Enfin des recommandations spécifiques pour traiter l’asthme de l’adolescent

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

27 juin 2022

Lille, France – C’est une première, présentée au congrès des Société française de pédiatrie (1-3 juin, Lille) [1] : des recommandations pour la prise en charge de l’adolescent asthmatique par les pneumopédiatres viennent de paraître, sous l’égide de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et de la Société pédiatrique de pneumologie et d’allergologie (SP2A) [2]. Un texte attendu quand on sait que la prévalence de l’asthme chez l’adolescent est en progression. En voici les grandes lignes.

S’adapter aux spécificités de l’adolescence

Parce que l’adolescent n’est plus stricto sensu un enfant, ni encore un adulte, des recommandations spécifiques étaient nécessaires, prenant en compte les caractéristiques de cette période particulière de la vie : changements physiques, émotionnels (anxiété), cognitifs et sociaux, dysfonction respiratoire telle que la dyskinésie des cordes vocales ou le syndrome d’hyperventilation, début du tabagisme et autres addictions, préoccupation sur l’orientation professionnelle, etc. De plus, les évolutions physiologiques à cet âge n’aident pas le jeune à intégrer que l’asthme est une maladie chronique qui pourra relever de l’observance d’un traitement quotidien.

 
le décès d’un adolescent est quasi toujours directement lié à un défaut dans le parcours de soins
 

Le plus souvent, et notamment dans les précédentes recommandations de la SPLF parues en 2016, les préconisations des experts envers l’adolescent étaient fondues dans celles des adultes. Quant aux recommandations pédiatriques à proprement parler, elles dataient de 2009 (recommandations du Groupe de Recherche sur les Avancées en Pneumo-Pédiatrie- GRAPP).

« Il nous a paru important, en tant que pneumopédiatres, de considérer l’adolescence comme un continuum de l’enfance et, de ce fait, de rattacher l’adolescence à la pédiatrie, souligne le Dr Antoine Deschildre (Service de pneumologie et allergologie pédiatriques, Hôpital Jeanne de Flandre, CHU de Lille), coordinateur du groupe d’experts pneumopédiatres. Notre but a été d’édicter des messages clairs, vis-à-vis des objectifs et du traitement, applicables par tous les acteurs – médecin traitant, pédiatre, spécialiste – condition essentielle pour qu’elles soient suivies. Car les hospitalisations chez l’adolescent asthmatique ne s’infléchissent pas, et le risque de décès n’est pas nul. Or, le décès d’un adolescent est quasi toujours directement lié à un défaut dans le parcours de soins ».

Une maladie très fréquente, avec encore des décès liés à un asthme aigu

L’asthme est la maladie chronique la plus fréquente de l’adolescent. En 2016-2017, 12 % des adolescents de classe de 3ème avaient présenté au moins un épisode d’asthme ou avaient été traités pour asthme dans l’année (Santé publique France), contre 8,6 % en 2003-2004 et 9,7 % en 2008-2009. Environ 10 % des hospitalisations surviennent chez les adolescents de 10 à 19 ans (2015) avec un total de 5600 en 2015. Des adolescents décèdent encore de nos jours d’un asthme aigu ; 13 décès ont ainsi été comptabilisés en 2016.

Contrôler les symptômes, prévenir les crises

Le bon contrôle des symptômes d’asthme est primordial, objectif central de la prise en charge. Par « bon contrôle », les experts entendent (au cours des quatre dernières semaines), moins de deux symptômes diurnes par semaine, aucun réveil nocturne lié à l’asthme, moins de deux traitements de secours par semaine et aucune limitation des activités à cause de l’asthme. Si un ou deux items ne sont pas présents, le contrôle est partiel.

 
Il ne faut pas transiger avec le contrôle de l’asthme chez l’adolescent et garder des objectifs élevés
 

Au-delà, le mauvais contrôle de l’asthme est patent. « La nuit « parle » très fort, prévient le Dr Deschildre, les symptômes nocturnes étant généralement symptomatiques d’un mauvais contrôle de l’asthme. En revanche, lorsqu’un adolescent déclare que son asthme retentit sur son activité physique, il faut bien faire la part des choses entre un authentique asthme d’effort (qui apparaît classiquement au bout d’un certain temps voire au décours de l’effort et répond ou est prévenu par la prise d’un bronchodilatateur de courte durée d’action), un asthme non contrôlé (symptômes immédiats – toux, sifflements, gène) ou une mauvaise adaptation à l’effort (notamment chez l’adolescent sédentaire et/ou en surpoids) ».

