Permanence des soins : le ras-le-bol

Jacques Cofard

6 juillet 2022

France — L'intersyndicale Action praticiens hôpital a lancé une vaste enquête sur la permanence des soins auprès des praticiens hospitaliers. Elle montre que 75% des répondants comptent quitter l'hôpital ces cinq prochaines années, du fait de la permanence des soins.

Fortes tensions

Voilà un rapport qui devrait compléter à merveille les 41 propositions du désormais ministre de la Santé, le Dr François Braun, visant à donner un coup de fouet aux services d'accès aux urgences (SAU). Le rapport "Nuit blanches" de l'intersyndicale Action praticiens hôpital (auquel appartient le syndicat SUdF dont le Dr Braun est le président), est un état des lieux extrêmement détaillé de l'état de la permanence des soins en établissements de santé auxquels sont particulièrement soumis les services d'urgence [1].

Action praticiens hôpital a décidé de se pencher sur la question, car depuis « 2019, des tensions se font particulièrement sentir dans les spécialités « à forte contrainte de permanence des soins ». Malgré des mouvements spécifiques aux urgences (juin 2019, naissance du « Collectif Inter-Urgence ») ou plus larges (mobilisation historique en novembre 2019 « Sauvons l’hôpital public »), et en dépit de la demande incessante de certains syndicats médicaux professionnels, relayés par Action Praticiens Hôpital, de traiter de la permanence des soins, ce chantier n’a toujours pas été ouvert ».

75% des répondants comptent quitter l'hôpital ces cinq prochaines années, du fait de la permanence des soins.

7401 réponses

Pour ce faire, l'intersyndicale de praticiens hospitaliers a lancé une grande enquête auprès des PH du 13 au 27 juin 2022. Sans surprise, ce sont les praticiens fortement soumis aux contraintes de la permanence des soins qui ont répondu massivement à cette enquête, soit les urgentistes, les anesthésistes-réanimateurs, les pédiatres. En tout et pour tout, sur 41 500 praticiens hospitaliers, APH a réussi à recueillir quelque 7401 réponses.

Un constat s'impose d'emblée : la permanence des soins, qui se concrétise principalement par des journées de garde et d'astreinte imposées, est vécue comme une corvée par près de la moitié des répondants, soit 40%, tandis que 47% d'entre eux souhaitent en faire beaucoup moins. C'est un tel fardeau que 75% des répondants ont déclaré vouloir quitter l'hôpital public pour s'installer en libéral, ou changer de métier.

La permanence des soins est vécue comme une corvée par près de la moitié des répondants, soit 40%, tandis que 47% d'entre eux souhaitent en faire beaucoup moins.

Manque de récupération

Ce désaveu de la permanence des soins est légitimé par les répondants tout le long de ce questionnaire. Le travail est jugé intéressant par seulement 37% des praticiens. À ce manque d'intérêt s'ajoute une pénibilité qui entraîne des problèmes de santé : « Le taux de troubles du sommeil est important chez les praticiens qui prennent des gardes et des astreintes. 14 % des praticiens prennent des substances psychotropes – médicaments et/ou stupéfiants – pour réguler leurs périodes de veille / sommeil. »

Si seulement la législation était respectée, qui permettrait aux PH de pouvoir récupérer après gardes et astreintes, la PDS ne serait peut-être pas autant rejetée. Mais ce n'est pas le cas. Ainsi, à la suite de déplacements occasionnés par des astreintes, « la réglementation prévoit un repos de sécurité de 11 heures après la fin du dernier déplacement. En pratique, cette réglementation n’est appliquée que pour 10 % des praticiens ». Qui plus est, les compensations financières sont inversement proportionnelles à la pénibilité de la PDS. Action praticiens hôpital déplore par exemple l'absence de rémunération pour l'exercice multisite (pratiqué par les 20% des répondants) chez la moitié des praticiens.

Temps de travail additionnel décompté de manière inégale

Le temps de travail additionnel est décompté de manière inégale selon les établissements, et il est « rémunéré en dessous de la rémunération de base de la plupart des praticiens, et bien en dessous des tarifs légaux de l’intérim ». Bref, la permanence des soins est un épouvantail qui fait fuir les médecins.

Revaloriser

Quelles sont les solutions qui permettraient de juguler cet exode hospitalier ? Action praticien hôpital préconise de revaloriser, dans un premier temps, gardes et astreintes. Concernant les astreintes, APH demande un plafond de 400 euros nets. Quant aux gardes, l'intersyndicale réclame une indemnité de sujétion de 600 euros nets, quel que soit le statut du praticien. En matière de salaire proprement dit, APH souhaite une rémunération de début de carrière à 6000 euros nets, et en fin de carrière à 11 000 euros nets.

 

Quel est le profil des PH soumis à la permanence des soins ?

En majorité, les répondants à cette enquête sont des femmes (55%), et la moitié d'entre eux ont moins de 45 ans. Ils sont majoritairement praticiens hospitaliers à temps plein (80%). 96% des répondants sont soumis à la PDS : 42% prennent uniquement des gardes, 22% des astreintes, et 36% des gardes et astreintes.

La médiane du nombre de gardes mensuelles est de 4 gardes par mois, tout comme la médiane du nombre d'astreintes mensuelles. Il est à noter que 40% des PH font plus de trois gardes par semaine, alors même que la réglementation stipule qu'on « ne peut obliger un praticien à faire plus de trois gardes par semaine ».


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