France— Infirmière dans un centre hospitalier de psychiatrie adulte de la région parisienne depuis 7 ans, Charlotte* observe une dégradation de ses conditions de travail, en particulier depuis la pandémie. Alors que les syndicats tirent la sonnette d’alarme et ont appelé à la grève ce jour, elle a accepté de témoigner pour Medscape, sous couvert d’anonymat.
Medscape édition française : Comment ont évolué vos conditions de travail depuis que vous exercez en psychiatrie ?
Cela fait 7 ans que je travaille en psychiatrie, en intra-hospitalier. Je suis dans un service ouvert, c’est-à-dire que les portes de l’unité sont ouvertes de 10h à 18h, puis fermées pour la nuit. Ça c’est la théorie, car en réalité nous sommes amenés à fermer l’unité très régulièrement, car nous recevons de plus en plus de patients autistes ou atteints de démence, qui pourraient se mettre en danger s’ils se retrouvaient à l’extérieur de l’unité. Il est de plus en plus courant que nous recevions des publics non adaptés à la psychiatrie.
En parallèle, les conditions de travail se sont beaucoup détériorées avec le Covid. Avant, il nous arrivait d’être en difficulté au niveau du personnel, mais c’était sur une période assez courte. Depuis le Covid, il y a beaucoup de départs et les recrutements sont rares : personne ne se présente. L’effectif a baissé par rapport à l’avant Covid, nous sommes environ 5 aides-soignant.es et une douzaine d’infirmièr.es pour une trentaine de patients et quatre dans l’équipe de nuit.
Quelles sont les conséquences de ces problèmes de recrutement ?
On travaille en sous-effectif chronique : ça fatigue les équipes et on se demande quand ça ira mieux.
Le fait d’accueillir plus de personnes autistes et âgées prend plus de temps pour les soins. Le matin, nous sommes 4 ou 5 soignant.es et nous devons souvent détacher une personne pour ces soins. Quand il n’y a pas d’aide-soignant.es, ce sont les infirmièr.es qui font les toilettes. Nous aurions besoin de davantage d’aides-soignant.es le matin pour nous aider pour les toilettes et le soir pour le coucher. Nous devons aussi nous occuper des bilans sanguins et des traitements. Nous commençons le matin à 7h et nous devons avoir terminé ces tâches à 9h pour la transmission en staff avec le médecin. Nous prenons souvent du retard.
Comment envisagez-vous l’été qui arrive ?
L’été risque d’être très compliqué. Les recrutements sont encore plus rares et il y a davantage de départs. Nous avons notamment des problèmes sur l’effectif de l’équipe de nuit. On se retrouve en sous-effectif dramatique, au point où des infirmiers de jour doivent travailler de nuit. C’est sur la base du volontariat pour l’instant, mais cela pourrait changer si cela ne s’améliore pas.
Quelles seraient vos attentes pour attirer et retenir des professionnels ?
Moi, j’accepterais ces conditions de travail si j’étais payée 4000 euros, mais pas en étant payée 2000 euros ! Avec le Ségur, on nous a annoncé une augmentation de 400 euros mais en réalité on a été augmentés de 200 euros.
L’hôpital public ne fait plus rêver. Il n’est pas suffisamment attractif. Pour attirer les professionnels, la structure pourrait proposer des primes plus intéressantes, des avantages au niveau du comité d’entreprise, ou encore des crèches d’entreprise pour le personnel, par exemple.
On sait bien qu’on ne va pas inventer des infirmiers en un claquement de doigts, mais on peut justifier la difficulté de leur travail par un meilleur salaire. De plus, il faut fidéliser les soignants. Dans notre hôpital, nous avons des soignants qui aimeraient rester et qui obtiennent des reconductions de leur CDD, alors qu’il faudrait les embaucher en CDI !
*le prénom a été changé à sa demande.
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Crédit image de Une :Dreamstime
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Citer cet article: Dégradation des conditions de travail en psychiatrie : Charlotte, infirmière, témoigne - Medscape - 28 juin 2022.
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