Les manipulateurs radio, un métier en forte tension

Anne-Gaëlle Moulun

Auteurs et déclarations

17 juin 2022

France — Il manquerait plus de 2000 manipulateurs radio en France, d’après l’Association française du personnel paramédical d’électroradiologie (AFPPE). Son président, Mathieu Caby, explique les difficultés de la profession et ses conséquences pour les services de soins.

Une pénurie depuis quatre ou cinq ans

Les infirmier.es et aides-soignant.es ne sont pas les seules professions en difficulté dans les hôpitaux français. Les manipulateurs d'électro-radiologie médicale (MERM), profession beaucoup plus méconnue, sont également en pénurie.

L’association française du personnel paramédical d’électroradiologie (AFPPE) estime à plus de 2000 le nombre de manipulateurs radio manquant dans les services à travers la France, même si ce chiffre est difficile à évaluer. « Un rapport de l’IGAS paru en 2020 a montré que l’effectif des manipulateurs radio en exercice était surestimé par rapport à la réalité », souligne Mathieu Caby.

 
La pénurie a commencé il y a quatre ou cinq ans, avec un système de recrutement qui a changé et avec la mise en place de Parcoursup
 

Dans son rapport, l’IGAS évalue cet effectif à 27 à 28 000 professionnels, très inférieur aux 37 000 recensés en 2019. Elle note que ce métier est « en tension depuis 2017 face au dynamisme des activités d’imagerie en coupes, de radiologie interventionnelle, de radiothérapie et de médecine nucléaire » et souligne que « ces difficultés de recrutement alimentent une concurrence sur les rémunérations entre établissements de santé et centres de radiologie et peuvent aller jusqu’à des situations de pénurie aigüe ».

« La pénurie a commencé il y a quatre ou cinq ans, avec un système de recrutement qui a changé et avec la mise en place de Parcoursup », remarque Mathieu Caby. « Nous sommes également face à une génération d’étudiants qui change plus facilement d’orientation. L’appareil de formation est en mesure de former 1700 étudiants, mais on se retrouve finalement avec 1400 diplômés », pointe-t-il.

Perte de chance pour les patients

Cette pénurie engendre des difficultés de gestion des plannings, avec un allongement des journées de travail pour les manipulateurs radio, mais aussi parfois des limitations d’ouverture de machines voire des fermetures en imagerie ou en radiothérapie. « Cette situation, couplée à une demande d’imagerie qui s’accroît au niveau national, conduit à des pertes de chances pour la prise en charge des patients », alerte-t-il.

 
aujourd’hui c’est un peu la course entre les différentes structures pour offrir des avantages aux manipulateurs radio
 

Pour lui, la désaffection de l’ensemble des formations paramédicales en France, amplifiée par le Covid, est notamment due aux difficultés actuelles dans les hôpitaux. « Cela n’incite pas les jeunes à venir, d’autant plus que la rémunération n’est pas très attractive pour un diplôme obtenu en 3 ans d’études », estime Mathieu Caby. En sortie d’études, un manipulateur radio dans la fonction publique touche 1800 euros nets pour un premier échelon. « Cela peut être davantage dans le privé, mais cela dépend des territoires », explique-t-il.

Par ailleurs, la profession de manipulateur radio est très largement méconnue. « On connaît le métier d’infirmière, de médecin ou d’aide-soignant, mais très peu celui de manipulateur radio, même si beaucoup de patients passent par la case imagerie ! », note le président de l’AFPPE. « C’est une grosse difficulté de communiquer sur la profession et notamment de parvenir à toucher les lycéens, à part en allant directement leur parler sur le terrain », estime-t-il.

Dans le CHU où il travaille, à Reims, 180 000 actes d’imagerie sont réalisés par an et trois postes sont manquants. « Sur la région Grand Est, il manque une centaine de postes », souligne-t-il.

Résultat, « aujourd’hui c’est un peu la course entre les différentes structures pour offrir des avantages aux manipulateurs radio ».

Avantages pour les nouveaux embauchés à l’AP-HP

A l’AP-HP par exemple, où 50 manipulateurs radio manquent à l’appel sur un effectif de 1330 au total, les ressources humaines ont mis en place plusieurs mesures d’attractivité : accompagnement de chaque agent de l’AP-HP souhaitant devenir MERM et réussissant le concours, par la prise en charge systématique de sa formation au titre de la promotion professionnelle ; financement des études d’étudiants en formation initiale à l’IFMEM : contrats d’allocation d’études, avec le principe d’une rémunération et de la prise en charge des études en échange d’un engagement de servir à l’AP-HP à la diplomation.

 
Un MERM qui sort d’école et qui est recruté à l’AP-HP touche le 1er mois plus de 2000 euros net
 

Mais aussi recrutement des MERM en qualité de fonctionnaire dès l’embauche, leur permettant l’accès à certaines primes dont la prime de service et une progression de carrière assurée ; accès à des logements à prix attractifs pendant 18 mois, par un dispositif réservé aux métiers en tension ; et ouverture depuis le 1er mai de la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires dites « surmajorées » dans le cadre du Ségur. Concrètement, il s’agit d’heures supplémentaires qui sont mieux payées que des heures supplémentaires classiques. Un MERM qui sort d’école et qui est recruté à l’AP-HP touche le 1er mois plus de 2000 euros net (prime de service inclue). Avec un contrat de 20 heures supplémentaires Ségur par mois, il peut toucher 2500 euros/mois. Cela a déjà permis de faire réaugmenter les effectifs depuis 2021, après une baisse entre 2017 et 2020.

Mais pour Mathieu Caby, « les besoins actuels nécessitent d’augmenter les quotas de formation, ce qui implique que les régions et l’Éducation nationale s’orientent dans cette direction. Or, malgré toutes les alertes lancées depuis deux ans, rien n’a changé de la part des tutelles ! », déplore-t-il.

Le seul changement est venu du terrain, où les écoles sont parvenues à augmenter de 10 % leurs agréments de formation en première année. « Il faudrait que nous parvenions à former 2000 manipulateurs radio chaque année », plaide Mathieu Caby.

 
Il faudrait que nous parvenions à former 2000 manipulateurs radio chaque année
 

« Nous avons la chance d’avoir un métier très dynamique qui évolue au gré des évolutions de technologies. Nous sommes à la pointe du progrès en termes d’imagerie médicale.  Nous sommes au plus près du patient et nous arrivons à produire des images fantastiques. C’est plutôt valorisant. Il faut que nous parvenions à mieux communiquer là-dessus auprès du plus grand nombre », conclut-il. L’an dernier, l’AFPPE a partagé des vidéos sur sa page Facebook pour communiquer sur le métier. De son côté, l’AP-HP prévoit des campagnes de sensibilisation dans les lycées pour susciter des vocations.

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