Paris, France – Depuis avril 2022, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu’« une seule dose de vaccin contre les HPV permet d'obtenir une protection solide contre les virus qui causent le cancer du col de l'utérus, comparable aux schémas à deux doses ». Cette déclaration fait suite à une étude en Inde qui a permis de conclure à une efficacité équivalente d’une ou deux doses de vaccin.
Ces nouvelles données vont-elles mener à un changement des recommandations françaises ? Qu’en pensent les spécialistes français ? A l'occasion du 45ème congrès de la Société Française De Colposcopie Et De Pathologie Cervico-Vaginale (SFCPCV)[1], le Pr Geoffroy Canlorbe, secrétaire chargé du comité scientifique (service de chirurgie et oncologie gynécologique et mammaire, Pitié-Salpêtrière, Paris) a fait le point sur cette question.
Revenant sur l’étude indienne publiée dans le Lancet Oncology[2], le Pr Canlorbe a souligné que cette étude nécessitait « d’être confirmée par d’autres études » mais qu’elle restait « une excellente nouvelle dans les pays en voie de développement où l’accès à la vaccination est difficile ».
En revanche, ces données ne sont pas « extrapolables » à la France à ce stade, a indiqué l’intervenant lors de la conférence de presse du congrès[1].
Dans l’hexagone, où la couverture vaccinale contre les HPV est faible – estimée à 23,7%, ce qui place la France au 28ème rang sur 31 en Europe – la situation est différente : « ici, la mauvaise couverture vaccinale n’est pas liée à des problèmes d’organisation des soins mais à une défiance vis-à-vis de la vaccination. Ici, les personnes qui font leur première dose font les suivantes ». Or, le fait de faire deux à trois doses permet d’augmenter la production d’anticorps et d’obtenir une réponse au vaccin plus durable, a insisté l’expert.
Il a par ailleurs rapporté plusieurs limites de l’étude indienne. L’étude qui avait initialement prévu d’inclure 20 000 patientes en a finalement enrôlées environ 17 000 réparties dans trois bras : 1 dose, 2 doses et 3 doses. Aussi, l’objectif principal qui devait initialement porter sur les lésions précancéreuses et cancéreuses s’est finalement réduit au portage HPV. Or, dans environ 90 % des cas, l'infection à HPV disparaît spontanément dans les 2 ans sans induire de lésions. Enfin, les femmes enrôlées étaient des femmes indiennes, les résultats ne peuvent donc pas forcément être généralisés à la population française.
« Ces données doivent être confirmées mais, à ma connaissance il n’y a pas de nouvelles études en cours. L’étude indienne va, en revanche, se poursuivre », a ajouté le Pr Canlorbe.
« Je pense que pour l’instant, chez nous, il faut rester sur les études déjà disponibles qui ont montré qu’il y a une efficacité avec 2 ou 3 doses avec une innocuité prouvée », a conclu l’intervenant citant une étude récente portant sur le programme national de vaccination anti-HPV en Angleterre où la couverture vaccinale est de 80%[3].
Ce programme a été associé à une diminution du risque de lésions précancéreuses de 95% et une réduction du nombre de cancers de 87%. Des données qui viennent conforter les bons résultats déjà obtenus par la Suède et l’Australie.
Commentant la position de l’OMS, qui diffère donc de celle des experts français, le Dr Jean-Luc Mergui, ancien Président de la SFCPCV (gynécologue, département de Colposcopie & Hystéroscopie Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris) a donné une comparaison parlante : « L’OMS recommande aussi six mois d’allaitement comme moyen de contraception mais ce n’est pas ce qui est recommandé en France car il y a quand même des risques ».
L’étude indienne en bref
Partha Basu (Centre international de recherche sur le cancer Circ à Lyon) et ses collègues ont comparé l'efficacité d'une seule dose de Gardasil ® à deux et trois doses pour prévenir les infections HPV 16 et 18.
Le protocole prévoyait le recrutement de 20 000 participantes Indiennes non mariées de 10-18 ans. Débutées en septembre 2009, les inclusions ont été suspendues en avril 2010 (alors que 17 729 jeunes avaient été incluses) à la suite d'une décision du gouvernement indien d'interrompre tout recrutement dans des essais évaluant la vaccination HPV en raison de 7 décès inexpliqués dans une autre étude non reliée à celle analysée par Partha Basu.
Après la suspension du recrutement, l'essai qui initialement devait être randomisé, a été converti en étude prospective longitudinale.
Les participantes ont été suivies pendant une médiane de 9 ans : 4348 avaient reçu trois doses, 4980 deux doses et 4949 une seule. Des prélèvements locaux ont été effectués soit 18 mois après le mariage soit 6 mois après la naissance du premier enfant puis annuellement chez les femmes mariées de plus de 25 ans.
Le taux d'efficacité préventive pour les infections par les HPV 16 et 18 - génotypes responsables de 70% des cancers - était similaire dans les trois groupes. Il était de 95,4% (95% CI : 85,0–99,9 évalué sur 2135 femmes) après une dose, 93,1% après deux doses (95% CI : 77,3–99,8 sur 1 452 femmes) et 93,3% après trois doses (95% CI : 77,5-99,7 sur 1 460 femmes).
Le Pr Canlorbe n’a pas de lien d’intérêt en rapport avec le sujet.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Une seule dose de vaccin anti-HPV ? Ce qu’en pensent les experts français - Medscape - 22 juin 2022.
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