POINT DE VUE

Grève aux Urgences de Purpan : « Malheureusement les médecins ne s'impliquent pas dans la mobilisation »

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

20 juin 2022

 

Actualisation au 5 juillet 2022 — Pour la  cinquième semaine d'affilée, un mouvement de grève impacte les urgences de l'hôpital Purpan à Toulouse. L'accueil des patients s'annonce encore perturbé ce mardi 5 juillet 2022. Seules les urgences envoyées par le SAMU (Allo 15) sont accueillies. Les urgences de Rangeuil ne sont pas impactées.

 

 

France / 20 juin 2022 —  Après les CHU de Bordeaux, Grenoble, ou encore le CHR d'Orléans, c'est au tour du CHU de Toulouse de réduire la voilure, en termes d'accueil des patients. Dans un tweet daté du 12 juin dernier, la direction du CHU de Toulouse annonce qu'en « raison d'un mouvement massif de grève, le service des urgences adultes de Purpan accueille uniquement les urgences vitales à compter du lundi 13 juin à 18 heures ».

Car depuis le 6 juin, le services des urgences du CHU de Toulouse s'est mis en grève pour obtenir plus de personnels, que lui refuse pour le moment la direction. La grève, perlée, devrait être reconduite la semaine prochaine.

Pauline Salingue

D'ores et déjà, le personnel des urgences psychiatriques de Toulouse a rejoint le mouvement. Pauline Salingue, déléguée générale de la CCGT CHU de Toulouse, nous explique pourquoi les paramédicaux se sont mis en grève, tout en espérant que les médecins les rejoignent.

Comment s'annonce l'été au CHU de Toulouse ?

Pauline Salingue : Pas bien du tout, surtout si l'on doit faire face à des épisodes de canicule. D'autres établissements dans la région vont fermer, donc les patients vont être redirigés vers le CHU de Toulouse. Et le SAU ne sera pas le seul service impacté : par exemple, le service de prise en charge neurologique des AVC du centre hospitalier de Tarbes a fermé pour une durée indéterminée, donc leurs patients sont dispatchés entre Toulouse et Pau. Nous craignons le pire pour cet été, surtout si la direction n'accède pas aux demandes du personnel, en termes d'embauches. La direction, qui plus est, n'est pas dans l'incapacité d'embaucher mais refuse de le faire, pensant que les personnels sont en nombre suffisant pour assurer la prise en charge des patients dans le service. C'est ce qu'ils nous ont répondu jeudi dernier lors des négociations : les Urgences n'ont pas besoin de plus de personnels.

 
Nous craignons le pire pour cet été.
 

Au-delà des urgences, y a-t-il d'autres services en difficulté au CHU de Toulouse ?

Pauline Salingue : oui, bien sûr. Il faut aussi ajouter que les urgences psychiatriques ont rejoint la mobilisation des urgences. Nous venons de recevoir le bilan social, sur l'année 2021, nous avons comptabilisé 360 équivalents temps plein d'heures supplémentaires.

 
Sur l'année 2021, nous avons comptabilisé 360 équivalents temps plein d'heures supplémentaires.
 

Cette situation est-elle spécifique au CHU de Toulouse ?

Pauline Salingue : La problématique est la même au niveau national, selon des modalités différentes. Dans certains CHU, la situation est pire. Au CHU de Toulouse, la situation est mauvaise, mais grâce à la mobilisation des équipes, nous avons réussi en certains endroits à gagner des effectifs. Aux urgences en 2019 nous avons gagné des effectifs. Si bien que, au global, nous ne partageons pas la situation d'autres hôpitaux qui sont dans l'obligation de fermer des services. Mais j'insiste sur ce fait : les services qui ont vu le nombre de leurs personnels augmenter sont ceux qui se sont mobilisés, au travers de grèves, de mobilisations des CHSCT, etc.

Medscape édition française : Où en est la grève ?

Pauline Salingue : La grève a débuté le 6 juin, et reconduite le 13 juin. La grève n'est pas continue, les personnels ont pour le moment observé une journée et demie de grève par semaine, mais le préavis de grève déposé est illimité. Comme la direction ne recule sur rien, les grévistes ont décidé de faire grève de nouveau prochainement. La date n'est pas encore annoncée publiquement, elle le sera 48 heures avant le début de la grève.

La direction maintient-elle le plan blanc décidé pour assurer le service minimum pendant la grève ?

Pauline Salingue : ce plan blanc était très bizarre. Par exemple, entre autres anomalies, il n'a pas été numéroté. Nous avons aussi lu, dans la presse, que la direction allait gérer la canicule grâce au plan blanc mis en place pour faire face à la grève…

En tant que personnel du CHU de Toulouse, ressentez-vous les effets du plan blanc ?

Pauline Salingue : Nous sommes dans une situation de plan blanc en permanence : le quota de nos heures supplémentaires explose continument, le nombre de lits fermés en moyenne par jour au CHU de Toulouse se situe entre 180 et 200 lits, et ce par manque de personnels. La direction affirme que dans le cadre de ce plan blanc, elle n'a pas déprogrammé d'opérations, mais c'est dur de le savoir. En tous les cas, le déclenchement du plan blanc n'est pas une grande innovation en soi, pour faire face à une grève.

C'est avant tout de la communication alors ?

Pauline Salingue : oui, c'est cela. Je ne peux vous dire quelles sont les incidences matérielles, palpables, de ce plan blanc. Je sais qu'ils ont fait revenir des infirmières retraitées pour la journée de grève, mais pour la nuit, ils n'ont trouvé personne.

 
Je sais qu'ils ont fait revenir des infirmières retraitées pour la journée de grève, mais pour la nuit, ils n'ont trouvé personne.
 

Quelles sont les revendications des personnels en grève ?

Pauline Salingue : des embauches, 22 infirmier.es et 18 aides-soignant.es de plus, pour garantir trois binômes supplémentaires aides-soignant.es/IDE par semaine.

Quid du personnel médical ?

Pauline Salingue :  Nous pensons qu'il n'y a jamais suffisamment de personnel, y compris médical. Malheureusement, les médecins ne s'impliquent pas dans la mobilisation. La cheffe de service a été jusqu'à déclarer à la presse qu'il n'y avait pas de "lits couloirs" au CHU de Toulouse... Pourtant nous avons des photos qui prouvent le contraire. Les taux d'occupation sont de 230% parfois... Nos intérêts, avec les médecins, sont communs, ce sont les patients. Aujourd'hui nous pensons que tout le monde doit se mobiliser. Les psychiatres de Haute-Garonne se mobilisent et ont publié une lettre ouverte pour dénoncer la situation des urgences psychiatriques du CHU de Toulouse et du manque de lits d'aval. Il y a quelques médecins qui se mobilisent, mais jamais de manière massive. Mais nous ne désespérons pas d’y arriver un jour.

 
La cheffe de service a été jusqu'à déclarer à la presse qu'il n'y avait pas de "lits couloirs" au CHU de Toulouse... Pourtant nous avons des photos qui prouvent le contraire.
 

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....