Le blog du Pr Dominique Savary – urgentiste, réanimateur
TRANSCRIPTION
Bonjour, je vous retrouve aujourd'hui sur Medscape France pour vous parler de deux études récentes sur l'antibiothérapie en situation d'urgence.
Antibiothérapie : « L'oral est-il le nouveau IV ? »
Commençons par une revue systématique sortie dans The American Journal of Emergency Medecine en mars 2022. [1] L'équipe du Los Angeles County Hospital s'est intéressée à l'antibiothérapie avec un titre de leur étude tout à fait particulier puisqu'il était « L'oral est-il le nouveau IV ? » et qui remet en question des décennies de dogme sur les infections sanguines et osseuses. On le sait, les antibiotiques administrés par voie orale sont clairement équivalents, voire supérieurs aux antibiotiques administrés par voie intraveineuse (IV). Dans cette étude un peu systématique, ils se sont intéressés aux infections considérées comme des infections nécessitant un traitement antibiotique IV de longue durée. Ces infections étaient les bactériémies, les ostéomyélites et les endocardites infectieuses.
Ils ont donc retrouvé et analysé 21 études contrôlées randomisées qui ont clairement montré l'absence de différence dans l'efficacité clinique de l'antibiothérapie orale par rapport à l'antibiothérapie IV seule, y compris sur la mortalité. Quant aux événements indésirables liés au cathéter et à la durée de l'hospitalisation, elles étaient bien sûr plus importantes dans le groupe traité par IV.
Au regard de ce travail qui rejoint d'autres études que l'on a pu voir par le passé, on pourrait penser que tant que le tube digestif fonctionne, la seule différence physiologique possible entre une antibiothérapie par voie orale et une antibiothérapie par voie IV, c'est le temps d'absorption sur les 30 premières minutes de la toute première dose.
En dehors des patients qui doivent aller en soins intensifs, où il est logique d'utiliser une voie IV, il faut systématiquement se poser la question de l'utilité des antibiotiques par voie IV. On sait aujourd'hui qu’on est parfois amené à poursuivre une antibiothérapie ou la mettre en œuvre juste pour justifier l'utilisation de l'hospitalisation à domicile par exemple. Il faudrait peut-être que l'on revoie ces motifs, qui peuvent être délétères aux patients.
Étude DINAMO : antibiothérapie dans la diverticulite aigu ë ?
Enfin, la deuxième recherche qui est sortie en novembre dernier est l'étude DINAMO, parue dans la revue Annals of Surgery [2]. Menée par une équipe de Barcelone, elle s'est intéressée à la diverticulite aiguë. On le sait, c'est une inflammation des diverticules qui sont une faiblesse de la paroi intestinale, une atteinte commune dans la population des patients de plus de 60 ans qui est le plus souvent asymptomatique. Traditionnellement, cette infection du gros intestin était traitée par des antibiotiques.
DINAMO était un essai multicentrique, randomisé, ouvert et de non-infériorité sur la possibilité de donner, ou pas, des antibiotiques chez des patients avec une diverticulite aiguë non compliquée au scanner. Les antibiotiques utilisés étaient de l'amoxicilline avec de l'acide clavulanique. Étaient exclus dans cette étude, fort logiquement, les patients qui étaient compliqués bien sûr, mais aussi les patients diabétiques et ceux qui avaient une immunodépression.
Ainsi, contrairement à d'autres études dont je vais parler dans un autre temps, ce qui est intéressant ici, c'est que les patients ont tous été traités en ambulatoire : 481 patients ont été randomisés et il n'a été trouvé aucune différence entre ceux qui ont eu une antibiothérapie et un traitement symptomatique, et ceux qui n'ont eu qu'un traitement symptomatique. Le critère de jugement principal étant donc étudié à distance au cours d'une nouvelle visite au service des urgences.
Vous allez peut-être me dire que ce seul essai qui était ouvert, de non-infériorité, ne suffit pas à changer nos pratiques. Mais il rejoint un certain nombre d'autres travaux, en particulier trois essais contrôlés randomisés qui sont assez récents et qui vont exactement dans le même sens.
Je pense donc que c'est largement suffisant pour que l'on change nos pratiques et que lorsqu'on est devant un patient, qu'il y a une diverticulite non compliquée au scanner, il n'est pas nécessaire, ni utile de le mettre sous antibiotiques.
[Au vu de ces études], c'est largement suffisant pour que l'on change nos pratiques.
J'espère que ces deux études vous ont intéressé et je vous dis à bientôt.
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Citer cet article: Antibiothérapie en situation d'urgence : « il faut revoir les pratiques » - Medscape - 12 août 2022.
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