Paris, France — L’hypnoanalgésie est de plus en plus pratiquée aux urgences pour réduire les douleurs et aider les patients à se détendre pendant la prise en charge. Au cours du congrès Urgences 2022 , Olivier Picot, infirmier à l’hôpital Cochin (APHP, Paris), est venu parler de sa pratique de l’hypnose à visée analgésique dans le contexte des urgences [1]. Une approche qui a complètement changé son rapport aux soins et sa relation avec les patients.
L’hypnose est un état modifié de conscience proche du sommeil et de l’inconscient, une forme de rêverie éveillée permettant de se couper de son environnement extérieur. Cet état de transe hypnotique est induit par la parole à l’aide de suggestions ou de métaphores. Dans le cas de l’hypnoanalgésie, le thérapeute peut ainsi amener le patient à se focaliser sur autre chose que la douleur et à mieux gérer ses sensations et ses émotions pendant les soins.
Reconnaissance médicale en 2015
Cette approche suscite un intérêt croissant dans le domaine médical depuis la reconnaissance scientifique de son utilité dans un rapport de 2015 de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). En s’appuyant sur une cinquantaine d’étude, l’analyse a notamment montré que l’hypnose réduit le recours aux médicaments antalgiques ou sédatifs, tout en étant jugé sans risque.
Comme l’hypnosédation, qui consiste à appliquer l’hypnose en complément d’une substance anesthésique ou de sédatif pendant une intervention (soins dentaires, fibroscopie, etc.), l’hypnoanalgésie peut être inclue dans la pratique de professionnels de santé en milieu hospitalier, après une formation spécifique, en particulier dans la prise en charge de la douleur aux urgences.
Infirmier aux urgences de l’hôpital Cochin (AP-HP, Paris), Olivier Picot pratique l’hypnoanalgésie depuis cinq ans, après avoir suivi une formation de sept jours, à l’Institut français de l’hypnose « dans le cadre d’une initiative du groupe hospitalier pour former des paramédicaux ».
« L’hypnose a complètement changé ma pratique et ma manière de communiquer avec le patient », précise d’emblée l’infirmier, pendant sa présentation. « Les retours sont très positifs. Depuis que je pratique l’hypnose, je n’ai jamais été autant remercié par mes patients. Souvent, ils n’imaginaient pas disposer d’une telle ressource pour surmonter leur douleur ».
20 % des patients très réceptifs
L’hypnoanalgésie s’intègre dans la prise en charge comme outil complémentaire aux thérapies médicamenteuses utilisées dans la gestion de la douleur. Par ses suggestions, le thérapeute amène le patient à se focaliser sur d’autres éléments que la douleur, en lui proposant de se transporter grâce son imaginaire dans un lieu plaisant et relaxant, pour l’aider à faire abstraction de son environnement.
Mais, pour pouvoir agir sur l’imaginaire du patient, il faut qu’il soit au préalable dans un état dissociatif, pendant lequel il perd prise sur son environnement. Aux urgences, les conditions sont idéales pour obtenir une dissociation, explique Olivier Picot. « En arrivant aux urgences, les patients sont stressés, angoissés et n’ont plus de contrôle sur ce qui les entoure. Ils sont déjà plus ou moins dissociés ».
Dans ce contexte, l’hypnose est amenée naturellement et rapidement. « En cinq à six minutes, je peux amener un patient dans un état hypnotique ». Tous les patients sont réceptifs à l’hypnose, « encore faut-il en avoir envie », souligne l’infirmier. Ceux qui arrivent aux urgences dans un état de stress important et avec des douleurs difficiles à supporter sont les plus réceptifs à cette démarche.
« On considère que 20 % des patients arrivant aux urgences sont dans un état qui va les rendre très réceptifs à l’hypnose ». Il s’agit notamment de patients qui expriment à l’excès leur douleur ou adoptent un comportement sans exercer de contrôle sur soi. « Étonnamment, ces patients vont s’apaiser rapidement avec l’hypnose ».
