Paris, France — Plus d’un an après le lancement de l’expérimentation du cannabis médical par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), les retours d’expériences rapportent des résultats positifs, en particulier dans le traitement des symptômes douloureux. Près d’un tiers des 1 600 patients inclus ont dû toutefois sortir de l’expérimentation en raison d’effets indésirables ou par manque d’efficacité.
« Dans certaines situations, on a pu constater une efficacité du cannabis médical sur la douleur, plus particulièrement sur la capacité des patients à gérer et à supporter la douleur », a précisé auprès de Medscape édition française Nathalie Richard, directrice de l’expérimentation du cannabis médical à l’ANSM. « Dans le cadre des soins palliatifs par exemple, la douleur est jugée moins envahissante ».
Lancée en mars 2021 pour une durée de deux ans, l’expérimentation vise à évaluer en situation réelle le circuit de prescription et de délivrance du cannabis médical avant une éventuelle généralisation de son usage. L’objectif est également de « recueillir les premières données françaises sur l’efficacité de l’utilisation du cannabis dans un cadre médical », précise l’agence du médicament.
287 centres spécialisés impliqués
L’expérimentation prévoit d’intégrer jusqu’à 3 000 patients en impasse thérapeutique pour tester le cannabis médical dans cinq indications :
les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies disponibles ;
certaines formes d'épilepsie pharmacorésistantes ;
certains symptômes rebels en oncologie liés au cancer ou au traitement anticancéreux ;
les situations palliatives ;
la spasticité douloureuse dans la sclérose en plaques (SEP) ou autres pathologies du système nerveux central.
L’inclusion des patients est exclusivement réalisée dans des structures de référence prenant en charge les indications retenues pour l’usage du cannabis médical. Actuellement, 287 centres répartis sur le territoire se sont engagés dans l’expérimentation. Les patients qui ne sont pas suivis par ces structures de référence peuvent y être adressés par leur médecin traitant.
Les médecins extérieurs aux centres peuvent ensuite assurer le suivi médical et prendre le relais des prescriptions, mais uniquement à la demande des patients, après une formation obligatoire sur la délivrance et la prescription du cannabis médical. Celui-ci est prescrit sous forme d’huile ou de fleurs séchées, avec des teneurs variables en cannabidiol (CBD) et en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC).
Pour améliorer la prise en charge, notamment des patients les plus éloignés des centres, l’ANSM cherche à renforcer la participation des médecins généralistes (voir notre article: « Expérimentation du cannabis médical : l’ANSM peine à convaincre les médecins généralistes).
Plus d’un an après la mise en place de l’expérimentation, 1 638 patients ont été inclus, dans la moitié des cas pour traiter des douleurs neuropathiques résistantes aux approches thérapeutiques conventionnelles, a indiqué Nathalie Richard. La spasticité douloureuse de la SEP et les épilepsies pharmacorésistances sont les deux autres indications majoritaires (un tiers des inclusions).
Parmi les patients inclus, 515 ont quitté l’expérimentation, soit pour une inefficacité du traitement, soit en raison d'effets indésirables. Certains sont également décédés en raison de leur pathologie initiale.
Administration de THC par titration
Concernant l’efficacité du traitement, les données rapportées sont au cas par cas. « Certaines échelles de mesure de la douleur et de la qualité de vie permettront une évaluation plus globale afin de mieux juger les résultats cliniques du cannabis médical », a précisé la responsable. Elle sera incluse dans un rapport qui sera remis au Parlement en septembre prochain, six mois avant la fin de l’expérimentation.
« Une efficacité a été constatée dans toutes les indications », autant avec le CBD seul, indiqué dans le traitement des épilepsies, qu’avec un traitement associant CBD et THC. Le traitement est personnalisé. Dans certaines indications, comme la prise en charge des douleurs, le THC est rajouté progressivement au CBD pour trouver le dosage optimal.
« L’objectif est de trouver la bonne posologie adaptée au patient. Les médecins sont très attentifs aux changements et aux effets provoqués chez les patients et peuvent adapter le traitement en conséquence. C’est aussi l’avantage de cette titration par THC qui doit être lente et progressive. »
La prise de cannabis doit se faire d’abord par voie orale avec de l’huile comme traitement de fond, à des teneurs en CBD et THC adaptées à l’indication. Le THC peut être ajouté par prescription d’huile ou de fleurs séchées standardisées. Celles-ci doivent être obligatoirement inhalées à l’aide d’un vaporisateur (la combustion est proscrite).
« La vaporisation permet également de traiter certains symptômes aigus, comme des douleurs aiguës soudaines ou des spasmes douloureux », a précisé Nathalie Richard.
S’agissant des effets indésirables, des enquêtes de pharmacovigilance et d’addictovigilance font un point mensuel sur les événements rapportés auprès du Comité scientifique temporaire (CST) de l’ANSM sur le suivi de l’expérimentation française de l’usage médical du cannabis. « Jusqu’à présent, le cannabis médical présente un profil de sécurité attendu, sans signal d’alerte », a commenté Nathalie Richard.
22 effets indésirables graves
Selon le dernier compte rendu disponible en ligne, on comptait 361 signalements de pharmacovigilance, qui ont rapporté un total de 831 effets indésirables, pour des doses médianes de CBD de 40 mg/jour et de THC de 3mg/jour [1].
La majorité des effets indésirables sont des troubles du systèmes nerveux central (311 cas), comme des troubles de l’attention, une somnolence ou une sédation. Viennent ensuite les troubles digestifs (127 cas), dont des douleurs abdominales, des diarrhées, puis les troubles psychiatriques (111 cas), qui incluent l’anxiété, un état confusionnel, des insomnies ou encore une irritabilité.
Parmi les effets secondaires rapportés figurent également des affections de l’oreille et du labyrinthe (51 cas), des affections oculaires (27 cas) ainsi que des affections cardiaques (20 cas).
Depuis le début de l’expérimentation, 22 effets indésirables graves ont été recensés, soit 6% des signalements. Il s’agit de troubles cognitifs, de vertige, d’anxiété ou encore de palpitations et d’attaque de panique associées à la prise de médicaments à base de CBD seul ou associé à du THC. Des idées suicidaires ont également été rapportées avec du CBD seul.
Les comportements et idées suicidaires associées au CBD ont déjà été rapportés avec l’Epidyolex, qui a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2020 dans le traitement d’appoint des crises d’épilepsies associées aux syndromes de Lennox Gastaut (LGS) ou de Dravet, en association avec le clobazam.
L’ANSM précise toutefois qu’une récente méta-analyse « n’est pas en faveur d’un risque augmenté de tentative de suicide avec le CBD » [2].
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Cannabis médical: des effets positifs dans la gestion de la douleur - Medscape - 11 juil 2022.
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