La Nouvelle-Orléans, Etats-Unis – Lors d’un mini-symposium présenté lors des 82e sessions scientifiques de l’Association américaine du diabète (American Diabetes Association, ADA), Maureen Chomko, diététicienne, spécialiste en soins et en éducation sur le diabète, et Alison Evert, titulaire d’un master en sciences, diététicienne nutritionniste, spécialiste en soins et en éducation sur le diabète, abordent cinq controverses clés concernant la nutrition chez les patients diabétiques.
Fréquence des repas et des collations
Les recommandations alimentaires soulignent souvent l’importance de la planification individuelle des repas mais il existe très peu de recherches ou de consensus sur la fréquence des repas et des collations. Les effets de la fréquence des repas sur la santé générale et la gestion du glucose restent mal compris.
Chez les patients atteints d’un diabète de type 2 (DT2), trois repas plus trois collations par jour pourraient apporter des calories inutiles, et la prise de repas fréquente pourrait entraîner une hyperglycémie chronique. D’autre part, la prise de repas copieux mais peu fréquents pourrait entraîner des fluctuations importantes du taux de glucose. Chez les patients atteints d’un diabète de type 1, le fait de prendre des repas réguliers, légers mais fréquents, et d’éviter de prendre des collations supplémentaires pourrait aider la gestion du glucose.
Mme Chomko affirme que sauter le petit déjeuner et prendre des dîners copieux tard le soir sont des habitudes néfastes qui peuvent augmenter le risque cardiovasculaire et cardiométabolique. Bien qu’il y ait un intérêt croissant pour les modes d’alimentation comportant une restriction de temps, tels que le jeûne intermittent, nous avons besoin de données probantes plus rigoureuses sur leur efficacité, leurs mécanismes et leur durabilité.
Macronutriments
Les données d’évaluation de l’alimentation aux États-Unis montrent qu’environ 50 % des calories proviennent des glucides, qu’environ 16 % proviennent des protéines et qu’environ 33 % proviennent des graisses. Jusqu’à 42 % de l’apport en glucides continue de provenir de glucides de mauvaise qualité.
Des revues systématiques de grande envergure menées en 2012 par l’ADA et menées en 2017 par l’Académie de nutrition et de diététique (Academy of Nutrition and Dietetics) n’ont pas trouvé de combinaison optimale de glucides, de lipides et de protéines pour les patients diabétiques.
Le rapport de consensus de l’ADA sur la nutrition suggère que la répartition des macronutriments doit être basée sur une évaluation individualisée des habitudes alimentaires, des préférences et des objectifs métaboliques. L’individualisation de la composition en macronutriments dépendra de l’état de santé et des objectifs métaboliques des patients diabétiques. Mme Chomko recommande d’utiliser une approche faisant intervenir une « prise de décision partagée » avec un patient éduqué et informé.
Fibres et glucides nets
Les glucides nets désignent grosso modo la soustraction des glucides qui ne sont pas digérés par l’organisme ou qui sont digérés mais non transformés en glucose. Les alcools et fibres alimentaires sont les principaux exemples de ces glucides.
Il n’en demeure cependant pas moins que toutes les fibres ne se valent pas. Nous savons que les fibres insolubles n’apportent aucune calorie ; toutefois, on ne sait pas exactement quelle quantité de glucides et de calories est obtenue à partir des fibres solubles digérées. La plupart des étiquettes sur les produits alimentaires n’indiquent pas la répartition des fibres solubles et insolubles. De même, tous les alcools sucrés ne se valent pas. Malgré les allégations des fabricants de produits alimentaires, les alcools de sucre affectent la réponse postprandiale du glucose sanguin.
Ainsi, l’hypothèse selon laquelle il est possible de facilement prédire la réponse du glucose sanguin pour l’ensemble des fibres et des alcools de sucre et qu’elle aura un effet similaire sur tous les individus n’est pas vraie.
