Cette 8e vague de COVID-19, avec un nouveau variant Omicron, comporte de nouvelles spécificités : contagiosité, tropisme, symptomatologie, COVID-long… Le Dr Colas Tcherakian, pneumologue à l’hôpital Foch, explique l’évolution de la maladie et surtout met en garde les patients asthmatiques qui constituent désormais une population bien plus à risque.
TRANSCRIPTION
Bonjour à tous, je suis Colas Tcherakian, pneumologue à l’hôpital Foch et je suis ravi de vous retrouver sur Medscape pour discuter de cette 8e vague qui est très clairement, à l’heure où je vous parle, en train de s’installer, aujourd’hui plutôt avec du variant BA.5. Et la question est : ce BA.5, est-il, comme ses frères et confrères précédents, un Omicron « pas méchant » qui va donner surtout une vague de ville, ou a-t-il des spécificités particulières ? Est-ce qu’il y a des populations particulières qui sont plus à risque ou avec une évolution différente de la maladie ?
Pour être franc, cette 8e vague qui est en train de s’installer, n’a pour l’instant pas trop de retentissements hospitaliers. On y retrouve toujours les mêmes caractéristiques de population à l’hôpital : les immunodéprimés, et quoiqu’on fasse, on a souvent des problèmes pour arriver à avoir une bonne protection vaccinale. Donc c’est vrai qu’on a un biais de recrutement, mais on a ces patients et quelques égarés qui n’ont pas été vaccinés, qui n’avaient pas encore été pré-protégés par l’infection préalable. Mais globalement, il est vrai que pour l’instant ce n’est pas un problème.
Contagiosité et tropisme
Cet Omicron a quand même beaucoup modifié la donne, il est différent de ses prédécesseurs en particulier par son tropisme, plutôt bronchique que pulmonaire. Il a de très nombreuses mutations qui rendent les anticorps qu’on avait développés contre le virus initial moins efficaces. Et puis, surtout, le taux d’infectiosité de chaque vague successive a été l’occasion de voir surgir un variant à chaque fois.
Sur ce dernier Omicron, le risque infectieux s’est encore multiplié et alors qu’originalement une personne en contaminait deux à trois avec le virus original ― et ensuite celui qui s’est répandu en Europe, le D614G ― une personne en contamine 8 à 12 ! Aujourd’hui, on a une contamination d’une personne pour 20 personnes autour d’elle, on a un niveau de contagiosité qui n’avait jamais été atteint, qui a dépassé celui de la rougeole. Donc on a affaire à une maladie extrêmement contagieuse. Probablement parce que le tropisme est dans les voies aériennes bronchiques, avec une charge virale exhalée plus importante.
Incubation et symptomatologie
Il y a aussi un vrai changement de symptomatologie. Souvenez-vous, au début de Delta et des autres virus précédents, ce qui a permis la grande expansion de ce virus est que vous contaminiez quasiment la moitié des gens que vous alliez contaminer avant d’avoir des symptômes. L’incubation avant les symptômes était associée à une infectiosité qui précédait la sortie des symptômes. Donc quand vous étiez malade, vous aviez déjà infecté des gens autour de vous. Cela a changé avec Omicron, l’incubation s’est raccourcie – deux à trois jours – et la contagiosité arrive en même temps que les symptômes. C’est quelque chose qu’on a appris avec le temps. Et les symptômes sont moins sévères. Aujourd’hui, on a 93%-95% de BA.5. Que peut-on retenir comme manifestation clinique et quelles sont les variantes par rapport au Delta ?
Très clairement, le BA.5 garde quand même le corps d’Omicron qui est chez les vaccinés… Omicron n’est pas un rhume, c’est une maladie paucisymptomatique chez les vaccinés et au moins les doubles-vaccinés, mais il est capable, évidemment, de tuer quand on n’est pas vacciné avec un taux de mortalité qui est plus faible, il est vrai, que les autres formes de COVID, mais qui reste inacceptable, aujourd’hui. Donc chez les vaccinés, on a vu un certain nombre de choses arriver : une dépendance moindre de l’oxygène, des patients qui ne passaient plus en réanimation, mais qui passaient en salle. Et puis chez les triples vaccinés, on a même vu, avec beaucoup de bonheur chez les hospitaliers, disparaître les hospitalisations avec des gens qui, cette fois-ci, étaient plutôt en ville. Donc les doubles vaccinés hospitalisés en salle, les triples vaccinés beaucoup moins hospitalisés – on peut retenir que cela, ça fonctionne pas mal.
Et puis on a vu apparaître un certain nombre de symptômes différents. Ici, on voit un cas d’hémoptysie et il n’y a pas de lésion dans le parenchyme pulmonaire qui est lié à Omicron lui-même, mais du bourrage alvéolaire d’une hémorragie bronchique, parce que, encore une fois, Omicron a un tropisme pour les bronches et entraîne des lésions.
