TRANSCRIPTION
Gabriel Steg – Bonjour. Gilles Pialoux. Je suis ravi de vous retrouver sur Medscape France en ce début de mois d’août pour faire un petit point sur la variole du singe, en tant qu’infectiologue à Sorbonne Université et aussi à l’hôpital Tenon, à Paris, où on voit à peu près 10 à 12 cas par jour et qu’on vaccine 20 à 40 personnes, donc une réalité indiscutable pour un phénomène émergent très intriguant.
Données épidémiologiques
Quelques données épidémiologiques, tout d’abord. Les dernières données de santé publique France de fin juillet font état de 1955 cas, à 96 % chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes — des HSH — pour une moyenne d’âge autour de 36 ans. On a à peu près 18 000 cas dans le monde, dont 70 % des cas en Europe – 4 900 cas en Espagne avec deux décès qui sont, pour l’instant, en cours d’investigation et pour lesquels on aimerait avoir les causes réelles de ces décès chez des patients jeunes
Alors, on a eu quelques publications et quelques questions. Sur les publications, on peut faire référence à un très bel article clinique du New England Journal of Medicine daté du du 23 juillet, où une équipe européenne, 16 pays, rapporte les manifestations cliniques et les données sociodémographiques de 528 patients. Évidemment, on retrouve la confirmation d’une dominance des HSH, des hommes gais et bisexuels — 98 %. Probablement un effet loupe, puisque 41 % de ces cas, dans cette série du New England sont des patients infectés par le VIH, donc probablement un effet loupe par une arrivée des patients qui sont suivis soit pour le VIH, soit pour la PrEP, pour la prophylaxie préexposition.
Deuxième confirmation du terrain dans ce papier du New England, c’est la diversité des manifestations cliniques — totalement différentes de ce qu’on nous a proposé dans les épidémies observées en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, et aussi aux États-Unis, en 2003. Donc, avec des manifestations générales : de la fièvre dans 62 % des cas, léthargie, des signes neurologiques, des céphalées, des lymphadénopathies qui sont importantes, et pas seulement pelviennes. Et puis des manifestations muqueuses et cutanées extrêmement variées avec, notamment, un exanthème extrêmement confusionnant sur le plan diagnostic, qui nécessitera que les médecins soient formés à déshabiller les patients, qui ont simple exanthème, qui est une manifestation dermatologique assez fréquente. Et puis des manifestations ORL très variées.
Confirmation, aussi, de la présence du virus à peu près partout et dans tous les fluides, que ça soit dans le sperme, dans le sang — on en a même trouvé, à Tenon, dans le liquide pleural ou le lavage bronchoalvéolaire — donc un virus qui diffuse extrêmement de manière importante. Et une confirmation aussi, donc, un diagnostic qui est fait par PCR assez facilement, l’absence de décès, à part les décès espagnols dans cette série du New England, et les décès étaient postérieurs à la publication, et le très faible accès au traitement, puisque moins de 3 % des patients avaient accès, notamment, à un antiviral qui s’appelle le técovirimat.
La question des doses
Alors ça, c’est le cadre clinique. Il y a une autre question qui nous pose souci, actuellement, c’est la question des doses. Et on revient à un débat du COVID-19, puisque vous savez que les recommandations font état de deux doses, sauf chez les sujets immunodéprimés pour lesquels il est recommandé 3 doses vaccinales de vaccin de troisième génération. Mais y a un flou où se mélange le secret défense – puisque, comme vous le savez, le nombre de doses est secret défense – et puis les recommandations de la haute autorité de santé, qui disent que la deuxième injection doit se faire au moins à 28 jours, ce qui laisse une borne supérieure du temps, donc on ne sait pas si c’est un mois, deux mois, trois mois, quatre mois, donc il y a une vraie problématique.
Et nous, sur le terrain, on a aussi la problématique de la vaccination des personnes immunodéprimées, notamment des patients VIH. Et, là, on a repris un petit peu la littérature. Et, donc, il y a plusieurs essais : il y a des essais randomisés qui ont été publiés par Overton en 2020 dans Vaccine , qui est extrêmement bien fait et qui montre l’intérêt du boost par une troisième dose chez les patients VIH qui sont un peu immunodéprimés – autour de 370 CD4, on avait une autre étude plus ancienne, publiée dans le Journal of Infectious Diseases de 2013, de Greenberg, qui montrait aussi la bonne réponse immunitaire chez les patients VIH, mais pour l’instant on est dans un flou, et à la Société française de lutte contre le sida, on est en train de réfléchir aux recommandations qu’on doit faire.
Bioterrorisme
Deux autres retours sur des publications plus anciennes : un papier très bien fait, antérieur, bien sûr, à cette réémergence du monkeypox sur la question du vide laissé par la disparition, l’éradication de la variole, et il y est question notamment en termes de bioterrorisme, puisque vous savez que c’est une des obsessions de nos gouvernants et que le la variole — alors, cette fois-ci ce n’est pas la variole du singe, la variole, la vraie, la vraie variole, si l’on peut dire, est classée en niveau 1 par le CDC et puis par tous les pays européens dans les agents du bioterrorisme, et ça vient compliquer infiniment les recommandations sur le terrain.
Et il y a une très belle revue publiée dans Viruses sur ce risque de bioterrorisme, sachant que la mortalité avec la variole était autour de 30 % – la question de la mortalité pour la variole du singe, pour le monkeypox, est plus compliquée, puisque les données issues des publications africaines allaient de 0 % à 10 % et que, pour l’instant, effectivement, à part les deux cas susmentionnés, on est dans une mortalité extrêmement faible, voire proche de zéro.
One health
Et, enfin un, dernier point : je pense que, comme beaucoup, on retournera aux articles qui ont été publiés lors de la réémergence, notamment aux États-Unis, de la variole du singe sur le concept de One Health, c’est-à-dire d’une gestion de ces zoonoses non pas seulement par l’aspect médical, mais par l’aspect environnemental et aussi par l’aspect médecine vétérinaire, et que ce concept de One Health, né dans les années 2000, va être, évidemment, dans le sillage du COVID, extrêmement important pour comprendre ce qu’il faut faire pour ces réémergences de zoonoses. Je vous remercie.
Merci et à bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: Variole du singe : l’apport de la littérature scientifique - Medscape - 5 août 2022.
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