Les smartphones créent une dépendance et des problèmes de surpoids

Ted Bosworth

Auteurs et déclarations

13 juillet 2022

Atlanta, Etats-Unis Les appareils sans fil, comme les smartphones et les tablettes, semblent induire une utilisation compulsive, voire une dépendance, chez de nombreuses personnes. Se faisant, ils entrainent des conséquences néfastes qui, pour être contrecarrées, passent par une modification du comportement, souvent difficile à atteindre, selon une endocrinologue pédiatrique.

Augmentation de l'indice de masse corporelle

Bien que la revue soit basée en partie sur l'analyse de 234 articles publiés tirés de la littérature médicale, l'auteur principal, la Dr Nidhi Gupta, MD, a déclaré que ces données renforcent sa propre expérience clinique.

« En tant qu'endocrinologue pédiatrique, je suis inquiète de constater une tendance à l’augmentation des troubles, tels que l'obésité, le sommeil et les problèmes de comportement, associée aux smartphones », a déclaré Mme Gupta, directrice du KAP Pediatric Endocrinology, à Nashville (Tennessee), lors du congrès annuel de l'Endocrine Society (ENDO 2022).

D'après la recherche qu’elle a effectuée au sein de la littérature médicale, les données disponibles sont préoccupantes. Dans une étude qu'elle a citée, par exemple, il a été constaté que chaque heure de temps passé devant un écran par jour se traduit par une augmentation de l'indice de masse corporelle de 0,5 à 0,7 kg/m2 (P < 0,001).

Santé physique, mentale et émotionnelle

Ce type d'augmentation progressive de l'IMC s'accompagne de prédiabète, de dyslipidémie et d'autres troubles métaboliques associés à des risques majeurs pour la santé, notamment les maladies cardiovasculaires. Et il y en a d'autres. Gupta a cité des données suggérant que le temps passé devant un écran avant de se coucher perturbe le sommeil, ce qui comporte en soi entraine divers risques pour la santé.

« Quand je parle de santé, cela inclut la santé physique, la santé mentale et la santé émotionnelle », a déclaré la Dr Gupta.

Aux États-Unis et dans d'autres pays où l'épidémie d'obésité se développe, le manque d'activité physique et une alimentation malsaine sont largement considérés comme les principaux responsables. Le temps excessif passé devant un écran contribue à ces deux phénomènes.

« Lorsque nous sommes occupés à être sur nos appareils, nous grignotons souvent de manière inconsciente sans avoir conscience de faire des choix malsains », a déclaré Mme Gupta.

Signal de récompense neuroendocrinien

Le problème est qu'il existe un cercle vicieux. L'utilisation compulsive des appareils suit la même boucle que d'autres types de comportements addictifs, selon Mme Gupta. Elle a établi un lien entre la surutilisation des appareils sans fil et le système dopaminergique, qui est un puissant processus neuroendocrinien de besoin, de réponse et de récompense.

À l'instar de la graisse, du sucre et du sel, qui provoquent un signal de récompense neuroendocrinien, les sonneries et les vibrations émises par un téléphone portable entrainent leurs propres signaux de récompense sous la forme d'une montée de dopamine. Ils deviennent par conséquent les « déclencheurs d'une envie irrésistible et irrationnelle de vérifier notre appareil qui augmente le niveau de dopamine dans notre cerveau », a expliqué la Dr Gupta.

Préférer une utilisation modérée

Bien qu'il soit possible d'enrayer ce cercle vicieux en éteignant l'appareil, M. Gupta estime que cette solution n'est pas "pratique" alors les smartphones sont devenus si essentiels à la communication quotidienne. Elle préconise plutôt une utilisation modérée, en réservant le téléphone à des tâches utiles sans succomber au chant des sirènes des applications qui font perdre du temps.

Les coupables le plus évidents sont les réseaux sociaux, que Mme Gupta considère comme l'un des déclencheurs les plus pavloviens de la dépendance au téléphone portable. Elle reconnaît toutefois qu’y participer peut se justifier.

« Moi-même, j'utilise les médias sociaux pour faire valoir mon image de marque et mon marketing », a déclaré Mme Gupta.

Selon l’endocrinologue, le problème des utilisateurs est de faire la distinction entre le temps d'écran qui a de la valeur et celui qui n'en a pas. Elle considère que bon nombre de ceux qui font un usage excessif de leurs smartphones sont motivés par un système de récompense dopaminergique, qui est généralement dissocié des véritables objectifs de la vie, tels que la satisfaction personnelle ou une activité gratifiante sur le plan monétaire ou autre.

 
Selon l’endocrinologue, le problème des utilisateurs est de faire la distinction entre le temps d'écran qui a de la valeur et celui qui n'en a pas.
 

« Je ne demande pas que l'on jette ces appareils par la fenêtre. Je plaide pour la modération, l'équilibre et l'engagement dans la vie réelle », a déclaré Mme Gupta lors du congrès, qui s'est tenu à Atlanta de manière virtuelle.

Elle a dressé une longue liste de suggestions pratiques, notamment la désactivation des alarmes, des sonneries et des messages qui entraînent l'utilisateur dans la boucle vicieuse du système de récompense dopaminergique. Et elle a suggéré de pratiquer la méditation de pleine conscience afin de faire la distinction entre une utilisation utile de l'appareil et une activité qui n'est autre que de la procrastination.

« Les appareils sont conçus pour créer une dépendance. Ils sont conçus pour manipuler notre cerveau » a-t-elle déclaré. « Éliminons la récompense. Essayons de rendre nos appareils ennuyeux, peu attrayants ou séduisants afin qu'ils ne fonctionnent que comme des outils. »

 
Les appareils sont conçus pour créer une dépendance. Ils sont conçus pour manipuler notre cerveau. Dr Nidhi Gupta
 

Des effets néfastes

La littérature médicale est remplie de données qui soutiennent les méfaits potentiels d'une utilisation excessive des écrans, ce qui a conduit beaucoup d'autres personnes à en arriver aux mêmes conclusions. En 2017, le Dr Thomas N. Robinson, professeur de santé infantile à l'Université de Stanford (Californie), a étudié des données montrant une association entre l'exposition aux médias sur écran et l'obésité chez les enfants et les adolescents.

« C'est un domaine qui réclame à grands cris des recherches supplémentaires », a déclaré le Dr Robinson dans une interview. Le problème du temps passé devant l'écran, du comportement sédentaire et de la prise de poids se pose depuis l'invention de la télévision mais il a convenu que le problème tendait à s'aggraver.

« La technologie numérique est devenue omniprésente, touchant presque tous les aspects de la vie des gens », a-t-il déclaré. Pourtant, alors que les preuves s'accumulent que la surutilisation de cette technologie peut être nuisible, cela crée un problème sans solution claire.

« Il existe peu de données sur l'efficacité de stratégies spécifiques visant à réduire les effets néfastes de l'utilisation des écrans numériques », a-t-il déclaré.

Si certaines des solutions décrites par Mme Gupta sont logiques, elles sont plus faciles à décrire qu'à mettre en œuvre. Le système de récompense dopaminergique est puissant et largement ressenti de manière subconsciente. Recruter des patients qui reconnaissent que les récompenses dopaminergiques ne sont pas des récompenses au sens propre est déjà un défi. Il pourrait être encore plus difficile de convaincre les patients de prendre les mesures nécessaires pour éviter les changements comportementaux.

Les Drs Gupta et Robinson ne signalent aucun conflit d'intérêt potentiel.

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.fr sous l’intitulé Mobile Devices 'Addictive by Design': Obesity Is One of Many Health Effects. Traduit par Stéphanie Lavaud.

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