Le blog du Pr Gabriel Steg – Cardiologue
TRANSCRIPTION
Gabriel Steg – Bonjour! Nous sommes maintenant en période de vacances et je voudrais vous parler à nouveau de nutrition. Et, aujourd’hui, je me suis dit que j’allais vous parler des effets cardiovasculaires du café.
Alors, c’est un sujet qui suscite toujours beaucoup d’intérêt, notamment autour de la caféine, et la caféine est un antagoniste des récepteurs de l’adénosine, donc elle a des effets cardiovasculaires tout à fait clairs, notamment en aigu : lorsqu’on prend du café, eh bien, le café caféiné augmente la sécrétion d’adrénaline et, du coup, augmente la fréquence cardiaque et la pression artérielle.
Néanmoins, après administration répétée, on développe une tolérance et ces effets se réduisent notablement. Il a, quand même, été rapporté que la prise massive de café chez des non-buveurs de café avait pu être associée au déclenchement d’infarctus du myocarde.
En ce qui concerne, en tout cas, les effets chroniques de la prise de café chez les gens qui prennent régulièrement du café, les effets sont assez modestes : il y a une augmentation modérée de la pression artérielle, ce qui pourrait paraître délétère sur le plan cardiovasculaire, mais il y a également une réduction de l’appétit, une augmentation de la consommation d’énergie et, du coup, une perte de poids qui, elle, a des effets plutôt bénéfiques sur le plan cardiovasculaire.
En outre, il ne faut pas regarder les effets cardiovasculaires du café sous le seul angle de la caféine. D’abord, le café contient, certes, de la caféine, mais il contient des dizaines d’autres substances pharmacologiquement actives, notamment, par exemple, du cafestol. La concentration de cafestol est élevée dans le café turc ou dans le café qui est obtenu par les cafetières à piston, et il se trouve que le cafestol augmente la concentration sérique de cholestérol et, donc, peut avoir des effets défavorables sur le plan cardiovasculaire. Le café contient également des phénols et les phénols, eux, réduisent le risque d’incidence de nouveau diabète.
On voit que c’est compliqué, alors que nous disent les grandes études épidémiologiques sur des cohortes suivies plusieurs années ? Eh bien, lorsqu’on regarde des études de cohortes, elles ne sont pas toutes concordantes, mais, globalement, elles ont tendance à montrer qu’une consommation régulière de café entre 2 et 5 tasses par jour semble associée à une réduction du risque d’événements cardiovasculaires, notamment d’infarctus du myocarde, d’accidents vasculaires cérébraux et de décès cardiovasculaires. Alors, la réalité de cet effet est quand même incertaine. Quand on regarde, par exemple, les voies métaboliques du café et de la caféine, qui passent par les cytochromes P 450, on ne voit pas vraiment de différence physiologique entre les métaboliseurs rapides et lents du café. Deuxièmement, il faut se méfier des faits de causalité inverse : par exemple, s’il y a une association apparente entre la consommation de café et une bonne santé cardiovasculaire, c’est peut-être parce que les gens qui commencent à être malades réduisent leur consommation de café.
On a essayé de résoudre cette difficulté par des études de randomisation mendélienne, en regardant ce qu’il en était des gens qui ont des gènes qui sont associés à la consommation de café. Et même là, c’est compliqué. D’abord, parce que ces gènes ne sont pas associés qu’à la consommation de café, ils peuvent avoir des effets pléiotropes, et puis on a observé que les variants qui sont associés à un taux plasmatique élevé de caféine sont également associés à une réduction de la consommation de café. Et, donc, globalement, ces études de randomisation mendélienne ne sont pas claires. Ce qui fait qu’on reste, après avoir regardé toutes la littérature, un peu perplexe sur la réalité d’une éventuelle protection. Mais, en tout cas, on peut penser qu’il n’y a pas d’effet délétère. Et pour renforcer encore cette impression, il y a une étude que nous avons menée dans le registre CLARIFY sur plus de 30 000 coronariens avérés, donc des cardiaques qui sont vraiment cardiaques prouvées, et où nous n’avons pas trouvé d’association du tout, quelles que soient les méthodes d’ajustement employées, entre la consommation de café et le risque de développer un décès, un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral, de telle sorte que je ne suis pas sûr que le café soit bénéfique sur le plan cardiovasculaire, mais je suis à peu près certain qu’il n’est pas délétère lorsqu’on le consomme en quantité raisonnable et régulièrement. Et je crois que ce message de modération est, finalement, un assez bon message qui va vous permettre de profiter en toute sérénité de votre café préféré pendant les vacances. Bon été à toutes et tous!
Merci et à bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: Café : bénéfique ou néfaste pour le cœur ? - Medscape - 9 août 2022.
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