France— Près de 40 % des adultes seraient myopes actuellement en France et les spécialistes estiment qu’en 2050, 60 % pourraient être touchés. L’Institut d’éducation médicale et de prévention (IEMP) lance une campagne pour sensibiliser les Français à ce trouble de la vision encore largement méconnu.
Omniprésence des écrans et manque de lumière du jour
« La myopie est une épidémie mondiale. Il y a 2,5 milliards de myopes dans le monde et si rien n’est fait, il y en aura 5 milliards en 2050 », alerte le Dr Thierry Bour, président du syndicat national des ophtalmologistes de France. En France, la prévalence de la myopie était de 15 % en 1950 et elle atteint 40 % maintenant. « Dans certaines régions d’Asie, 90 % d’adultes jeunes sont touchés », souligne le Dr Bour.
La myopie progresse sous l’effet de plusieurs facteurs : les facteurs environnementaux comme l’omniprésence des écrans, les études longues, le travail de près et le manque de lumière du jour se conjuguent aux facteurs génétiques : un enfant a un risque de myopie multiplié par deux si l’un de ses parents est myope et par 3 à 8 si ses deux parents le sont.
Or, la myopie entraîne un sur-risque de glaucome, de cataracte ou de décollement de la rétine. « Il faut agir vite pour freiner l’épidémie et des moyens existent : lunettes, lentilles, collyres. On peut aussi encourager la prévention, notamment par une exposition accrue à la lumière du jour », détaille le Dr Bour.
Méconnaissance de la maladie
Une enquête IPSOS réalisée en avril 2022 auprès de 3601 participants, a montré que 43 % des répondants se disent atteints de myopie. Mais un sur deux ne donne pas une bonne définition de ce trouble visuel. Les signes permettant de suspecter une myopie comme un enfant qui cligne excessivement des yeux, qui a souvent des maux de tête ou une fatigue oculaire ou qui écrit très petit, sont également méconnus par la plupart des parents. L’institut relève également une méconnaissance des facteurs de risque de la myopie, comme le temps consacré à la lecture par jour, une faible exposition à lumière du soleil, ou encore l’hérédité.
Seulement 23 % des personnes interrogées savent que plus un enfant passe de temps en extérieur, plus il diminue le risque de myopie. Par conséquent, ils ne savent pas que pour éviter de devenir myope, il faut avoir un éclairage suffisant pour pratiquer une activité sur écran, limiter le temps passé sur les activités de près et passer au moins 1 heure en extérieur par jour. Selon l’enquête, les enfants de 3 à 6 ans passent 3h29 par jour devant les écrans, les 11-13 ans y passent 6h54 et les 13-17 ans atteignent 7h28.
Par ailleurs, le dépistage est largement perfectible. Un tiers des personnes interrogées ne savent pas qu’il faut dépister au plus tôt la myopie, même si deux tiers sont conscients qu’il est recommandé de consulter un ophtalmologiste avant l’entrée au CP.
L’enquête souligne aussi que les informations sont encore insuffisantes sur les risques de complications de la myopie. 8 personnes interrogées sur 10 ne savent pas que plus la myopie démarre tôt, plus elle évolue vite et qu’elle peut entraîner des complications pouvant aller jusqu’à la cécité. Cette méconnaissance est également relevée chez les myopes eux-mêmes, qui sont seulement un tiers à avoir reçu de l’information sur les risques associés à l’évolution de leur myopie. Enfin, 9 personnes interrogées sur 10 ne savent pas que la chirurgie réfractive ne permet pas d’éviter des complications liées à la myopie. Les solutions de freination de la myopie sont encore peu connues et 61 % des personnes interrogées pensent qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour la freiner.
Des mesures de prévention et de freination à mettre en œuvre
Pour la Pr Dominique Bremond-Gignac, cheffe de service d'ophtalmologie de l'Hôpital Universitaire Necker-Enfants malades, « il faut prendre diverses mesures pour freiner la myopie chez l’enfant. D’abord des actions de prévention, comme proscrire les écrans, privilégier des activités en extérieur, diminuer le temps de vision de près et se coucher tôt. Il existe aussi des actions de freination possibles comme des lunettes avec verres correcteurs défocalisants, des lentilles de contact souples défocalisantes, ou encore des lentilles rigides d’orthokératologie à porter la nuit. L’atropine microdosée à raison d’une goutte par jour est très efficace », souligne-t-elle.
Campagne nationale d’information et de dépistage
Pour sensibiliser les Français à ce trouble de la vision, l’Institut d’éducation médicale et de prévention (IEMP) vient de lancer une campagne nationale d’information et de dépistage de la myopie.
« Nous avons quatre objectifs, explique le Dr Bruno Assouly, directeur de l’IEMP : sensibiliser l’opinion sur les risques liés à la myopie, favoriser le dépistage précoce des patients à risque, inciter les patients souffrant de myopie forte à se faire suivre régulièrement, mobiliser les professionnels de santé, ophtalmologistes et pédiatres, pour promouvoir une meilleure connaissance de la myopie ». Un site internet www.ensemblecontrelamyopie.fr a été mis en ligne, avec notamment un simulateur de myopie et un questionnaire pour les parents. Un accès dédié est réservé aux médecins avec des dossiers thématiques et des cas cliniques. Par ailleurs, du 21 au 25 novembre, aura lieu la première édition des journées nationales d’information et de dépistage de la myopie. Elles permettront aux Français de s’informer sur la myopie et aux patients à risque de bénéficier d’un examen de dépistage de l’un des centres partenaires. « Nous appellerons à une mobilisation des ophtalmologistes et des pédiatres sur ces journées. Ils pourront s’inscrire sur notre site et apparaîtront sur une carte », indique le Dr Assouly. Cet événement devrait ensuite être reconduit chaque année.
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Crédit image de Une : BSIP
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Citer cet article: La myopie, une épidémie silencieuse qui gagne du terrain - Medscape - 4 juil 2022.
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