L’autre chose qu’on a vue dans l’une des vagues précédentes, au moment de la co-infection avec le virus de la grippe, ces espèces de flurona, c’est à dire « flu » pour la grippe, « rona » pour le Corona, ce mélange de grippe et COVID qui donne des processus, surtout si vous êtes fragile, assez délétères, avec une comorbidité augmentée où il est difficile de départager la gravité du tableau lié à la grippe du tableau lié au COVID. Et on s’attend à avoir la même chose. Nous avons déjà des patients qui ont des grippes A, donc les choses sont en train de s’installer, elles sont en train de monter, et on est dans un dépistage systématique grippe/COVID en ce moment pour (1) les co-infections, (2) essayer de trier les virus actuels. Parce que – beaucoup d’entre vous ont dû le constater à la maison – il y a beaucoup de virus qui circulent en ce moment en tropisme respiratoire, probablement lié aux habitudes de moins porter le masque. C’est d’ailleurs une vraie question sur « est-ce qu’il faut les réintroduire ? »
Omicron et asthme
Un focus particulier sur Omicron et l’asthme, parce qu’en 2020, on s’est très rapidement rendu compte qu’on n’avait pas d’asthmatiques hospitalisés, ce qui était tout à fait inattendu parce que l’asthmatique a une prédisposition aux infections virales. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais au moment du H1N1, c’était un tiers des asthmatiques qui constituaient les patients hospitalisés. C’est vrai qu’en voyant le COVID arriver, on a beaucoup axé la communication vers nos asthmatiques en leur disant « Attention! », et puis, finalement, très peu de temps après l’arrivée du virus, j’avais déjà fait la remarque sur Medscape qu’on ne voyait pas, finalement, d’asthmatiques hospitalisés. En tout cas, clairement on n’en voyait pas plus que dans la population générale et on avait même l’impression qu’il y en avait moins. Et, effectivement, cela a été démontré après qu’en particulier l’atopie, cette allergie qui peut être associée à l’asthme, avait plutôt un facteur protecteur sur une évolution défavorable du COVID. Aujourd’hui, je reviens clairement sur ce propos avec Omicron parce que c’est l’inverse. On voit qu’Omicron, aujourd’hui, est plutôt, par son tropisme bronchique, une cause d’exacerbation d’asthme. Il faut revenir à ces éléments qui ont été publiés très tôt après l’arrivée d’Omicron qui montraient que le virus Omicron se répliquait 10 fois moins dans le tissu pulmonaire que le virus original, mais 70 fois plus dans les bronches que le virus Delta. On a vraiment changé la maladie qui reste dans les voies aériennes inférieures sans aller dans le tissu pulmonaire, donc vous avez plus ce syndrome de détresse respiratoire, et si vous avez une maladie bronchique, vous êtes clairement exposé à des exacerbations. Et on voit des réapparitions d’asthme avec des gens qui avaient oublié qu’ils étaient asthmatiques qui refont de l’asthme et des exacerbations, des toux traînantes assez agressives, surtout si vous avez un facteur prédisposant comme l’asthme. Donc, aujourd’hui on peut dire : population plus à risque – l’asthmatique.
Il faut vraiment prendre soin de vos bronches, vous prétraiter si vous êtes asthmatique connu et si vous aviez tendance à ne pas prendre votre traitement, en ce moment je vous invite à le prendre, d’abord parce qu’il y a des virus respiratoires et surtout parce qu’il y a le COVID et la grippe qui arrivent et il faut absolument protéger vos bronches avant que le virus ne rentre dedans.
Et puis, dans les éléments qui sont en train d’être ressortis, le sentiment, quand même, que le BA.5 est un peu à cheval entre le BA.1, qui était vraiment un virus à tropisme ORL, un peu bronchique et pas très méchant, et un BA.5 qui est plutôt intermédiaire, entre le BA.1 et le Delta précédents. Parce qu’on retrouve des signes qu’on n’avait plus avec le BA.1, comme l’anosmie, témoignant d’une atteinte neurologique, des céphalées, des asthénies plus intenses, un allongement du temps des symptômes. Donc BA.5, sans nous renvoyer à l’hôpital quand on est triple-vacciné, a quand même un impact plus sévère sur la symptomatologie.
Quid des symptômes persistants post-COVID ?
Ce qu’on a du mal à dire aujourd’hui, c’est quel est le risque de symptômes persistants post-COVID avec un Omicron. Il y a de moins en moins en consultation, depuis la vaccination, de COVID long. Cela a eu un impact majeur sur le risque d’évolution vers le COVID long.
On a des premiers éléments qui montrent que chez les vaccinés, encore une fois, vous avez moins de risques de faire un COVID long avec Omicron que vous n’en aviez avec le Delta. Donc le risque de COVID long n’est pas nul, mais cela a franchement chuté et, d’ailleurs, les consultations COVID long ont, en tout cas chez nous, drastiquement diminué.
Conclusion
L’idée, aujourd’hui, est vraiment de dire : « attention, le virus change, la symptomatologie change. » Je ne crois pas que, pour autant, si vous êtes vacciné et triple-vacciné, vous retournerez à l’hôpital, mais je vais discuter à part de l’intérêt de la vaccination et quel type de vaccination. Et si vous êtes asthmatique, ou si vous avez une maladie bronchique, cette fois-ci j’aurais plutôt tendance à vous mettre en garde et à vous dire « prudence. » Et si vous avez une indication à la vaccination, courez vous faire vacciner, maintenant.
Merci à tous.
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Citer cet article: 8e vague de COVID : « patients asthmatiques, protégez-vous », recommande le Dr Tcherakian - Medscape - 13 oct 2022.
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