France— « L’effondrement est proche », alertent les psychiatres, qui déplorent « ne plus être en capacité d’assumer les missions de services publics qui sont les nôtres ». Face à la gravité de la situation, l’Intersyndicale de la Défense de la Psychiatrie Publique (IDEPP), le Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP), le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH) et l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP) appellent à une journée de mobilisation le 28 juin prochain. Un rassemblement aura, notamment, lieu devant le ministère de la Santé à 14 heures. Une délégation, sans les présidents de syndicats, sera reçue par un "professionnel du ministère" à 14h30, indique le SPH.
La Dr Marie-José Cortès, présidente du SPH et la Dr Delphine Glachant, présidente de l’USP, tirent la sonnette d’alarme et s’en expliquent à Medscape.
Journée d’action et de grève le 28 juin prochain
« Il est rare que la psychiatrie se mobilise de cette façon », reconnaît le Dr Marie-José Cortès, psychiatre à l’hôpital de Mantes-la-Jolie (Yvelines) et présidente du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH). « Si nous le faisons, c’est parce que nous considérons que nous avons atteint une limite qui, si elle était dépassée, ne permettrait plus d’assurer la sécurité des soins ».
Quatre syndicats ou intersyndicales de psychiatres appellent à une journée d’action et de grève le 28 juin prochain, pour réclamer de meilleures conditions de travail.
« Je suis cheffe d’un pôle qui compte 50 lits d’hospitalisation classique et 6 lits de crise et de négociation de soins. J’ai seulement 7 postes occupés sur 15,3 ETP* ! », pointe le Dr Cortès.
*équivalent temps plein
Départs massifs sans retour
Pour elle, les conditions de travail sont assez variables selon les établissements, en fonction notamment des ressources humaines. « Elles dépendent du nombre de professionnels qui peuvent être mobilisés et mis à disposition pour répondre aux missions de service public sans devenir maltraitants, c’est-à-dire sans mettre en place de plans blancs, sans supprimer des congés aux professionnels de santé et sans les obliger à faire sans cesse des heures supplémentaires. La grande crise de la psychiatrie c’est une difficulté à maintenir le sens du travail dans des conditions dégradées. Cela conduit à des départs massifs sans retour », estime-t-elle.
Pour le Dr Cortès, malgré les annonces du président de la République suite aux Assises de la santé mentale, rien n’a changé. « La psychiatrie reste une discipline extrêmement oubliée par les interlocuteurs. Les unités de secteur ferment les unes après les autres et le nombre de médecins psychiatres publics se réduit à vue d’œil. Les professions paramédicales sont en grande difficulté aussi et les services sont obligés de fermer des lits d’hospitalisation car ils n’ont plus d’équipes assez étoffées », souligne-t-elle. « On voit venir le moment où on ne pourra accueillir que les patients difficiles voire dangereux. C’est catastrophique car ça ne permettra jamais de maintenir une continuité dans le parcours de soin des patients », s’alarme-t-elle.
Risques de fermetures
Cet été, elle note qu’un certain nombre d’unités sont menacées de fermeture faute de professionnels de santé. C’est le cas par exemple de l’unité de l’hôpital des Murets, dans le Val-de-Marne (94), où travaille le Dr Delphine Glachant, présidente de l’USP. « Faute de personnel infirmier, l’unité dans laquelle je travaille risque de fermer, ce qui obligera à répartir 25 patients sur le reste de l’hôpital, pour une quinzaine de lits disponibles en moyenne. Or, actuellement, durant les gardes, c’est déjà l’enfer pour avoir des chambres. Les patients attendent des heures aux urgences, ça fait monter la tension, on est obligés d’en attacher certains sur les lits. On nous demande de ne pas isoler ni contenir alors qu’on est de moins en moins nombreux dans les services ! », s’insurge-t-elle.
Elle dénonce aussi « une surcharge de travail administratif énorme qui conduit à une saturation totale. On n’est plus en mesure d’être disponibles pour les patients, on fait des soins de mauvaise qualité. Cela provoque un sentiment d’insatisfaction au travail qui amène beaucoup de gens à fuir », estime-t-elle. « Au quotidien, je suis dans une telle fatigue, usure et colère que je me sens maltraitante avec les patients et ça m’est insupportable de voir comment je travaille. Travailler en psychiatrie, à l'écoute des patients présentant une fragilité psychique, est à l'origine tellement passionnant, obligeant à une grande implication de soi pour soutenir l'autre....que c'est insupportable d'en arriver à un tel empêchement à exercer son métier », regrette-t-elle.
Embauches et revalorisations demandées
Parmi les revendications des syndicats figurent notamment l’embauche en nombre de professionnels pour faire fonctionner les centres médico-psychologiques, les soins ambulatoires et l’hospitalisation, une revalorisation générale des salaires de tous les personnels et une reconnaissance des qualifications des professionnels, l’arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits et la réouverture de lits et places autant que de besoin, mais aussi un changement radical dans la gouvernance, avec un véritable pouvoir de décision accordé aux médecins, aux personnels non médicaux et aux usagers. Les psychiatres demandent également l’arrêt de la réforme du financement de la psychiatrie, « qui introduit un compartiment à l’activité qui va venir modifier notre travail clinique selon des critères budgétaires, au profit d’une dotation « à l’habitant » », dénoncent-t-ils. L’USP réclame aussi « solennellement qu’il en soit fini de ces éternelles refontes de la loi concernant l’irresponsabilité pénale, qui vont toujours plus loin dans la « punissabilité » des malades mentaux ». L’USP exige « un plan et une réforme d’ampleur pour l’ensemble du service public de santé et du médicosocial » et « les moyens du rétablissement de la politique de secteur et/ou de sa mise en œuvre sur l’ensemble du territoire ».
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Crédit image de Une : BSIP
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Citer cet article: Les psychiatres appellent à la grève le 28 juin - Medscape - 27 juin 2022.
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