Discussion
Ce patient, qui souffre d'un diabète de type 1 mal contrôlé, a présenté des fractures à répétition dans un contexte de carence en vitamine D. L'absorptiométrie biphotonique (DEXA) n’a pas mis en évidence de baisse de la densité minérale osseuse : les Z-scores étaient tous supérieurs à -2. [1] Chez les plus jeunes (enfants en croissance), les mesures de densité minérale osseuse sont réalisées au niveau de la colonne vertébrale et du corps total (sans la tête). La densité de la hanche peut présenter une grande variabilité au fur et à mesure que l'enfant grandit, et il peut être difficile de comparer les images. [1] Bien qu'il puisse s'agir d'une complication d'un trouble auto-immun, son taux de 25-hydroxy-vitamine D étant inférieur à la fourchette de référence, il doit être corrigé avant toute autre évaluation.
L'ostéopathie diabétique peut altérer la structure de l'os au fil du temps, ce qui fragilise les os qui peuvent donc se fracturer avec des chocs de faible cinétique. [2] Cependant, ce patient n'est diabétique que depuis 4 ans : on ne peut donc pas encore s'attendre à ce qu'il présente des complications marquées de sa dysglycémie.
L’examen du patient n’oriente pas vers un diagnostic d'ostéogenèse imparfaite (maladie de Lobstein ou maladie des os de verre). Les personnes atteintes d'ostéogenèse imparfaite de type 1 sont généralement de taille normale et présentent des rarement déformations osseuses. Le diagnostic est généralement posé au moment où les enfants commencent à marcher et les signes cliniques s'améliorent après la puberté. Leur sclérotique est généralement bleutée et il existe une perte de l’audition chez environ 50% des patients. D'autres types d'ostéogenèse imparfaite sont plus graves, puisque les patients présentent des fractures à répétition en période périnatale ou immédiatement après la naissance. Ces enfants restent de petite taille et ils présentent de nombreuses déformations osseuses (consolidation avec cal vicieux). Des degrés variables de dentinogenèse imparfaite et de perte auditive peuvent être présents. [3]
Ce patient ne présente pas non plus le phénotype d'un enfant atteint de rachitisme hypophosphatémique. Non seulement ses jambes ne sont pas arquées, mais encore il n’est pas de petite taille et sa dentition est normale. En outre son taux de phosphore sérique est dans la fourchette supérieure de la normale et non pas bas. [4] Le diagnostic de maladie de Paget peut être écarté, car son taux de phosphatases alcaline se situe dans les limites de la normale en effet, cette valeur est généralement élevée dans cette pathologie.
Le diabète de type 1 de ce patient peut contribuer à sa faible densité minérale osseuse, ce qui peut majorer son risque de fractures. En outre, cette pathologie peut également affecter sa capacité d’absorption de la vitamine D alimentaire.
En premier lieu, il est essentiel de corriger le taux de vitamine D de cet adolescent. La carence en vitamine D est particulièrement répandue puisque différentes études citent des chiffres compris entre 40 et 50 % d’adolescents présentant une carence ou une insuffisance en vitamine D (aux États-Unis). [5] De nombreux facteurs conduisent à une carence en vitamine D, notamment un changement de régime alimentaire (consommation de lait moins enrichi en vitamine D), une réduction du temps passé à l'extérieur et une protection solaire. [5] Les médicaments tels que les anticonvulsivants et les glucocorticoïdes peuvent également affecter le métabolisme de la vitamine D, entraînant une augmentation des besoins. D'autres troubles peuvent diminuer l'absorption de la vitamine D (mucoviscidose et maladie de Crohn) et être à l’origine d’un rachitisme par carence en vitamine D. [6]
La valeur exacte qui détermine le diagnostic d’insuffisance un en vitamine D est fortement débattue ; la plupart des experts pensent qu'un taux de 25-hydroxy vitamine D supérieur à 30-32 ng/mL exclut une carence cliniquement significative. [6,7] Les taux de PTH augmentent lorsque les taux de 25-hydroxy vitamine D sont inférieurs à 20 ng/mL et se stabilisent lorsque le taux est supérieur à 30 ng/mL. [8] L'hyperparathyroïdie secondaire contribue à la diminution de la densité minérale osseuse en libérant du calcium du squelette afin de maintenir des taux de calcium sérique normaux. Le phosphore est également libéré et excrété dans l'urine, ce qui peut être à l’origine de taux sériques de phosphore faibles ou normaux. La modification de l'équilibre calcium-phosphore affecte la minéralisation, ce qui modifie l'architecture des os. Cela peut éventuellement se traduire par une fragilisation de petites zones du squelette et par un risque de fractures. [5]
