Soins sans consentement (SPDT, SPPI et SPDRE) aux Urgences : comment faire en pratique ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

12 juillet 2022

France – A l’occasion d’une session consacrée aux urgences psychiatriques lors du congrès Urgences 2022 [1], la Dr Marion Douplat, cheffe de service adjoint Urgences de Lyon Sud est revenue sur le cadre réglementaire qui encadre les soins sans consentement en psychiatrie (SPDT/SPPI/SPDRE) dans le contexte des Urgences [1]. Un sujet important quand on sait qu’en France, en 2018, près de 96 000 personnes ont été concernées par des soins sans consentement et plus de 42 000 ont été suivies dans le cadre d’un programme de soins [2].

Toujours avoir le souci de l’information du patient 

« Deux critères conduisent à poser une contrainte chez un patient atteint de troubles mentaux, a rappelé la Dr Douplat en introduction, d’abord que ces troubles rendent impossibles son consentement et aussi que son état impose des soins immédiats avec une surveillance constante en milieu hospitalier ». Le cadre réglementaire régi par la loi du 27 septembre 2013 – et rappelé ici par l’oratrice – a deux objectifs : garantir les droits fondamentaux de l’individu et assurer sa protection en lui apportant des soins spécifiques en psychiatrie.

« Il y a trois enjeux importants à avoir en tête quand on emploie la contrainte dans le cadre des Urgences – une décision qui n’est jamais simple à prendre –, a considéré l’urgentiste, c’est, primo, d’arriver à concilier le respect et la liberté individuelle, secundo, d’apporter des soins adaptés à l’état du patient, et tertio, de préserver la sécurité des soignants ».

« Il est important de rappeler que ce patient a les mêmes droits que les autres patients et il faut l’informer, lui et ses proches, de la décision prise en accord, a-t-elle ajouté. C’est un point que l’on oublie souvent que l’on soit en régulation ou aux urgences, mais il faut toujours avoir ce souci de l’information au patient ». Rappeler aussi qu’en France, la prise en charge des patients psychiatriques est sectorisée en fonction du lieu de résidence, de fait, le centre 15 a un rôle majeur dans l’orientation du patient vers la structure la plus adaptée en fonction de son état et de l’endroit dont il dépend.

SPDT : soins psychiatriques demandés par un tiers

La Dr Douplat a ensuite rappelé les trois modalités possibles en cas d’hospitalisation sous contrainte et le cadre législatif très précis qui les encadre.

Les SPDT sont les soins demandés par la famille ou une personne qui a intérêt à agir pour le patient comme un curateur ou un tuteur. Cela exclut d’emblée le personnel soignant ou le directeur d’établissement.

D’un point de vue réglementaire, il existe deux entités : le SPDT et le SPDT-U dans le cadre de l’urgence. Dans le premier cas, deux certificats de deux médecins datant de moins de 15 jours sont nécessaires – ces 2 médecins ne pouvant être ni parents, ni alliés. Dans le second cas, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, il est possible de formuler la demande d’admission sur la base d’un seul certificat avec une demande d’admission formulée par un tiers.

Précision : la demande du tiers doit être manuscrite. Des modèles existent dans les recommandations publiées par la HAS en 2021.

SPPI : soins psychiatriques sans demande d’un tiers

Cette situation se présente en cas de péril imminent, soit un danger pour le patient, pour sa santé mais non dangereux pour les autres (auto-agressivité). Dans ce cas, un seul certificat médical rédigé par un médecin qui n’exerce pas dans l’établissement d’accueil.

SPDRE : soins psychiatriques sur décision d’un représentant de l’état

Cela concerne les patients hétéro-agressifs qui vont compromettre la sécurité des personnes ou lorsqu’il y a un risque grave de porter atteinte à l’ordre public. Dans ce cas, 3 modalités d’admission sont possibles : la décision peut se faire par le biais du maire. Il faut alors un certificat médical avec un arrêté municipal confirmé par un arrêté préfectoral. Elle peut émaner directement du préfet via un arrêté préfectoral ou des autorités judiciaires avec, cette fois, une décision de justice d’irresponsabilité pénale sur une ordonnance ou un jugement et une lettre de l’autorité préfectorale.

Prise en charge du patient par la régulation : 3 enjeux

L’état d’agitation et la crise suicidaire, avec des menaces d’auto et d’hétéro-agressivité, sont les motifs les plus fréquents vus en régulation et conduisant à des mises sous contrainte. Pour le régulateur, se présentent alors 3 enjeux : primo, la rédaction du premier certificat, secundo, l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire, et tertio, l’envoi vers des structures adaptées en évitant le passage aux urgences, qui ne doit intervenir qu’en dernier recours.

Concernant la première étape, « la difficulté va donc être de mobiliser les personnes pouvant réaliser le premier certificat (SPDT, SPDI ou SPDRE) », explique l’oratrice. Les médecins de ville sont souvent en première ligne, ce peut être le médecin traitant ou SOS médecin. Le SMUR n’arrive qu’en deuxième recours, notamment lorsqu’il faut sédater le patient. « Il faut savoir que tout patient psychiatrique peut être transporter sans certificat préalable sur demande du médecin régulateur et que le certificat médical peut être fait dans les 24 heures », précise-t-elle.

Deuxième étape : permettre une réponse rapide avec la mise en place d’interventions urgentes va reposer sur une intervention pluridisciplinaire en complémentarité avec les forces de l’ordre, les effecteurs comme les ambulances et les pompiers pour mettre en place la contrainte.

Le dernier enjeu pour la régulation est d’envoyer le patient sur des structures spécialisées en psychiatrie de référence. « Le passage aux urgences ne devrait, en théorie, être réservé qu’à l’évaluation somatique, soit en cas de premier épisode de bouffées délirantes ou d’épisodes psychotiques, les intoxications médicamenteuses ou un problème somatique aigu, et donc, pas du tout en première intention », conclut l’urgentiste.

A savoir : Une fois admis, le patient est observé pendant 72 heures. Pendant cette durée, un certificat médical est réalisé à 24 heures et un autre à 72 heures, qui confirmera – ou non – le maintien de la contrainte.

 

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