Lille — France. Les premières recommandations pour la prise en charge de l’adolescent asthmatique par les pneumo-pédiatres ont été dévoilées au congrès des Sociétés françaises de pédiatrie (1-3 juin 2022, Lille) [1]. Elle ont été rédigées sous l’égide de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et de la Société pédiatrique de pneumologie et d’allergologie (SP2A) [2]. Après avoir expliqué pourquoi des recommandations spécifiques aux adolescents étaient nécessaires, le Pr Antoine Deschildre (Service de pneumologie et allergologie pédiatriques, Hôpital Jeanne de Flandre, CHU de Lille), coordinateur du groupe d’experts pneumo-pédiatres, a présenté le détail du traitement, palier par palier
Contrôler les symptômes asthmatiques, prévenir les exacerbations afin de préserver la fonction respiratoire du futur adulte sont les objectifs de ces toutes premières recommandations dédiée à l’asthme de l’adolescent.
Palier 1 (asthme léger, paucisymptomatique)
Chez l’adolescent ayant un asthme contrôlé ou très peu symptomatique (symptômes ou recours au traitement de secours moins de deux fois par mois sur les derniers mois, n’ayant présenté aucune crise sévère au cours des 12 derniers mois et avec des explorations fonctionnelles respiratoires normales) et en l’absence de facteurs de risque de crise, il est recommandé l’utilisation d’un bronchodilatateur de courte durée d’action à la demande, sans traitement de fond.
Palier 2 (asthme léger)
En cas d’asthme symptomatique (symptômes ou des besoins en traitement de secours ≥ 2 fois par mois sur les derniers mois) ou partiellement ou non contrôlé ou lorsqu’il existe des facteurs de risque de crise, un traitement de fond est préconisé avec, au minimum et en première intention, des corticostéroïdes inhalés (CSI) à faible dose (100-320µg/jour de budésonide ; 100-200µg/jour de propionate de fluticasone).
À ce propos, le Dr Antoine Deschildre justifie l’absence de recommandation de la bithérapie budésonide/formotérol à la demande dans les asthmes légers, pourtant consignée dans les recommandations du GINA dès 12 ans [3] et de la SPLF pour les adultes : « les données de la littérature [] 4-5] restent actuellement insuffisantes pour recommander en première intention un traitement à la demande par budésonide/formotérol. Les études comportent des biais, dont celui d’un faible effectif d’adolescents et de les avoir considérés comme des asthmes légers alors qu’une forte proportion comptait au moins une exacerbation dans l’année écoulée ou un contrôle insuffisant malgré un traitement de fond par CSI. Le recul manque encore sur son utilisation en vie réelle et sur l’attitude à adopter justement en cas de crise. Nous estimons aussi que l’adolescence est une période où il faut viser l’optimum en matière de contrôle de l’asthme et donc plutôt au moyen d’un traitement de fond. Si cette stratégie budésonide/formotérol à la demande n’est pas forcément néfaste, les données en vie réelle sur les adolescents ne permettent pas de trancher. De plus, les adolescents utilisent assez souvent un traitement préventif des symptômes d’effort par bronchodilatateur de courte durée d’action, ce qui augmente finalement l’exposition aux CSI. Enfin, il faut maîtriser la forme poudre (Turbuhaler notamment) et, ce qui n’est pas un détail, cette association ne dispose pas d’AMM en Europe. »
Palier 3 (asthme modéré)
En cas de manifestations cliniques sous traitement de palier 2, les experts conseillent l’utilisation d’une association CSI faible dose et bronchodilatateurs longue durée d’action comme traitement de fond en première intention.
L’association budésonide (dose faible 100, 160 ou 200 µg/dose/formotérol) peut ici être choisie en traitement de fond mais également de secours pour la gestion des symptômes en première intention. Cette stratégie semblerait pertinente chez les patients qui présentent un contrôle ponctuellement insuffisant sous traitement combiné et qui maîtrisent l’utilisation d’un système poudre, dans l’optique d’une protection vis-à-vis des crises (ne pas dépasser 6 doses en une seule prise, et pas plus de 8 doses/jour en fond et symptômes). Une méta-analyse conduite chez l’adolescent établit une efficacité au moins comparable de cette stratégie (versus l’utilisation à la demande des bronchodilatateurs de courte durée d’action) sur la réduction du nombre de crises, les scores de symptômes et l’amélioration du VEMS pré-bronchodilatateur [6].
