Trop de « bon » cholestérol pourrait aussi être néfaste

Dr Suzanne Heinzl

27 juin 2022

Berlin, Allemagne — Contrairement à l’idée répandue selon laquelle le cholestérol HDL (HDL-C) est toujours bénéfique, un taux de HDL-C très élevé (supérieur à 80 mg/dl) serait associé à un risque de mortalité accru chez les patients atteints de coronaropathie. C’est en tout cas la conclusion d’une étude de cohorte prospective et multicentrique menée aux États-Unis, et dont les résultats ont été publiés dans le JAMA Cardiology [1] .

« Cette étude aborde une lacune importante dans nos connaissances », déclare le Pr Arshed Quyyumi, auteur principal et directeur de l’Emory Clinical Cardiovascular Research Institute à Atlanta. « Les calculateurs de risque actuellement disponibles et fréquemment utilisés considèrent qu’un taux de HDL-C élevé est un facteur de protection. Mais cet effet protecteur est apparemment absent en cas de taux très élevé, et le risque peut même augmenter. »

Les comportements liés à la santé pourraient également jouer un rôle

Dans un éditorial accompagnant l’article, la Dr Sadiya Khan fait toutefois remarquer que l’association observée pourrait être la conséquence de facteurs perturbateurs résiduels [2]. « Dans un grand échantillon de population, le taux de cholestérol HDL et les associations observées sont peut-être principalement déterminés par des comportements liés à la santé, comme la consommation d’alcool », écrit la cardiologue de la Northwestern University Feinberg School of Medicine (Chicago).

Une mortalité plus élevée ?

Les résultats du groupe de recherche américain ne sont pas tout à fait surprenants : l’idée établie selon laquelle des taux élevés de HDL-C ont un effet protecteur sur le plan cardiovasculaire est de plus en plus remise en question par les données récentes.

Ainsi, deux études épidémiologiques menées au Danemark et au Canada ont montré une association entre un taux de HDL-C très élevé et une mortalité accrue dans la population normale. De plus, de nombreuses études menées au cours des dernières décennies n’ont pas réussi à réduire le risque cardiovasculaire en augmentant de manière pharmacologique le taux de HDL-C.

Quel est l’effet d’un HDL-C élevé en cas de coronaropathie ?

On ne connaissait pas les effets d’un taux de HDL-C très élevé chez les patients coronariens. Le premier auteur, Chang Liu (département de cardiologie de la faculté de médecine de l’université Emory à Atlanta), et ses collègues ont voulu vérifier l’existence d’un lien avec le risque général et le risque de mortalité cardiovasculaire, en se basant sur les données de 14 478 patients coronariens de la biobanque britannique UKB et de 5 467 patients analogues de la biobanque de l’Emory (EmCAB).

Sur une période de suivi moyenne de 8-9 ans dans l’UKB et de 6-7 ans dans l’EmCAB, les auteurs ont observé une association en forme de U. Les patients coronariens présentant un taux de HDL-C faible ou très élevé présentaient un risque accru en comparaison avec ceux qui présentaient un taux moyen.

Après ajustement pour différents facteurs de biais, les taux de HDL-C très élevés (> 80 mg/dl) dans la cohorte UKB étaient associés à un risque accru de décès toutes causes confondues (Hazard Ratio : 1,96) ou d’origine cardiovasculaire (HR : 1,71). Le groupe de comparaison affichait des valeurs de HDL-C comprises entre 40 et 60 mg/dl. Les résultats étaient comparables dans la cohorte EmCAB.

Les variantes génétiques ne jouent aucun rôle — mais le sexe, oui

Une analyse plus approfondie dans la cohorte UKB a montré que les polymorphismes génétiques associés à un taux élevé de HDL-C ne modifiaient pas les associations observées. En revanche, les analyses de sensibilité ont révélé que les hommes ayant un taux très élevé de HDL-C (supérieur à 80 mg/dl) présentaient un risque plus important de décès toutes causes confondues que les femmes.

« Notre étude de cohorte montre qu’un taux très élevé de HDL-C était paradoxalement associé à un risque accru de mortalité chez les patients atteints de maladie coronarienne », écrivent les auteurs. « Des rapports sur une telle association n’ont été publiés jusqu’à présent que pour les personnes sans maladie coronarienne connue. »

L'association entre un taux très élevé de HDL-C et le risque de mortalité pourrait être favorisée par l’existence de groupes hétérogènes de particules HDL-C, écrivent Chang Liu et son équipe. Ils pourraient jouer un rôle crucial, qui va au-delà du taux de HDL-C. En outre, l’effet des particules HDL-C pourrait passer d’anti-inflammatoire à pro-inflammatoire dans certaines circonstances, comme le stress oxydatif.

« D’autres études sont nécessaires pour identifier des mécanismes spécifiques en examinant la fonctionnalité de différents composants importants de l’apolipoprotéine HDL-C », concluent les auteurs. Entre-temps, Sadiya Khan, auteure de l’éditorial et rédactrice-en-chef du JAMA Cardiology, recommande de ne plus considérer les taux élevés de HDL-C comme automatiquement protecteurs : « Les médecins devraient considérer un taux très bas ou très élevé de HDL-C comme un signal d’alarme et mettre en place une prévention primaire et secondaire plus intensive, car la classification du HDL-C comme ‘’bon’’ cholestérol ne s’applique qu'aux valeurs allant jusqu’à 80 mg/dl. »

 

Cet article a été publié initialement sur Medscape.de et intitulé Das „gute“ Cholesterin kann auch schlecht sein: Sehr hohes HDL-Cholesterin ist bei KHK mit einem höheren Sterberisiko assoziiert.Traduction/adaptation du Dr Claude Leroy

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