Les experts encouragent le recours aux scores de contrôle, en particulier le score ACT en 5 questions [3] qui explore la gêne au quotidien, l’essoufflement, les symptômes typiques, l’utilisation du traitement de secours, ainsi qu’une évaluation personnelle subjective.

« Un score ACT supérieur ou égal à 20 confirme un asthme contrôlé, mais nous proposons chez l’adolescent de viser un score plus élevé, au moins 22, souligne Antoine Deschildre. A l’inverse, un score de 15 ou moins est une alerte, témoin d’un asthme à coup sûr non contrôlé. Il ne faut pas transiger avec le contrôle de l’asthme chez l’adolescent et garder des objectifs élevés, partagés avec lui en repérant les moments ou les activités où il est gêné par son asthme ». 

 
Attention à la prescription de bronchodilatateurs de longue durée d’action uniquement, sans corticoïdes inhalés, car leur utilisation abusive est la porte ouverte à un asthme aigu qui amène en réanimation
 

« Outre le suivi du contrôle, précise Antoine Deschildre, il faut s’intéresser aux exacerbations, et les prévenir grâce au traitement en identifiant les facteurs associés au risque de « crise » d’asthme, un terme jugé plus approprié qu’exacerbation car mieux compris par les adolescents et leurs parents ».

En haut de la liste de ces critères figure la survenue d’une crise ou plus au cours des 12 derniers mois. Une mauvaise observance ou une technique d’inhalation incorrecte (très fréquente), une utilisation importante des traitements de secours témoignant d’un mauvais contrôle (au-delà d’un dispositif de bronchodilatation de courte durée d’action tous les un à deux mois) sont d’autres facteurs de risque. Les adolescents avec un profil d’exacerbations fréquentes (> 1 crise par an) vont relever d’une prise en charge particulière. « Attention à la prescription de bronchodilatateurs de longue durée d’action uniquement, sans corticoïdes inhalés, car leur utilisation abusive est la porte ouverte à un asthme aigu qui amène en réanimation, souligne Antoine Deschildre. Il faut également être attentif à l’observance du traitement de fond à son initiation ou après la crise, en prévoyant une consultation avec l’adolescent pour faire le point. »

Critères retenus par les experts définissant une EFR normale

« L’objectif majeur de la prise en charge est d’amener l’adolescent à l’âge adulte avec une fonction normale ou la meilleure possible, d’où la réalisation d’explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) au diagnostic puis régulièrement au cours du suivi, avec une périodicité ajustée au niveau de sévérité de l’asthme. Les critères retenus par les experts définissant une EFR normale chez l’adolescent asthmatique sont un rapport VEMS pré-bronchodilatateur/capacité vitale forcée (CVF) supérieure à – 1,64 z-score et l’absence de réversibilité (différence entre la mesure post et pré bronchodilatateur), celle-ci étant définie par une différence de VEMS et/ou une différence de capacité vitale forcée (CVF) ≥12 % et ≥ 200 mL », explique le Pr Antoine Deschildre.

 

La corticothérapie inhalée, pierre angulaire du traitement chez l’ado

La sévérité de l’asthme est définie par la thérapeutique nécessaire pour contrôler les symptômes. Comme chez l’adulte, les paliers 1 et 2 traduisent un asthme léger, les paliers 3 et 4 un asthme modéré et le palier 5 un asthme sévère qui requiert un avis spécialisé (Lire Nouvelles recommandations : le traitement de l’asthme de l’adolescent palier par palier).

