajustement en fonction du sexe, de l'âge, de la race, du tabagisme, de la consommation modérée d'alcool, de l'indice de masse corporelle, de l'activité physique, de l'indice de privation de Townsend, de l'hypercholestérolémie, de l'insuffisance rénale chronique, du diabète, des maladies cardiovasculaires et du cancer, les résultats ont montré que le risque de mortalité prématurée toutes causes confondues augmentait avec la fréquence d'ajout de sel aux aliments.
Les rapports de risque ajustés par rapport à ceux qui n'ajoutent jamais ou rarement du sel étaient de 1,02 (IC 95 %, 0,99-1,06) pour ceux qui ajoutent parfois du sel, de 1,07 (1,02-1,11) pour ceux qui ajoutent habituellement du sel et de 1,28 (1,20-1,35) pour ceux qui ajoutent toujours du sel.
Les chercheurs ont également estimé que la durée de survie plus faible était due à la fréquence élevée d'ajout de sel aux aliments. À l'âge de 50 ans, les femmes qui ajoutaient toujours du sel aux aliments avaient en moyenne 1,50 année d'espérance de vie en moins, et les hommes qui ajoutaient toujours du sel avaient en moyenne 2,28 années d'espérance de vie en moins, par rapport à leurs homologues qui n'ajoutaient jamais/rarement du sel aux aliments.
Les résultats ont aussi montré qu'une fréquence plus élevée d'ajout de sel aux aliments était significativement associée à un risque plus élevé de mortalité cardiovasculaire et de mortalité par cancer, mais pas à la mortalité par démence ou à la mortalité respiratoire. Pour les sous-types de mortalité cardiovasculaire, l'ajout de sel aux aliments était significativement associé à un risque plus élevé de mortalité par accident vasculaire cérébral, mais pas par maladie coronarienne.
D'autres analyses ont suggéré que l'association entre l'ajout de sel aux aliments et un risque accru de mortalité prématurée semblait être atténuée par une consommation accrue d'aliments riches en potassium (fruits et légumes).
Les auteurs soulignent que les quantités d'apport discrétionnaire en sodium (le sel utilisé à table ou dans la cuisine familiale) ont été largement négligées dans les études précédentes, même si l'ajout de sel aux aliments représente une proportion considérable de l'apport total en sodium (6 à 20 %) dans les régimes occidentaux.
« Nos résultats soutiennent également l'idée qu'une réduction même modeste de l'apport en sodium est susceptible d'entraîner des avantages substantiels pour la santé, en particulier lorsqu'elle est réalisée dans la population générale », concluent-ils.
Des informations contradictoires provenant de différentes études
Les résultats actuels semblent toutefois contredire directement ceux d'une autre étude récente de Messerli et al, qui montre qu'un apport en sodium plus élevé est corrélé à une meilleure espérance de vie.
En réponse à ces résultats contradictoires, le Dr Qi a commenté : « L'étude de Messerli et al est basée sur un modèle écologique, dans lequel l'analyse est effectuée sur l'apport moyen en sodium du pays, plutôt qu'au niveau individuel. Ce type d'étude présente plusieurs limites importantes, telles que l'absence de données sur la consommation de sodium des individus, les facteurs de confusion non contrôlés et la nature transversale de l'étude. En général, les études écologiques ne sont pas considérées comme utiles pour tester les hypothèses dans les études épidémiologiques. »
Le Dr Qi a noté qu'à l'inverse, son étude actuelle analyse l'exposition des individus et a une conception prospective. « Nos résultats sont étayés par des études d'observation à grande échelle et des essais cliniques antérieurs qui montrent que l'apport élevé en sodium peut avoir des effets négatifs sur des maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires et l'hypertension », a-t-il ajouté.
L'auteur principal de l'étude écologique, Le Dr Franz Messerli, de l'hôpital universitaire de Berne, en Suisse, n'est toutefois pas convaincu par les conclusions de l'étude de Qi.
« La différence dans l'apport en sodium sur 24 heures entre ceux qui n'ajoutent jamais/rarement du sel et ceux qui le font toujours est un minuscule 0,17 g. Il est hautement improbable qu'une quantité aussi négligeable ait un quelconque impact sur la pression artérielle, sans parler de la mortalité cardiovasculaire ou de l'espérance de vie », a-t-il commenté pour theheart.org | Medscape Cardiology.
Il a également souligné que dans l'étude de Qi, les personnes qui ajoutaient du sel plus fréquemment consommaient également plus de viande rouge, de viande transformée, moins de poisson et moins de fruits et légumes. « Je pense que la mauvaise habitude d'ajouter du sel à table est tout simplement un marqueur puissant d'un régime alimentaire malsain ».
« Il ne fait aucun doute qu'une consommation excessive de sel est néfaste chez les patients hypertendus et augmente le risque d'accident vasculaire cérébral. Mais 0,17g ne va pas faire de différence », a ajouté le Dr Messerli.
Quel est le niveau optimal ?
Dans un éditorial accompagnant la présente publication dans l'European Heart Journal, Annika Rosengren, de l'hôpital universitaire Sahlgrenska de Göteborg, en Suède, note que les recommandations préconisent une consommation de sel inférieure à 5 g, soit environ une cuillère à café, par jour. Mais peu de personnes la respectent [2].
Étant donné que plusieurs études récentes montrent une association en forme de U ou de J entre le sel et les maladies cardiovasculaires athérosclérotiques, la réduction de la consommation de sel dans l'ensemble de la population pourrait ne pas être universellement bénéfique, explique Anikka Rosengren.
« Jusqu'à présent, ce que les données collectives sur le sel semblent indiquer, c'est que les personnes en bonne santé consommant ce qui est considéré comme des niveaux normaux de sel ordinaire n’ont pas à trop s'inquiéter de leur consommation de sel », écrit-elle.
Elle conseille plutôt de privilégier une alimentation riche en fruits et légumes pour contrebalancer les effets potentiellement néfastes du sel, et pour de nombreuses autres raisons.
Elle ajoute que les personnes à haut risque, comme les hypertendus qui consomment beaucoup de sel, ont probablement intérêt à réduire leur consommation. A ce titre, ne pas ajouter de sel supplémentaire aux aliments déjà préparés est un moyen d'y parvenir. Toutefois, au niveau individuel, la fourchette optimale de consommation de sel, ou le « sweet spot », reste à déterminer.
« Il est peu probable que le fait de ne pas ajouter de sel supplémentaire aux aliments soit nocif : cela pourrait contribuer aux stratégies visant à abaisser les niveaux de pression artérielle de la population », conclut M. Rosengren.
L’article a été publié initialement sur Medscape.fr sous l’intitulé Adding Salt to Food Linked to Higher Risk of Premature Death. Traduit par Stéphanie Lavaud.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: L’ajout de sel à l’alimentation associé à un risque de décès prématuré - Medscape - 15 juil 2022.
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