En deuxième intention, les alternatives recommandées sont les CSI à dose moyenne ou l’association des CSI à dose faible et d’anti-leucotriènes.
Palier 4 (asthme modéré)
En cas de manifestations cliniques sous traitement de palier 3, le traitement recommandé en première intention est l’association de CSI à dose moyenne (400-600 µg/j de budésonide ; 250-<500 µg/j de propionate fluticasone) et d’un bronchodilatateur de longue durée d’action. « L’association budésonide (dose moyenne)/formotérol en traitement de fond et de secours est envisageable, comme dans le cas du palier 3, ajoute Antoine Deschildre. En deuxième intention, les CSI à dose forte ou l’association de CSI à dose moyenne et d’anti-leucotriènes peuvent être proposés. »
Quand orienter vers un centre expert ?
En cas de suspicion d’asthme sévère et/ou de symptômes atypiques, orienter vers une consultation spécialisée ou un centre expert est nécessaire. « Un avis auprès d’un pneumo-pédiatre ou d’un centre expert est conseillé lorsque le contrôle de l’asthme est insuffisant sous traitement de palier 4, précise le Dr Deschildre. Une forte consommation de bronchodilatateurs de courte durée d’action, la prise répétée de corticoïdes oraux (crises traitées par cures courtes deux fois ou plus par an), une hospitalisation ou plus pour crise par an, et un antécédent d’hospitalisation en USIP pour asthme aigu grave sont également des situations où un suivi spécialisé est indiqué. L’accumulation des comorbidités (dermatite atopique, allergie alimentaire avec antécédents d’anaphylaxie, par exemple) requiert une prise en charge spécialisée et multidisciplinaire. »
La prise en charge de l’adolescent qui relève alors d’un palier 5 comportera entre autres une évaluation des facteurs de risque modifiables durant une phase d’observation (techniques d’inhalation, observance, environnement, comorbidités). Au terme de quelques mois, quatre situations peuvent se présenter, à commencer par le diagnostic d’un asthme non contrôlé mais contrôlable par un traitement de fond adapté (mais pas forcément à forte dose). Parmi les autres options, celle d’un asthme sévère car contrôlé par une pression thérapeutique forte, celle d’un asthme qualifié de difficile (problèmes d’observance, de comorbidités, d’environnement, etc.), ou encore celle d’un authentique asthme sévère car résistant au traitement à forte dose (moins de 5 % des adolescents).
L’éventualité des biothérapies dans l’asthme sévère
Un asthme sévère car résistant au traitement à forte dose se caractérise par une pression thérapeutique (fortes doses de CSI – eq BUD supérieur ou égal à 800 µg/j ; avec un traitement associé habituellement aux bronchodilatateurs longue durée d’action, voire aux anti-leucotriènes) et d’autres critères comme des symptômes chroniques, et/ou des crises répétées (deux ou plus traitements par corticothérapie générale ou hospitalisations graves dans l’année, ou un antécédent d’asthme aigu grave admis en USIP), et/ou une obstruction chronique persistante, au décours d’un test aux corticoïdes (Z-score VEMS< − 1,96), et un traitement de fond par CI généraux [7].
Se pose alors l’éventualité de prescrire une des biothérapies, qui ont révolutionné la prise en charge des asthmes sévères. Trois sont disponibles chez l’adolescent prescrites en association au traitement inhalé de fond : l’omalizumab (anti-IgE) dans l’asthme sévère allergique, le mépolizumab (anti-IL5) dans l’asthme sévère éosinophilique et le dupilumab (anticorps monoclonal inhibant les voies de signalisation de l’interleukine-4 et de l’interleukine-13) dans les asthmes associés à une inflammation de type 2. La décision thérapeutique est idéalement validée en réunion de concertation pluridisciplinaire.
Déclaration de liens d’intérêt du Dr Antoine Deschildre : Interventions ponctuelles ou participation aux boards scientifiques : ALK, Stallergenes Greer, AstraZeneca, GSK, Novartis, Sanofi, Regeneron, DBV technologies, Aimmune, Nestlé Health Science, Nutricia
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Le traitement de l’asthme de l’adolescent en 2022, palier par palier - Medscape - 28 juin 2022.
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