Un poliovirus (dérivé de vaccin) détecté dans les eaux usées de Londres

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

24 juin 2022

Londres, Royaume-Uni – Un poliovirus « dérivé du vaccin » a été découvert dans des échantillons d'eaux usées de la station d'épuration de Beckton, à Londres par l'Agence britannique de sécurité sanitaire (UKHSA) et l'Agence de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA)[1]. Des actions sont en cours pour déterminer l’origine et le niveau de propagation du virus mais aussi pour s'assurer de la couverture vaccinale des jeunes enfants londoniens qui pourraient avoir raté l’étape de la vaccination.

Détection du poliovirus de type 2 « dérivé du vaccin » : le signe d’une propagation

Dans le cadre de la surveillance de routine, il est normal qu’un à trois poliovirus « vaccinaux » soient détectés ponctuellement chaque année dans des échantillons d'eaux usées au Royaume-Uni, indique le communiqué du gouvernement britannique[1].

« Ces détections surviennent lorsqu'un individu vacciné à l'étranger avec le vaccin oral vivant contre la polio (VPO) se rend au Royaume-Uni et « excrète » des traces de poliovirus vaccinaux dans ses selles », expliquent les agences.

Ce qui inquiète les autorités, c’est la découverte de plusieurs virus étroitement liés génétiquement dans des échantillons d'eaux usées prélevés entre février et mai.

Cette nouvelle donne signifie que « le virus a continué d'évoluer ». Il est désormais « classé comme un poliovirus de type 2 "dérivé du vaccin" (VDPV2), qui, en de rares occasions, peut provoquer des maladies graves, une paralysie, chez les personnes qui ne sont pas complètement vaccinées », indique le gouvernement britannique.

« La détection d'un VDPV2 suggère qu'il est probable qu'il y ait eu une certaine propagation entre des individus dans le nord et l'est de Londres et qu'ils excrètent maintenant la souche de poliovirus de type 2 dans leurs selles ».

 
La détection d'un VDPV2 suggère qu'il est probable qu'il y ait eu une certaine propagation entre des individus dans le nord et l'est de Londres et qu'ils excrètent maintenant la souche de poliovirus de type 2 dans leurs selles.
 

Le virus n'a, à ce stade, été détecté que dans des échantillons d'eaux usées et aucun cas de paralysie n'a été signalé, mais les enquêtes viseront à déterminer s'il existe une transmission communautaire.

Poliovirus dérivés du vaccin : quèsaco ?

Parfois, le virus utilisé dans le vaccin redevient virulent notamment du fait des caractéristiques de l’hôte (nouveau-né, immunodéprimé). Il induit alors des cas de poliomyélite paralytique associée à la vaccination (PPAV).

Les virus atténués présents dans le vaccin antipoliomyélitique oral (VPO) peuvent, à l’issue d’une circulation prolongée dans l’environnement, chez un individu ou dans une collectivité insuffisamment immunisée, subir des modifications et acquérir des caractéristiques de virulence et de transmissibilité. On parle de poliovirus dérivés du vaccin (VDPV). Ces VDPV peuvent être à l'origine de cas isolés ou de flambées de poliomyélite paralytique, en particulier les VDPV issus du type 2 qui sont responsables de la grande majorité des épidémies.

En 2018, 104 cas de PPAV causés par des VDPV circulants ont été recensés, principalement sur le continent africain dans des populations insuffisamment immunisées. Pour la même raison, un foyer de cas lié à un cVDPV a été signalé en Ukraine en 2015.

« L’éradication à l’échelle mondiale des souches de type 2 sauvages en 2015 et le retrait des souches de type 2 du VPO [suite à la recommandation OMS de 2016] devraient limiter le risque d’épidémie dans les prochaines années », indiquait la Haute Autorité de Santé dans un document publié en 2019[2].

Source HAS : Stratégie vaccinale autour d'un cas de poliomyélite ou en cas de détection environnemental.

Quels risques pour la population ?

« Le poliovirus dérivé du vaccin est rare et le risque pour la population est extrêmement faible. Mais, le poliovirus dérivé du vaccin peut se propager, en particulier dans les communautés où le taux de vaccination est faible. En de rares occasions, il peut provoquer une paralysie chez les personnes qui ne sont pas complètement vaccinées. […]. La majorité de la population britannique sera protégée par la vaccination pendant l'enfance, mais dans certaines communautés où la couverture vaccinale est faible, des personnes peuvent rester à risque », a commenté la Dr Vanessa Saliba, épidémiologiste consultante à l'UKHSA qui a ajouté « nous enquêtons de toute urgence pour mieux comprendre l'étendue de cette transmission et il a été demandé au NHS de signaler rapidement tout cas suspect à l'UKHSA, bien qu'aucun cas n'ait été signalé ou confirmé jusqu'à présent ».

 
Le poliovirus dérivé du vaccin est rare et le risque pour la population est extrêmement faible. Mais, le poliovirus dérivé du vaccin peut se propager, en particulier dans les communautés où le taux de vaccination est faible. Dr Vanessa Saliba
 

Alertes et enquêtes en cours

L’OMS rapporte[3] que les enquêtes et l'intervention de l'Agence britannique de sécurité sanitaire en cours visent à :

  • évaluer à la fois l'origine et le risque de circulation associés à ces isolats ;

  • renforcer la surveillance du poliovirus, y compris des entérovirus et de l'environnement ;

  • explorer le rattrapage vaccinal de routine des enfants insuffisamment immunisés, y compris des familles récemment arrivées au Royaume-Uni en provenance de pays ayant récemment utilisé le vaccin polio oral contenant le type 2 ; et,

  • améliorer la communication sur cet incident auprès des professionnels de santé et des soignants.

12 cas de poliovirus vaccinaux en France depuis 2000

En France, suite à la vaccination obligatoire contre la poliomyélite en 1964, le nombre de cas a rapidement diminué. Le dernier cas de poliomyélite autochtone remonte à 1989 et le dernier cas importé à 1995, tous deux concernant des adultes.

En 1982, la recommandation d’utilisation préférentielle d’un vaccin injectable a été émise par la DGS pour limiter les cas de PPAV. Depuis, un seul cas de PPAV est survenu depuis 1982, et aucun cas n'est survenu depuis 1986. Le vaccin antipoliomyélitique oral n’est plus utilisé depuis 1992 en France, seul le vaccin antipoliomyélitique injectable VPI est disponible.

Le risque d’importation d’un VDPV est aujourd’hui plus important que celui d’importation d’un poliovirus sauvage dans la mesure où ce dernier ne circule plus qu’au Pakistan et en Afghanistan, alors que des cas de cVDPV ont été identifiés en 2018-2019 dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie.

Depuis la mise en place du réseau de surveillance renforcée des entérovirus en 2000, seuls des poliovirus vaccinaux ont été mis en évidence dans des échantillons cliniques. Au total sur la période 2000-2018, le centre national de référence (CNR) a identifié 12 poliovirus d’origine vaccinale chez des sujets en provenance de pays pratiquant la vaccination orale et ne présentant aucun signe pouvant faire évoquer une poliomyélite.

 

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