
Les nouvelles analyses et recommandations de l’US Preventive Services Task Force (USPSTF) remettent en question l’efficacité des suppléments vitaminiques et minéraux. Le marché mondial des compléments alimentaires étant évalué à plus de 140 milliards d’euros, les conclusions de l’USPSTF, ainsi que les nouvelles données concernant le rôle des vitamines dans plusieurs pathologies, ont suscité une grande attention cette semaine. L’analyse de 84 études par l’USPSTF a notamment mis en évidence des avantages minimes et de sérieuses préoccupations.
Vitamine E et bê ta-carotèe ne dé conseillés
L’utilisation de la vitamine E et du bêta-carotène pour la prévention des maladies cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et du cancer a été spécifiquement déconseillée par l’USPSTF. [1,2] « Nous reconnaissons que plus de la moitié des Américains prennent chaque jour un type de supplément vitaminique et que 30 % prennent une combinaison de vitamines et de minéraux », a déclaré le Dr John Wong, membre de l’USPSTF, à Medscape Cardiology. « Nous avons recherché des preuves, examinant au total 84 études. Mais nous n’avons pas trouvé de preuves suffisantes pour ou contre la prise de vitamines, à l’exception du bêta-carotène et de la vitamine E, que nous recommandons de ne pas prendre », a-t-il ajouté.
Dans un éditorial accompagnant la déclaration, les Drs Jenny Jia, Natalie Cameron et Jeffrey Linder de la Northwestern University Feinberg School of Medicine de Chicago, notent que les résultats comprenaient 52 études supplémentaires qui n’étaient pas disponibles lorsque la dernière recommandation de l’USPSTF a été publiée en 2014 [3]. En réponse à ces nouvelles données, le Dr Perry Wilson (École de médecine, Yale) a rappelé l’adage « néphrologique » : « Les vitamines produisent juste un pipi onéreux. » Il a émis de sérieux doutes quant à l’importance du seul avantage constaté par l’USPSTF, à savoir que les multivitamines étaient associées à une réduction relative de 7 % de l’incidence du cancer. Le Dr Wilson explique que « les risques relatifs ont vraiment tendance à surestimer l’ampleur de l’effet. En termes absolus, les multivitamines ont réduit l’incidence du cancer d’environ 0,2 %. Cela signifie qu’il faudrait traiter 500 personnes avec une multivitamine pour éviter 1 cas de cancer. » [4]
Vitamine C : des données décevantes dans le choc septique
Selon un article publié dans le New England Journal of Medicine, les patients en choc septique ayant reçu des perfusions de vitamine C étaient plus nombreux à décéder ou à souffrir d’une défaillance d’organe plus sévère que ceux ayant reçu un placebo. Ces résultats proviennent de l’étude LOVIT [5], un essai randomisé contrôlé par placebo mené auprès de 863 patients au Canada, en Nouvelle-Zélande, en France et dans d’autres pays.
Dans l’étude, 872 patients ont été randomisés à recevoir une perfusion de vitamine C toutes les 6 heures pendant 4 jours (n = 435) ou un placebo (n = 437). Au bout de 28 jours, 191 de 429 patients (44,5 %) du groupe vitamine C étaient décédés ou présentaient un dysfonctionnement persistant des organes, contre 167 de 434 (38,5 %) du groupe placebo. Cela correspond à un effet thérapeutique de 1,21 (p = 0,01). « Il s’agit d’un résultat inattendu et les analyses secondaires (qui comprenaient l’évaluation de 5 biomarqueurs de la dysoxie tissulaire, de l’inflammation et des lésions endothéliales mesurés jusqu’au 7e jour) n’ont pas permis de déterminer le mécanisme établi d’effets néfastes », ont expliqué les chercheurs, dirigés par le Pr François Lamontagne (Université de Sherbrooke, Québec) et le Pr Neill Adikhari (Université de Toronto, Ontario).
Carences en vitamine D
Pourtant, l’effet des carences vitaminique reste important. On a récemment découvert que la carence en vitamine D augmentait le risque de fausse couche de façon considérable. Dans une analyse de 10 études [6], les femmes qui présentaient une carence en vitamine D (< 50 nmol/L) avaient un risque de fausse couche presque deux fois plus élevé que celles qui avaient un taux de vitamine D adéquat (> 75 nmol/L ; OR 1,94 ; IC à 95 %, 1,25 à 3,02). Un faible taux de vitamine D a également été récemment associé à une prévalence plus élevée d’ulcères du pied diabétique chez les patients âgés dans une étude préliminaire préprint. [7]
D’autre part, pour rappel, la supplémentation en vitamine D s’est avérée inefficace pour réduire le risque de développer un diabète de type 2 dans la population générale atteinte de prédiabète. Les nouvelles conclusions proviennent de l'essai prospectif DPVD [Diabetes Prevention with active Vitamin D] mené auprès de plus de 1 200 participants japonais présentant une intolérance au glucose. [8] Le traitement par 0,75 μg/j d’eldécalcitol, un analogue actif de la vitamine D, pendant 3 ans, n’a pas empêché la progression du prédiabète vers le diabète de type 2, ni amélioré le taux de régression vers la normoglycémie par rapport au placebo.
Vers des mesures de prévention basées sur des preuves
Près de 60 % de la population américaine (et 46 % des Français) consomme une forme de complément alimentaire, souvent pour la prévention des maladies cardiovasculaires. Pour les éditorialistes qui ont commenté le rapport de l’USPSTF [3], ces données confirment que la meilleure stratégie n’est pas de se concentrer sur les suppléments vitaminiques mais plutôt de renforcer les mesures à faible risque et à fort bénéfice comme une alimentation saine, l’exercice physique régulier, le maintien d’un poids santé et l’abstinence tabagique.
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Citer cet article: Dans l’Actu : inefficacité des suppléments vitaminiques - Medscape - 8 juil 2022.
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