Le points sur 6 études marquantes dans le traitement du glioblastome en rechute, mais aussi dans les métastases cérébrales du cancer du sein, commentées par Sarah Dumont et Nicolas Epaillard, de l’Institut Gustave-Roussy.
TRANSCRIPTION
Sarah Dumont — Bonjour. Je suis Sarah Dumont, en direct de l’ESMO 2022 pour Medscape et je suis médecin oncologue médical à l’Institut Gustave-Roussy. Je vais vous présenter les résultats de l’actualité en neuro-oncologie en présence du Dr Nicolas Epaillard, qui est mon collègue à Gustave-Roussy et qui est aussi expert en sénologie.
Lomustine + L19TNF dans le gliobastome en rechute
Les premières choses à dire est qu’on peut saluer l’inventivité des équipes dans les études qui ont été présentées. Vraiment, l’idée a été d’optimiser au maximum les nouvelles techniques pour essayer d’augmenter l’arsenal thérapeutique avec beaucoup d’ingéniosité. La première étude [GLIOSTAR] notamment que je vais vous présenter est un essai suisse par le Dr Tobias Weiss qui combiné la lomustine avec un anticorps tout à fait particulier dans le glioblastome en rechute. [1]
Dans le glioblastome en rechute, la ligne de traitement habituel est la lomustine, mais on sait que chez les patients qui sont MGMT non méthylé, l’activité des agents alkylants comme le temodar et la lomustine n’est pas très bonne. Donc c’est une population de patients qui sont particulièrement peu sensibles au traitement en cas de de rechute. Dans cette étude, on a la combinaison de la lomustine avec un anticorps qui cible une protéine du stroma du glioblastome et associé avec une cytokine, le TNF, pour pouvoir vraiment avoir quelque chose de très ciblé et de très agoniste, dans la combinaison.
C’est une étude qui a été faite d’abord chez les animaux non humains — dans le modèle murin, il y a déjà des résultats qui sont très intéressants avec l’impression d’avoir un signal assez fort — et les chercheurs ont vite embrayé sur des études chez les humains. On est bien d’accord, c’est quand même un anticorps qui nécessité une certaine bio-ingénierie, donc ce qui a été colligé ici ce sont six patients uniquement, qui ont été traités avec la combinaison des deux. Parmi ces six patients, on a quelque chose de tout à fait intéressant : trois réponses partielles, dont une réponse quasi complète. C’est quelque chose qu’on ne voit absolument pas en rechute dans le glioblastome, mais encore moins dans ce sous-type de population extrêmement défavorable. On est sur six patients, c’est extrêmement précurseur, mais en neuro-oncologie on n’a pas beaucoup d’études positives, on n’a pas beaucoup de signaux comme cela, donc on est quand même très content.
Immunothérapie, radiothérapie et avastin dans le glioblastome
La deuxième étude porte aussi sur une technique qu’on a l’habitude d’utiliser, mais optimisée. [2] C’est une étude qui a été faite par le Dr Campian, qui s’intéresse au glioblastome, cette fois-ci quel que soit le statut MGMT, mais quand même en rechute, chez les patients qui sont potentiellement ré-irradiables — c’est-à-dire que ce sont quand même des patients qui sont plutôt de bon pronostic avec des rechutes qui sont localisées, sinon on ne peut pas les irradier, et puis des rechutes un peu tardives, parce que sinon on considérait que la radiothérapie n’a pas été efficace.
Donc c’est réirradiation + anti PD-1 – à savoir, l’immunothérapie dans le glioblastome n’a pas montré son efficacité en monothérapie –, mais peut-être que la façon la plus intelligente, la plus pertinente, d’essayer l’immunothérapie, est combiner avec la radiothérapie. Et, en plus, ils ont combiné avec l’avastin. Radiothérapie + avastin est quelque chose qu’on fait assez souvent pour éviter une radionécrose. Quand vous irradiez deux fois au même endroit, cela fait quasiment un trou et il y a un gros risque de radionécrose, qui peut être délétère pour les patients, même si en même temps on a l’impression que c’est une suractivité de la radiothérapie. Donc dans cette étude, on a deux cohortes séquentielles, c’est-à-dire qu’ils ont planifié de faire une autre cohorte où à la suite de cette irradiation ― ils rajoutent un anti-IDO. Les anti-IDO sont des agents qui sont censés contrer la résistance à l’immunothérapie.