Dans les grandes lignes, à l’instar de ce qui est préconisé chez l’adulte, le traitement de fond en première intention, du fait du niveau de preuve le plus élevé, est la corticothérapie inhalée, associée si besoin à un second traitement de fond, de préférence un bronchodilatateur de longue durée d’action. L’alternative, mais avec un niveau de preuve bien inférieur, est l’usage des anti-leucotriènes, dont les effets neuropsychiques sont à surveiller attentivement. Quant au traitement d’urgence, la priorité va aux bronchodilatateurs de courte durée d’action à la demande, quel que soit le palier, prescrits avec un plan d’action.

Des doses quotidiennes de corticostéroïdes inhalés chez l’adolescent asthmatique (≥ 12 ans) sont jugées fortes dès 500 microg/jour de propionate de fluticasone ou équivalent (au moins 800 microgrammes/j de budésonide). L’efficacité des CSI au-delà de 200-250 microg d’équivalent propionate de fluticasone atteint rapidement un plateau, d’où un bénéfice modeste (sur les symptômes comme la fonction respiratoire) pour des doses supérieures, alors que le risque d’effets indésirables augmente. Le Dr Deschildre l’assure : « les doses faibles à modérées sont suffisantes chez la plupart des adolescents asthmatiques. »

 
les doses faibles à modérées sont suffisantes chez la plupart des adolescents asthmatiques
 

Par ailleurs, contrôler l’environnement est important, en termes d’allergènes, d’exposition au tabac, de pollution intérieure, d’humidité …. De plus, une immunothérapie allergénique (ITA) sublinguale (acariens, pollens) peut être proposée en traitement additionnel chez les adolescents asthmatiques ayant une allergie aux acariens et/ou aux pollens se manifestant aussi par une rhinite allergique.

Enfin, il est recommandé de rechercher systématiquement un tabagisme actif et/ou un vapotage, d’autres addictions, des troubles anxio-dépressifs fréquents chez l’adolescent asthmatique et à l’origine d’un retentissement sur l’asthme et la qualité de vie.

Réduire la pression thérapeutique en cas de contrôle durable

Les paliers thérapeutiques ne sont pas figés, avec une dynamique du traitement dans les deux sens, d’une augmentation mais également d’une réduction de la pression thérapeutique en fonction du contrôle, du résultat des EFR, et des facteurs de risque de crise. Il faut garder en mémoire qu’au moins les deux tiers des adolescents asthmatiques ont une maladie qualifiée de « légère ».

 
Qu’est-ce que tu ne fais pas par crainte d’être gêné par tes difficultés respiratoires ?
 

Communiquer avec le jeune

« Nombreux sont les adolescents asthmatiques qui passent au travers des mailles du filet, avec des symptômes négligés car anciens ou banalisés, considère le Dr Antoine Deschildre. Le médecin doit aller vers eux, leur parler en direct, afin de bien comprendre leurs symptômes respiratoires et leur retentissement (« Qu’est-ce que tu ne fais pas par crainte d’être gêné par tes difficultés respiratoires ? » ; « Qu’est-ce que tu aimerais réaliser mais que tu t’empêches de faire parce que tu sais que tu serais gêné ? ».) Ces questions permettent d’identifier un point d’accroche dans la vie du jeune, ici et maintenant (pratiquer du sport…), pour lui parler du traitement et du bénéfice qu’il peut tirer d’un bon contrôle de l’asthme.

Si le bilan (EFR...) relève de la compétence du pneumologue, le suivi par le médecin généraliste est crucial (continuité du traitement et ajustement, gestion des crises éventuelles, identification de problèmes spécifiques à l’adolescence…) dans le cadre d’un partenariat généraliste-spécialistes et d’un suivi rapproché de l’adolescent, coïncidant avec ses préoccupations. Il est facile de perdre un adolescent dans le suivi de son asthme. Par ailleurs, la prise en soins doit être globale et intégrer l’éducation thérapeutique de l’enfant et de ses parents. Plus âgé, l’adolescent doit bénéficier de l’organisation de la transition en prenant en compte la sévérité de son asthme. »

Déclaration de liens d’intérêt du Dr Antoine Deschildre : Interventions ponctuelles ou participation aux conseils scientifiques : ALK, Stallergènes-Greer, Astra Zeneca, GSK, Novartis, Sanofi, Regeneron, DBV technologies, Aimmune, Nestlé Health Science, Nutricia.

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