Mme Evert recommande aux patients qui suivent un régime et pratiquent une activité physique et/ou ayant recours à des thérapies non insuliniques d’arrêter la pratique consistant à supprimer des fibres et de chercher des occasions d’en consommer davantage. Les patients utilisant de l’insuline doivent utiliser les grammes totaux de glucides et surveiller le glucose prépandial et postprandial lorsqu’ils consomment des aliments riches en fibres ou des alcools de sucre.
Il est important que les cliniciens informent les patients des effets glycémiques des alcools de sucre et surveillent les effets gastro-intestinaux qu’ils provoquent, tels que la diarrhée osmotique.
Édulcorants artificiels
La première mise en garde concernant les édulcorants artificiels est qu’ils diffèrent s’agissant de l’absorption, de la distribution, du métabolisme et de l’excrétion.
La deuxième mise en garde concernant les édulcorants artificiels est qu’ils ne sont pas consommés de manière isolée. Les sodas light et les desserts sans sucre excessifs peuvent comporter de nombreux édulcorants artificiels. En outre, les édulcorants artificiels sont de plus en plus présents dans nos produits ménagers, par exemple dans le dentifrice.
La troisième mise en garde concernant les édulcorants artificiels est qu’il est difficile d’isoler les effets de chaque édulcorant artificiel dans le cadre des régimes alimentaires, des contextes et des environnements propres à chaque individu qui sont complexes.
Une méta-analyse d’essais contrôlés randomisés n’a révélé aucun effet significatif des édulcorants artificiels sur l’indice de masse corporelle (IMC), ce qui suggère qu’ils ne présentent aucun avantage en matière de perte de poids. Au contraire, une méta-analyse d’études de cohorte a révélé une légère augmentation de l’IMC, ce qui suggère un risque de prise de poids modeste à long terme avec les édulcorants artificiels. L’analyse des études de cohorte a également révélé des risques accrus d’hypertension, de syndrome métabolique, de DT2 et d’événements cardiovasculaires associés à l’utilisation d’édulcorants artificiels.
En conclusion, les édulcorants artificiels peuvent avoir des effets indésirables potentiels, mais leurs mécanismes sous-jacents ne sont pas clairement connus, et les effets indésirables peuvent contrebalancer les avantages potentiels apportés par ces édulcorants.
Sécurité des régimes pauvres en glucides/cétogènes
Un régime très pauvre en glucides/cétogènes (RTPGC) comprend des quantités élevées de graisses (50 à 80 % des calories), un apport modéré en protéines et un apport faible mais irrégulier en glucides (10 à 26 % de l’apport énergétique total).
Pour les patients diabétiques ayant des antécédents familiaux ou une dyslipidémie ou maladie cardiovasculaire connue, il est essentiel d’obtenir un bilan lipidique de référence avant de commencer un RTPGC, puis de procéder à des évaluations lipidiques de suivi 4 à 12 semaines plus tard pour s’assurer qu’il n’y a pas d’augmentation significative du cholestérol à lipoprotéines de basse densité.
Pour les patients utilisant de l’insuline et des sulfonylurées, une réduction de la dose est recommandée pour prévenir l’hypoglycémie lors de la mise en place d’un RTPGC. Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 ne doivent pas être utilisés pendant un RTPGC en raison du risque d’acidocétose diabétique euglycémique. L’hypovolémie est un problème avec un RTPGC chez les patients utilisant des diurétiques ; il est donc important de s’assurer qu’ils consomment suffisamment de sodium et de potassium.
Les autres problèmes de sécurité potentiels associés à un RTPGC comprennent les risques de calculs rénaux, d’ostéoporose, de constipation, d’hypothyroïdie et de troubles de l’alimentation. En outre, il est à craindre qu’un RTPGC ait des effets négatifs sur la composition de la microflore intestinale.
En conclusion, Mme Evert affirme qu’un RTPGC peut être sûr à court terme pour la plupart des diabétiques, avec des ajustements des médicaments et une surveillance régulière par des examens de laboratoire. La sécurité d’emploi à long terme d’un RTPGC doit être étudiée de façon plus approfondie.
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Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape.
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Citer cet article: Cinq controverses sur la nutrition chez les patients diabétiques - Medscape - 4 juil 2022.
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