Donc ce design est vraiment très intéressant. Là, ils nous ont montré uniquement la cohorte A — en fait le début du traitement — et déjà on est bien au-dessus en termes d’objectifs. Les objectifs sont totalement atteints avec une PFS à 10 mois, ce qui est vraiment important pour des glioblastomes en rechute. C’est peut-être à pondérer avec une étude qu’on a faite, nous, dans notre Institut, avec Nicolas, qui montrait quand même que ces patients étaient extrêmement sélectionnés et qu’on avait quand même une survie globale qui étaient autour de 38 mois, 40 mois, ce qui est inhabituel dans le glioblastome (on est autour de 18 mois ou 24 mois). Donc, c’est quand même à pondérer à cela, mais je trouve qu’on est sur un mécanisme d’action intéressant.
Paxalisib dans le glioblastomes MGMT non méthylés
Et puis pour terminer, je vais vous parler de deux molécules qui étaient réellement sous les projecteurs. La première est le paxalisib, un anti-PI3K. C’est une voie de signalisation qui n’est pas trop étudiée en neuro-oncologie. Le paxalisib a fait l’objet d’une phase II présentée par Dr John de Groot du MD Anderson. [3] Cette phase II était surtout la pharmacocinétique qui s’accolait à une phase II dont les résultats ont déjà été présentés et entre deux meetings. Mais c’est une phase II qui a montré une efficacité dans, à nouveau, le glioblastome MGMT méthylé au diagnostic, c’est-à-dire qu’on fait la radiothérapie, chimiothérapie, concomitante dans le glioblastome au diagnostic, mais chez les MGMT non méthylés, le temodar, on sait qu’il ne marche pas extrêmement bien, donc on a remplacé par cet anti-PI3K, le paxalisib.
Résultat : on rattrape le mauvais pronostic de ces patients avec des données de survie qui sont pareilles à la population générale, alors que ce sont vraiment des patients qui grèvent le pronostic, quand on fait la médiane de survie des glioblastomes, les MGMT non méthylés, sont ceux qui ont qui ont le pire des pronostics.
Pamiparib peu convaincant dans le glioblastome en rechute
Pour terminer, la dernière molécule est un anti-PARP, le pamiparib, qui a été présentée. [4] C’est une phase qui est très immature, on était un peu étonné d’avoir des données de PFS à la rechute qui étaient, finalement, plus longues que les PFS au diagnostic, donc je pense que ce sont des données assez immatures. Cela reste une classe qui n’a pas l’air, en tout cas, de révolutionner la neuro-oncologie, aujourd’hui — le signal n’est pas extrêmement fort —, moi, je ne retiendrai pas plus que cela.
TUXEDO-1 : amélioration de la qualité de vie dans les le cancer du sein avec métastases cérébrales
Nicolas Epaillard — Il y a plusieurs études aussi, trois en particulier qui ont retenu mon attention. La première est dans le cancer du sein avec métastases cérébrales. C’est l’étude TUXEDO-1 qui est sortie récemment, donc on a déjà les résultats d’efficacité – c’est une phase II dans laquelle les patientes qui présentaient un cancer du sein HER-2 surexprimé ont été traitées par trastuzumab deruxtecan et spécifiquement dans le cadre des métastases cérébrales. Les données d’efficacité, on les connaît, elles sont super bien : on a eu sur les 15 patientes deux réponses complètes, on avait neuf réponses partielles et trois maladies stables pour une PFS qui était autour de 14 mois.
Ce qui a été présenté à l’ESMO 2022 [5] et ce qui a attiré notre attention, ce sont les données en termes de qualité de vie qui sont excellentes, parce que les patientes ont une qualité de vie qui était conservée tout au long de l’étude et surtout des fonctions neurocognitives qui étaient préservées. On sait qu’en neurologie, avec les métastases cérébrales notamment, les patients en général vont avoir un déclin cognitif, et là ce n’est pas du tout le cas, donc c’est extrêmement encourageant.
Le trastuzumab deruxtecan dans les métastases cérébrales est un sujet qui est brûlant puisque, notamment notre équipe de Gustave Roussy a présenté un poster (DAISY trial). [6]
Sarah Dumont — Oui, c’est toi même qui l’a présenté.
Nicolas Epaillard – Exactement, j’ai présenté cette étude dans laquelle on avait aussi des patientes métastatiques cérébrales de cancer du sein HER-2 surexprimé et les réponses étaient très bonnes, puisque le taux de meilleure réponse objective était de plus de 90 % pour les HER-2 surexprimé, mais aussi dans les HER-2 low – là, il était de 30 %. Donc c’est vraiment une nouvelle classe très intéressante.
