France – « L'obésité est malheureusement une maladie plus complexe qu'un nombre sur une balance ». Si simple soit-elle, cette phrase empruntée à la Pre Martine Laville pourrait résumer l'esprit des nouvelles recommandations sur la prise en charge de l'obésité de la Haute Autorité de Santé[1].
Publiées en juin, plus de dix ans après les dernières – une décennie au cours de laquelle la prévalence de l'obésité à augmenter de 13 % et même de 66 % pour les formes les plus sévères –, celles-ci mettent en avant la prise en compte de nombreux critères afin de bien « caractériser la situation d'obésité », en particulier les situations d'obésité de niveau 2 et 3 et de proposer une gradation des soins adaptée.
Cette première partie des recommandations, consacrée à la prise en charge médicale, sera complétée par une deuxième sur la prise en charge chirurgicale attendue courant 2023.
« L’objectif de la prise en charge de l’obésité ne se résume pas à un objectif pondéral, mais concerne aussi l’amélioration des comorbidités, des facteurs de risque, de la qualité de vie et de la mobilité ».
La recommandation 29 « reflète bien l'état d'esprit du groupe de travail », indique le Pr Simon Msika (chirurgien digestif, hôpital Bichat, Paris), ancien président de la Société française et francophone de chirurgie de l'obésité et des maladies métaboliques (SOFFCOMM), qui a participé au groupe de travail de la HAS. C'est l'évolution de la conception de la maladie qui constitue un changement majeur plus que les recommandations en elles-mêmes. « L'accent a été mis sur les conséquences pour la santé de l'obésité », poursuit-il.
Phénotypage de l'obésité
Aussi les experts ont catégorisé les patients selon différents critères au-delà de celui du poids. « La gradation des soins est établie selon différents niveaux prenant en compte les paramètres suivants : l’indice de masse corporelle (IMC), le tour de taille, le niveau de sévérité des pathologies associées, le retentissement fonctionnel, le contexte psychopathologique, l’existence d’un handicap, le comportement alimentaire, le retentissement sur la qualité de vie personnelle ou professionnelle », détaille la première recommandation.
« Avec l'expérience acquise, on a appris à mieux saisir l'importance des comorbidités et le fait d'avoir une comorbidité isolée ou plusieurs », indique Simon Msika. Il poursuit « par exemple, on s'est rendu compte qu'isolée, la pathologie lipidique n'avait pas l'importance qu'on lui accordait jusque-là ». La HAS recommande la recherche et l'évaluation systématiques des comorbidités telles que l'HTA, le diabète de type 2, les troubles du sommeil, la stéatopathie métabolique systématique ou encore l'arthrose et la gonarthrose.
En établissant avec précision des profils différents d'obésité, les experts ont clarifié la dynamique de prise en charge et notamment les niveaux de recours 2 et 3.
« Concernant le niveau 1, le patient ne voit en fait même pas le médecin généraliste pour son obésité puisqu'il n'en souffre pas encore ni physiquement ni moralement », commente le Pr Simon Msika, interrogé par Medscape édition française.
« Ce document qui met bien en évidence les différents niveaux de soins permet de sensibiliser les médecins généralistes », considère la Pr Martine Laville (spécialiste en nutrition, responsable du centre intégré de l’obésité des Hospices Civils de Lyon) qui perçoit un message tout à fait positif.
« Quand ce qui est mis en place résiste, il ne faut pas se décourager et passer au niveau supérieur de prise en charge », explique-t-elle à Medscape édition française.
Le niveau 2 fait intervenir les médecins spécialistes de l'obésité, lesquels risquent d'être en nombre insuffisant dans un avenir proche étant donné l'augmentation des chiffres de l'obésité, qui touche déjà 8,5 millions de Français.
Au 3ème niveau de recours, pour les formes les plus sévères d'obésité, les patients sont orientés vers les Centres spécialisés de l'obésité (CSO) et les centres hospitaliers universitaires (CHU). « C'est une chance d'avoir eu le Plan Obésité qui a créé ces 37 CSO dont la mission est aussi de faire un maillage territorial de libéraux compétents et de former les médecins généralistes et les professionnels paramédicaux », glisse Martine Laville.
Quelle prise en charge ?
La perte de poids reste un objectif mais n'est ni le seul ni l'unique. La HAS préconise une réduction modérée et personnalisée des apports énergétiques pour obtenir une perte de poids durable. Elle recommande un changement du comportement alimentaire régulé par les signaux internes de faim, de rassasiement ou de satiété. Elle déconseille clairement les régimes trop restrictifs.
« Le groupe de travail a jugé que la mobilité était capitale et c'est très bien documenté », rappelle le Pr Msika. Il s'agit de pratiquer de façon hebdomadaire, en plus du renforcement musculaire, 2h30 à 3h d'activité physique modérée, correspondant à un effort de 5-6 sur une échelle de 0 à 10 en termes de souffle, ou bien 1h15 à 2h30 d'activité physique plus intense correspondant à un effort de 7-8 sur une échelle de 0 à 10 en termes de souffle, ou une combinaison équivalente d'activités modérées et intensives.
Les deux dernières recommandations (R41 et R42) mettent en avant, pour la première fois, la prise en charge médicamenteuse de l'obésité. « Il y a beaucoup d'attente et les premiers résultats sont encourageants, sans effet indésirable grave » explique le Pr Msika.
Pour Martine Laville, « l'ouverture sur les médicaments est très importante ». « Nous avons actuellement un médicament, le liraglutide, dans l'obésité avérée. Mais il n'est pas remboursé », indique-t-elle. Un autre médicament, le semaglutide, a une ATU.
Si les médicaments entrent en effet dans la stratégie thérapeutique, les experts auront à répondre à la question de savoir où les placer par rapport à la chirurgie... A suivre.
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Citer cet article: Nouvelles recos HAS dans l'obésité de l'adulte - Medscape - 7 juil 2022.
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