Voyage intérieur
Première étape de l’hypnoanalgésie : l’induction. « Je demande au patient de se concentrer sur un point, sur ma voix ou sur sa respiration ». Avec le même ton de voix que le sien. « Si le patient hurle, s’agite en se plaignant de ses douleurs, je vais arriver avec la même intensité, ce qui peut amener à des situations parfois déconcertantes pour les collègues ». Au praticien ensuite de réduire progressivement l’intensité de l’échange.
« Une fois que son attention est focalisée, je lui demande de penser à un lieu qui lui plaît, à sa famille, à un événement agréable. Au préalable, je peux l’amener à décrire sa douleur, en y associant par exemple une couleur ou une forme. À partir de ces éléments, l’hypnose est renforcée en accentuant les idées positives. »
Le praticien accompagne le patient dans son voyage intérieur, en lui faisant des suggestions, en l’invitant à décrire ce qu’il visualise, « jamais en ordonnant ». Tous les sens sont mobilisés pour s’adapter au patient et orienter la séance. « Lorsqu’ils s’imaginent sur une plage, certains vont plus facilement décrire les lieux, d’autres préfèrent imaginer la sensation du soleil sur la peau ou encore le son des vagues. »
Le praticien aide ainsi à instaurer des pensées agréables, à se focaliser sur des souvenirs et à s’évader de l’instant présent. Le sujet est alors moins réceptif à son environnement et aux sensations désagréables. En diminuant le stress et l’anxiété, la perception de la sensation douloureuse est atténuée.
Gant « magique »
Plusieurs outils sont à disposition pour l’aider à conduire la séance et l’adapter au patient. Par exemple, il peut utiliser la technique du « gant magique » pour soulager la douleur. « On demande au patient en état hypnotique de visualiser le gant idéal à poser sur sa main ou celle du praticien, de décrire sa texture, son apparence. Ce gant imaginaire est ensuite appliqué sur la zone douloureuse pour la soulager. »
Longtemps assisté d’un autre professionnel de santé pendant la séance, l’infirmier pratique désormais l’hypnoanalgésie tout en appliquant les soins en simultané et notamment l’administration d’antalgique. L’effet de l’hypnose est souvent rapide et convainc les plus sceptiques. « Avant même la pose de perfusion, le patient est déjà apaisé alors qu’il n’a pas encore reçu d’antalgique. »
Une fois les soins pratiqués et le patient détendu, la séance est interrompue en provoquant un retour à l’état de conscience normal. « À nouveau, le retour est progressif. On peut peut faire un décompte de 5 à 0 ou laisser le temps aux patients en leur disant qu’ils peuvent revenir tranquillement d’eux-mêmes. »
Après une prise en charge qui peut s’avérer épuisante pour le patient, « on peut même le laisser s’endormir ».
Des formations multiples
Il existe plusieurs formations à l’hypnose. D’une durée de sept jours, celle de l’Institut français de l’hypnose suivie par Olivier Picot permet d’aborder les bases de l’hypnoanalgésie. « C’est un temps de formation minimum. Il est suffisant pour apprendre les diverses techniques et les mettre ensuite en pratique ».
Il existe aussi des formations plus longues ainsi que des diplômes d’université permettant de se former à l’hypnose avec une approche « un peu plus théorique ». Ces formations orientent davantage vers la pratique de l’hypnothérapie, qui s’emploie lors d’une prise en charge à plus long terme.
La compétence s’améliore avec l’expérience et par le partage avec les confrères qui pratiquent également l’hypnose, sans nécessairement passer par une formation continue, indique l’infirmier. Selon lui, « tout le monde peut pratiquer l’hypnoanalgésie », mais il faut toutefois oser se lancer, « sans avoir peur du ridicule ».
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Crédit image de Une : BSIP
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Citer cet article: Douleurs aux Urgences : l’hypnose a toute sa place - Medscape - 23 juin 2022.
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