Survie en vie réelle chez patients avec métastases cérébrales
Deuxième étude [7] « population en vie réelle », la cohorte d’environ 1000 patients qui présentaient des métastases cérébrales, mais tout cancer – il y avait principalement du cancer du poumon (40 %), 15% de cancers du sein et de mélanome. Et les auteurs ont discuté la survie… alors, la survie, elle n’est pas très bonne, elle est de six mois, mais elle est très différente en fonction des différents traitements. Le meilleur, bien sûr, est la chirurgie — un peu plus d’un an. En deuxième position, arrivait la radiothérapie stéréotaxique — à peu près neuf mois ; et les traitements systémiques, huit mois. Et ce qui était vraiment intéressant, c’était l’encéphale in toto, la radiothérapie encéphalique in toto — c’est une question en staff qu’on se pose beaucoup...
Sarah Dumont — Oui, on continue à traiter beaucoup de patients pour les encéphales in toto et on n’est jamais bien sûrs de la pertinence.
Nicolas Epaillard — Exactement, cela a beaucoup de toxicité. Et puis surtout, quel est le bénéfice ? On est un peu déçu parce que, à partir du moment où les patients sont PS2 ou plus, on l’a vu, la survie était très faible, inférieure à trois mois.
Sarah Dumont — Cela veut dire que même un patient qui s’assoit au fauteuil — alors, jusqu’à présent, c’est un peu notre critère, être capable de s’asseoir au fauteuil — cela ne suffit pas en fait.
Nicolas Epaillard — Probablement. Enfin, de ce qu’on a retenu, c’est que le patient doit être 0 ou 1,
Sarah Dumont — Donc en pleine forme.
Nicolas Epaillard — Sinon il n’y a vraiment pas de bénéfice, exactement. Après, c’était une étude où il y avait plein de cancers différents, alors est-ce que c’est vraiment applicable dans la pratique clinique ?
Thérapie adaptée à l’altération moléculaire dans le glioblastome
Nicolas Epaillard — Et la dernière étude, c’était celle sur le NGS (Next Generation Sequencing). Celle-ci, nous a fait beaucoup réagir. [8]
Sarah Dumont — Oui, très enthousiasmant.
Nicolas Epaillard — Oui. Et c’est quelque chose, aussi, qu’on essaie de porter à Gustave-Roussy. En fait, c’était 430 glioblastomes qui ont eu pour la quasi-totalité un NGS. C’était soit au diagnostic à peu près 80 % et puis 20 % en première récidive. Et les mutations qui ont été retrouvées, les altérations moléculaires, ce sont des choses qu’on connaît, mais ce sont majoritairement une perte de CDKN2A, CDKN2B, il y avait 40 % à peu près d’amplification d’EGFR, un petit peu de PTEN, 30 %, et anecdotiquement 5 % de ROS1 et 2 % de BRAF V600E. Mais le message qui est très important et qui nous enthousiasme, c’était que 8 % de ces patients ont pu bénéficier d’une thérapie adaptée à leur altération moléculaire. Il y en a deux, surtout, qui étaient intéressantes : les BRAF V600E — dabrafénib/tramétinib, une réponse complète, une réponse partielle et cinq maladies stables.
Sarah Dumont – C’est énorme.
Nicolas Epaillard – Ce sont des choses qu’on ne voit pas, en fait. C’est très, très rare. Et puis pour le ROS1, l’entretenir, une réponse complète. Donc ce message est vraiment « faites des profilages moléculaires à vos patients le plus possible » parce que… alors, c’est ce que le discutant nous a dit, ce serait 20 % des patients glioblastome qui pourraient bénéficier d’un traitement ciblé — Cela paraît beaucoup, mais 8 %, c’est déjà énorme — que ce soit dans les nouvellement diagnostiqués ou à récidive, ce n’est pas forcément les mêmes altérations, donc essayez de faire au maximum des profilages à tous vos patients.
Sarah Dumont – Cela veut dire qu’il y a quand même des patients qui passent entre nos mains, qui ont ce type de mutation avec des traitements potentiels et on ignore l’anomalie moléculaire et ils passent complètement à côté de traitements innovants, et pour lesquels on va leur faire un traitement standard de lomustine, ce genre de choses...
Nicolas Epaillard — Exactement.
Sarah Dumont — Après on n’a pas aujourd’hui l’accès au NGS pour tout le monde, mais on a vraiment beaucoup de laboratoires pharmaceutiques et, quand même, des montages pour certaines populations, les cancers réfractaires, les patients jeunes, notamment. En tout cas, merci beaucoup, Nicolas.
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Citer cet article: Neuro-oncologie : les nouveautés de l’ESMO 2022 - Medscape - 13 sept 2022.
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