Non seulement la vitamine D est essentielle au maintien de niveaux adéquats de calcium et de phosphore et à la santé des os, mais elle peut également jouer d'autres rôles moins connus. On sait que les lymphocytes T et les lymphocytes B du système immunitaire ne peuvent jouer parfaitement leur rôle que si l’environnement en vitamine D est satisfaisant. [9] Grâce à ces connaissances déjà acquises, des études sont actuellement en cours pour évaluer le lien entre vitamine D et certaines maladies auto-immunes telles que le diabète de type 1 ou la sclérose en plaques. Des médicaments topiques à base de vitamine D sont utilisés pour traiter le psoriasis car les kératinocytes possèdent des récepteurs à cette vitamine. D'autres études portent sur l'interaction de la vitamine D et divers cancers, la santé mentale ou le développement. [9]
En 2022, des représentants de la Société française de pédiatrie, des Sociétés françaises de néonatologie, d'endocrinologie pédiatrique, de rhumatologie pédiatrique, de néphrologie pédiatrique, de gastro-entérologie, d'hépatologie et de nutrition pédiatriques, ainsi que de l'Association française des pédiatres de premier recours, des représentants des médecins généralistes ont proposé de nouvelles recommandations sur la supplémentation en vitamine D dans la population pédiatrique.
L’objectif principal de la supplémentation vitaminocalcique (vitD/Ca) reste la prévention du rachitisme. Aussi, trois recommandations de grade A (niveau de preuve élevé) ont été arrêtées par le consensus d’experts. Elles préconisent :
D’atteindre un taux de 25(OH)D>20 ng/mL (>50 nmol/L) en population pédiatrique générale ; un taux >30 ng/mL est parfois nécessaire pour limiter les défauts de minéralisation et la variabilité saisonnière, mais il est indispensable de ne pas dépasser 80 ng/mL pour éviter la toxicité rénale à long terme associée à la supplémentation ;
De supplémenter les enfants en bonne santé âgés de 0 à 18 ans avec un minimum de 400UI de vitD par jour. Cette posologie est suffisante pour compenser la diminution physiologique des concentrations de 25(OH)D durant l'hiver et permet de maintenir ces taux dans la fourchette cible durablement. Le maintien de la supplémentation durant la puberté est recommandé par le fait que le pic de minéralisation est retardé par rapport au pic de croissance ;
De supplémenter les enfants de 0 à 2 ans avec de la vitD2 ou de la D3.
Le mémo Dosage de la vitamine D : conditions de prise en charge (PDF), validé par la Haute Autorité de santé (HAS), précise les 6 situations cliniques pour lesquelles le dosage de la vitamine D est préconisé et pris en charge par l'Assurance Maladie :
lors d'une démarche diagnostique visant à confirmer ou infirmer un rachitisme (suspicion de rachitisme) ;
lors d'une démarche diagnostique visant à confirmer ou infirmer une ostéomalacie (suspicion d'ostéomalacie) ;
au cours d'un suivi ambulatoire de l'adulte transplanté rénal au-delà de trois mois après transplantation ;
avant et après une chirurgie bariatrique ;
lors de l'évaluation et de la prise en charge des personnes âgées sujettes aux chutes répétées ;
pour respecter les résumés des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments préconisant la réalisation du dosage de vitamine D.
En dehors de ces situations, il n'y a pas d'utilité prouvée à doser la vitamine D. Une supplémentation en vitamine D peut ainsi être instaurée et suivie sans dosage de la vitamine D.
Le patient de ce cas clinique a bénéficié d’une supplémentation en vitamine D jusqu’à atteindre les limites de la normale pour son âge. Trois mois après de début de la supplémentation, ses taux de PTH et de calcium se situaient dans la normale. Il a bénéficié d’un suivi avec son médecin traitant et son endocrinologue pour le contrôle son diabète de type 1 et sa thyroïdite de Hashimoto.
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Citer cet article: Cas clinique : fractures osseuses à répétition chez un jeune sportif - Medscape - 14 juil 2022.
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