Etats-Unis – Une étude américaine montre comment la réponse immunitaire déclenchée par l'infection au Covid-19 endommage les vaisseaux sanguins du cerveau et serait potentiellement à l’origine des symptômes neurologiques à court et à long terme.
Il semble que le virus n'infecte pas directement le cerveau. Ce sont des anticorps produits par le système immunitaire en réponse au virus qui attaqueraient les cellules endothéliales de la barrière hémato-encéphalique, entrainant une inflammation et des dommages au niveau cérébral. Les travaux ont été publiés dans Brain[1].
Tissu cérébral après autopsie
« Les patients développent souvent des complications neurologiques avec le Covid-19, mais le processus physiopathologique sous-jacent n'est pas bien compris », a déclaré le Dr Avindra Nath, neuroimmunologiste au National Institute of Neurological Disorders and Stroke (NINDS) et auteur principal de l'étude, dans un communique du NIH[2]. « Nous avions déjà montré des lésions des vaisseaux sanguins et une inflammation dans le cerveau des patients à l'autopsie, mais nous ne comprenions pas la cause de ces lésions. Je pense que dans ces travaux, nous avons obtenu des informations importantes sur la cascade d'événements. »
Dans cette étude, le Dr Avindra Nath, et son équipe ont examiné le tissu cérébral de personnes décédées subitement après avoir contracté le virus, constituant un sous-groupe de leur précédente étude. Les neuf personnes, âgées de 24 à 73 ans, ont été choisies parce qu'elles présentaient des signes de lésions des vaisseaux sanguins dans le cerveau d'après des scanners cérébraux structurels. Les échantillons ont été comparés à ceux de 10 témoins. L'équipe a examiné la neuro-inflammation et les réponses immunitaires par immunohistochimie.
Comme dans leur étude précédente, les chercheurs ont trouvé que les vaisseaux sanguins présentaient des fuites, en prouvant la présence de protéines sanguines qui ne traversent normalement pas la barrière hémato-encéphalique. Une observation qui suggère que les jonctions serrées entre les cellules endothéliales de la barrière hémato-encéphalique sont endommagées.
Une base moléculaire potentielle pour les symptômes neurologiques
En découvrant des dépôts de complexes immunitaires à la surface des cellules, le Dr Nath et ses collègues ont ensuite montré que les dommages causés aux cellules endothéliales étaient probablement dus à la réponse immunitaire.
Ces observations suggèrent qu’une « attaque » médiée par des anticorps active les cellules endothéliales. Une fois activées, les cellules endothéliales expriment des molécules d'adhésion qui favorisent l’adhésion des plaquettes entre elles.
« L'activation des cellules endothéliales conduit à ce que des plaquettes se collent aux parois des vaisseaux sanguins, provoquant la formation de caillots et des fuites. Dans le même temps, les jonctions serrées entre les cellules endothéliales sont altérées, provoquant là encore une fuite », explique le Dr Nath. « Une fois la fuite produite, des cellules immunitaires telles que les macrophages peuvent venir réparer les dommages, créant une inflammation – laquelle provoque à son tour des dommages aux neurones ».
Les chercheurs ont constaté que dans les zones où les cellules endothéliales étaient endommagées, l’expression de plus de 300 gènes étaient diminués, tandis que six gènes étaient augmentés – ces derniers étaient associés au stress oxydatif, aux lésions de l'ADN et au dérèglement du métabolisme. Ces résultats pourraient fournir des indices sur la base moléculaire des symptômes neurologiques liés au Covid-19 et offrir des cibles thérapeutiques potentielles, indique le communiqué du NIH [2].
Ensemble, ces résultats permettent de mieux comprendre la réponse immunitaire qui endommage le cerveau après une infection par le Covid-19. Mais on ne sait toujours pas quel est l’antigène ciblé par la réponse immunitaire, car le virus lui-même n'a pas été détecté dans le cerveau. « Il est possible que les anticorps dirigés contre la protéine Spike du SARS-CoV-2 se lient au récepteur ACE2 utilisé par le virus pour pénétrer dans les cellules. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer cette hypothèse. »
Une explication du « brouillard cérébral »
L'étude pourrait également avoir des répercussions sur la compréhension et le traitement des symptômes neurologiques à long terme après l'infection par le Covid-19, notamment les maux de tête, la fatigue, la perte du goût et de l'odorat, les problèmes de sommeil et le « brouillard cérébral ». Si les patients de l'étude avaient survécu, les chercheurs pensent qu'ils auraient probablement développé un Covid long.
« Il est tout à fait possible que cette même réponse immunitaire persiste chez les patients atteints de Covid long, entraînant des lésions neuronales », a déclaré le Dr Nath. « Il pourrait y avoir une petite réponse immunitaire indolente qui se poursuit, ce qui signifie que les thérapies immuno-modulatrices pourraient aider ces patients. Ces résultats ont donc des implications thérapeutiques très importantes. »
Ces résultats suggèrent aussi que les traitements conçus pour prévenir le développement des complexes immunitaires observés dans l'étude pourraient être des thérapies potentielles pour les symptômes neurologiques post-Covid.
Cette étude a été soutenue par la Division of Intramural Research du NINDS (NS003130) et K23NS109284, la Roy J. Carver Foundation et l'Iowa Neuroscience Institute.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: COVID-19 : une piste immunologique pour comprendre l’atteinte cérébrale à court et long terme - Medscape - 13 juil 2022.
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