L’Anses appelle à réduire les nitrites dans la charcuterie

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

14 juillet 2022

France — Au vu de ce que l’on sait aujourd’hui des effets néfastes pour la santé des nitrites et nitrates, l’Anses préconise un certain nombre de mesures pour réduire notre exposition à ces substances dont la réduction de l’utilisation d’additifs nitrés dans les charcuteries [1]. Le gouvernement a fait savoir sa volonté d’agir dans ce sens [2].

Risque de cancer colorectal

Les nitrites et les nitrates ingérés via les aliments et l’eau sont connus pour engendrer la formation de composés nitrosés, dont certains sont cancérogènes et génotoxiques pour l’être humain (voir encadré).

Après avoir analysé les dernières publications scientifiques en cancérologie, l’Anses confirme dans la foulée du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et de l’Efsa l’existence d’une association entre le risque de cancer colorectal et l’exposition aux nitrites et/ou aux nitrates, qu’ils soient ingérés par la consommation de viande transformée, ou via la consommation d’eau de boisson. C’est aussi ce qu’indique l’étude Nutrinet publiée cette année. « Plus l’exposition à ces composés est élevée, plus le risque de cancer colorectal l’est également dans la population » indique l’Anses.

Environ deux tiers de l’exposition alimentaire aux nitrates provient de la consommation de produits végétaux, en particulier de légumes feuilles comme les épinards ou la laitue, et un quart est associé à l’eau de boisson. Moins de 4 % de l’exposition alimentaire aux nitrates est due à leur utilisation en tant qu’additifs alimentaires dans la charcuterie.

Concernant les nitrites, plus de la moitié de l’exposition provient de la consommation de charcuterie du fait des additifs nitrités utilisés pour leur préparation : nitrite de potassium (E249), nitrite de sodium (E250), nitrate de sodium (E251) et nitrate de potassium (E252). En France, 76% de la charcuterie vendue en grande distribution en contiendrait [3].

Réduire les additifs dans les charcuteries 

Même si près de 99 % de la population française ne dépasse pas les doses journalières admissibles (DJA) établies par l’Efsa et jugées pertinentes à ce jour pour les nitrates et les nitrites, l’Anses propose de réduire l’ajout de nitrates et de nitrites dans les charcuteries. Pour rappel, ces additifs visent notamment à limiter le développement des bactéries à l’origine de maladies comme la salmonellose, la listériose ou le botulisme. Selon l’Agence, la réduction de leur utilisation à un niveau aussi bas que raisonnablement possible peut être envisagée. En clair, les limiter au strict nécessaire. Cela suppose néanmoins « de prendre des mesures pour maîtriser le risque de contamination par ces bactéries par d’autres moyens ». Les mesures à prendre devraient être adaptées à chaque catégorie de produits. L’Anses cite l’exemple du jambon cuit où « la réduction des nitrites pourrait s’accompagner du raccourcissement de la date limite de consommation ». Pour le jambon sec, en revanche, l’idée serait de contrôler strictement le « taux de sel et de la température au cours des étapes de salage, de repos et d’affinage du produit ».

En attendant la mise en œuvre de telles mesures, l’Anses invite les consommateurs à consommer moins de 150 grammes de charcuterie par semaine et à avoir une alimentation variée et équilibrée, avec au moins cinq portions de fruits et légumes par jour d’origine différente.

Les extraits végétaux apportent aussi des nitrates et nitrites

Certains fabricants utilisent des extraits végétaux ou des bouillons de légumes comme substituts aux additifs nitrés. Cela ne constitue pas une réelle alternative dans la mesure où ils contiennent naturellement des nitrates qui, sous l’effet de bactéries, sont convertis en nitrites. Ces produits dits « sans nitrite ajouté » ou “zéro nitrite” contiennent donc des nitrates et des nitrites cachés. 

Maîtriser la teneur en nitrates dans l’eau et les sols

Au-delà de la présence naturelle des nitrates dans l’environnement, certaines activités humaines contribuent à renforcer leur concentration dans les ressources en eau ou les sols.

Pour réduire l’exposition aux nitrates par le bais de l’eau de boisson, mais aussi par la consommation de végétaux, l’Agence souligne l’importance de poursuivre l’optimisation de certaines pratiques, comme l’épandage de fertilisants et d’effluents d’élevage, en les ajustant au mieux aux besoins des cultures. « Cette réduction concerne en particulier les unités de distribution des eaux pour lesquelles des dépassements de la limite de qualité pour les nitrates ont été observés » précise-t-elle.

D’autres risques de cancers sont suspectés mais les données disponibles ne permettent pas, à ce jour, de conclure à l’existence d’un lien de causalité. L’Agence recommande de poursuivre les recherches dans ce domaine afin de confirmer ou d’infirmer ces relations.

Interdire les nitrites dans les charcuteries ?

Dans la foulée de la publication du rapport de l’Anses, le gouvernement a fait savoir qu’il s’engageait à suivre ses recommandations visant à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie. Il indique qu’un « plan d’actions coordonné sera mis en place afin d’aboutir à la réduction ou la suppression de l’utilisation des additifs nitrés dans tous les produits alimentaires où cela est possible sans impact sanitaire et cela le plus rapidement possible ». Rappelons qu’une proposition de loi portée par le député Modem Richard Ramos avait été déposée fin 2021 visant à interdire les additifs nitrés pour les salaisons dès le 1er janvier 2023, et à partir du 1er janvier 2025 pour les charcuteries traitées thermiquement (andouilles, andouillettes, boudins blancs et noirs, charcuteries pâtissières, jambons, lardons, pâtés, terrines, rillettes, saucisses, saucissons, tripes, etc.). Elle avait été profondément remaniée en commission sous la pression du ministre de l’Agriculture d’alors Julien Denormandie et largement « édulcorée » puisque, dans le texte adopté à l’Assemblée nationale en février 2022, il n’est plus question d’interdire les sels nitrités, mais d’affirmer le principe d’une « trajectoire de baisse » des doses maximales d’incorporation dans les produits de charcuterie et salaisons.

 

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