France — A peine nommé directeur général, Nicolas Revel s’est adressé aux 100 000 salariés de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) puis à la commission médicale d’établissement (CME)[1]. Le successeur de Martin Hirsch leur a promis de rétablir le dialogue social et de tout faire pour réduire les tensions en matière d’emploi, améliorer les conditions de travail et… renforcer la prise en charge des patients.
Travailler mieux
« Agir pour nous mettre en situation de travailler mieux, dans de meilleures conditions, au service de nos patients. » Beaucoup est résumé dans cette phrase extraite du courriel adressé mardi 5 juillet aux 100 000 salariés de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris par son nouveau directeur, Nicolas Revel. A peine nommé en Conseil des ministres, la veille, l’ex-directeur de cabinet de Jean Castex à Matignon, a tenu à passer un message fort aux équipes du plus grand groupe hospitalier français.
La tâche s’annonce rude pour Nicolas Revel, 56 ans, successeur de Martin Hirsch , qui a été pendant neuf ans à la tête de l’AP-HP. L’ancien directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (2014 – 2020) devient en effet le pilote d’un hôpital confronté à une crise sans précédent, exacerbée par l’épidémie de Covid des deux dernières années.
Ni certitudes, ni idées préconçues
Etablissements lourdement endettés, confrontés à une fuite massive des personnels soignants et à des fermetures de lits depuis près d’un an, services d’urgence saturés : les défis ne manquent pas pour l’énarque.
Débarquant à la tête d’un établissement considéré par beaucoup comme un paquebot particulièrement difficile à manœuvrer, Nicolas Revel fait preuve, pour l’heure d’une grande humilité. « Je n’arrive pas parmi vous bardé de certitudes et d’idées préconçues, affirme-t-il en préambule. […] Ma première démarche sera donc de vous écouter pour comprendre vos difficultés, connaître vos espoirs, recueillir vos idées, et tout faire pour y répondre de la manière la plus rapide et concrète possible. »
Le patron de l’AP-HP promet « l’écoute, la confiance, l’esprit collectif, […] le respect des compétences » et s’engage à renouer le dialogue social avec les organisations professionnelles. Il annonce qu’il rencontrera les syndicats dans les tout prochains jour, après s’être exprimé mardi après-midi devant les membres de la Commission médicale d’établissement (CME).
Redonner du sens aux métiers
Réputé habile négociateur avec une fibre sociale, Nicolas Revel ne cache pas les difficultés auxquelles l’AP-HP doit faire face, notamment « la fatigue et le sentiment de découragement » des équipes : « ce sentiment d’une perte de sens, d’une dégradation des conditions de travail, d’une perte d’attractivité est réel et largement partagé ».
Le nouveau DG se fixe comme première priorité de « réduire les tensions qui se sont accentuées depuis un an en matière d’emploi », notamment paramédicales. « Il en va de notre capacité à prendre en charge tous nos patients comme nous le devons », poursuit-il, appelant à une « exigence de résultats ».
Il évoque la nécessité de revoir les organisations pour « plus de fluidité, de réactivité, de délégation, de capacité d’innover et d’expérimenter »…
Dans son courriel, Nicolas Revel ne mentionne que de manière sibylline les moyens financiers. Or, l‘une des principales questions sera de savoir si l’AP-HP disposera de moyens supplémentaires pour s’attaquer aux chantiers qui l’attendent.
Et si l’ex-secrétaire général adjoint de l’Élysée, qui fut en tandem avec Emmanuel Macron avec qui il entretient d’excellentes relations (au contraire de Martin Hirsch), saura gagner les arbitrages financiers le moment venu.
Le DG aura-il les moyens de ses ambitions ?
« Nous voulons des moyens suffisants, a clamé le Pr Bernard Granger, président de l’Intersyndicat des médecins, chirurgiens, biologistes et spécialistes des Hôpitaux de Paris, lors de la CME. Nous n’avons pas approuvé un seul plan global de financement pluriannuel (PGFP) pendant cette mandature, et les deux précédentes, c’est-à-dire depuis plus de dix ans. […] Il est indispensable qu’auprès des malades les soignants soient en nombre suffisant et qu’ils soient rémunérés à la hauteur de leur dévouement et de leurs compétences. »
Le psychiatre, qui avait fait partie des praticiens de l’AP-HP reçus à l’Elysée quelques jours avant Noël dernier pour réclamer un plan de sauvetage de l’hôpital public, espère aussi « une organisation interne plus simple, […] pour lutter contre le mille-feuilles administratif et la lenteur des processus de décision » et des « délégations au plus près du terrain selon un principe de subsidiarité les décisions ». A l’issue de cette première rencontre avec le nouveau DG, le Pr Granger retenait l’évocation d’une « politique des petits pas » et de la volonté de renforcer les « délégations ».
Un diplomate
La décision de nommer Nicolas Revel en lieu et place de Martin Hirsch est unanimement salué par les médecins interrogés.
« C’est un bon choix, Il coche toutes les cases, estime le Dr Claude Pigement, ex responsable santé du PS. C’est un type intelligent, diplomate, qui connaît bien l’appareil d’Etat, l’Elysée et Matignon. Il aurait refusé le ministère de la Santé pour accepter l’AP-HP. Peut-être est-il attiré par le challenge et qu’il veut montrer qu’il peut résoudre la situation de l’AP mais le pourra-t-il ? Aura-t-il les moyens ? Le challenge est immense. »
Un médecin syndicaliste qui l’a côtoyé plusieurs années reconnaît qu’« il a laissé de bons souvenirs aux professionnels de santé ». « Il a des qualités personnelles indéniables, une faculté à s’approprier les dossiers, une grande écoute et un sens du dialogue », affirme le Dr Jacques Battistoni, ex-président de MG France qui a négocié la convention médicale de 2016 avec lui. « Pour autant, reprendre l’AP-HP est un choix courageux, car l’AP compte beaucoup de personnalités, de chefs de service, de syndicats, ou le collectif inter-hôpitaux, autant d’acteurs avec lesquels il n’est pas toujours facile de traiter. »
Les hospitaliers veulent croire à un nouveau dialogue social après neuf années de relations qui s’étaient considérablement tendues avec Martin Hirsch. « Nous subissons une politique de réduction des masses salariales depuis plusieurs années, nous espérons que Nicolas Revel y mettra fin pour restaurer l’attractivité de l’AP-HP, indique le Dr Eric Le Bihan, anesthésiste-réanimateur à Beaujon et vice-président du SNPHARE. Nous avons des espoirs mais nous sommes vigilants et nous jugerons sur pièces. »
Nicolas Revel sait l’ampleur de la tâche qui l’attend et ne s’y trompe pas. « Soyons lucides, tout ne se réglera pas en un jour », soulignait-il dans le courriel adressé mardi matin à ses nouveaux collaborateurs.
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Crédit image de Une : Capture d’écran YouTube
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Citer cet article: Nicolas Revel, nouveau DG de l’AP-HP, veut lui redonner de l’attractivité et améliorer les conditions de travail - Medscape - 7 juil 2022.
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