Atlanta, Etats-Unis – Deux potentiels contraceptifs oraux masculins à prise unique quotidienne ont franchi une première étape, en montrant un degré de suppression de la testostérone qui devrait être suffisant pour obtenir un effet contraceptif sans provoquer d'hypogonadisme symptomatique, selon les résultats d'une étude de phase 1 qui seront présentés au congrès de l’ENDO 2022.
Diminution marquée de la production de testostérone
Deux pilules sont en cours de développement et les études menées jusqu'à présent suggèrent que les deux ou une combinaison des deux pourraient être en mesure de fournir un équilibre acceptable d'efficacité et de tolérance, selon Tamar Jacobsohn, chercheur au sein du programme de développement des contraceptifs (Eunice Kennedy Shriver National Institute of Child Health and Human Development, Bethesda, Maryland).
Les deux médicaments évalués dans cette étude sont le diméthandrolone undécanoate (DMAU) et le 11b-méthyl-19-nortestostérone-17b-dodécylcarbonate (11b-MNTDC). Tous deux sont des prodrogues bifonctionnelles ayant des effets androgènes et progestatifs. Les promédicaments sont conçus pour être clivés après ingestion, de sorte que les hormones actives sont libérées sur une période de 24 heures, ce qui permet une prise quotidienne unique.
« En tant qu'androgènes puissants, ces stéroïdes suppriment la sécrétion de gonadotrophines, ce qui entraîne une diminution marquée de la production de testostérone dans le sérum », a expliqué Tamar Jacobsohn dans une interview.
Toutefois, elle a fait remarquer qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir sur cette voie de recherche. Si les études de phase 1 ont montré que le produit était bien toléré, les processus biologiques impliqués dans la suppression de la production de spermatozoïdes suggèrent que les hommes devraient prendre ces pilules quotidiennement pendant environ 3 mois au tout début du traitement contraceptif, jusqu'à ce que la suppression des spermatozoïdes soit suffisante pour empêcher une grossesse.
« Nous travaillons à la réalisation d'un essai de phase 2 qui comprendra un critère d'efficacité contraceptive, mais il y a beaucoup d'étapes à franchir pour y parvenir, notamment d'autres études de phase précoce », a-t-elle noté.
« Il existe un énorme besoin non satisfait en termes de méthodes de contraception masculine », a déclaré la Dr Arthi Thirumalai, endocrinologue et professeure adjointe de médecine à la faculté de médecine de l'Université de Washington à Seattle.
Auteure principale d'un article de synthèse sur la contraception masculine paru en 2020, la Dr Thirumalai a déclaré dans une interview que les prodrogues et autres méthodes hormonales visant à réduire la testostérone et à supprimer la production de spermatozoïdes sont intéressantes en raison de leur facilité d’utilisation, de leur efficacité et de leur réversibilité.
« Nous espérons que les formulations orales pourront être utilisées pour répondre à ce besoin », a déclaré la Dr Thirumalai, qui a participé à plusieurs études expérimentales et cliniques sur les méthodes de contraception masculine, dont celles présentées par Tamar Jacobsohn.
Tamar Jacobsohn a souligné : « Le développement d'une méthode de contraception masculine efficace et réversible améliorera les choix de reproduction pour les hommes et les femmes, aura un impact majeur sur la santé publique en diminuant les grossesses non désirées, et permettra aux hommes de jouer un rôle de plus en plus actif dans la planification familiale ».
Résultats de la phase 1 avec DMAU et MNTDC
Les travaux qui ont conduit aux études de phase 1 ont suggéré que chacun des médicaments – DMAU et MNTDC – pourrait fournir une suppression hormonale adéquate pour réduire le nombre de spermatozoïdes sans induire de symptômes inacceptables d'hypogonadisme. Pour tester cette possibilité, des études de phase 1 à doses variables ont été menées avec chacun d'entre eux. Le critère étudié était la suppression de la testostérone.
Dans les deux études de phase 1a contrôlées par placebo, présentées sous forme de poster, des hommes en bonne santé ont été répartis au hasard pour prendre soit les deux pilules de traitement actif, soit quatre pilules de traitement actif ou un placebo. Dans les deux études combinées, 39 sujets ont reçu du DMAU, 30 du 11b-MNTDC et 28 un placebo.
L'efficacité a été évaluée en mesurant les niveaux de testostérone. La tolérance a été largement basée sur les questionnaires des patients.
Au bout de 7 jours, les taux de testostérone sont restés aux niveaux de référence (400 à 600 ng/dL) chez ceux qui ont reçu le placebo. Les taux sont tombés à <100 ng/dL chez tous les sujets affectés à un agent actif, quel que soit la molécule ou la dose.
Entre le 7e et le 28e jour, la suppression médiane de la testostérone était moins importante sous 200 mg que sous 400 mg par jour (92,7 ng/dL contre 49,6 ng/dL ; P < 0,001), mais dans les deux cas, le taux est resté inférieur à la cible de 100 ng/dL, a indiqué Tamar Jacobsohn.
La différence de degré de suppression de la testostérone n'a pas semblé influencer la tolérance.
Les sujets prenant quatre comprimés par rapport à deux comprimés par jour « n'ont pas signalé de différence significative dans la satisfaction générale ou dans leur volonté d'utiliser les comprimés à l'avenir ou de les recommander à d'autres hommes », a déclaré Tamar Jacobson, avec des valeurs P chez les sujets sous traitement actif par rapport au placebo non significatives, allant de 0,48 à 0,85.
Dans l'ensemble, il n'y a pas eu d'effets indésirables graves. Des effets secondaires légers associés à l'hypogonadisme sont survenus, mais « tous se sont résorbés à la fin de l'étude », a-t-elle précisé.
La production zéro de sperme n'est pas le but. La réduire suffisamment l'est
Selon M. Thirumalai, il y a un besoin fort en contraceptif masculin. Alors que les préservatifs ont un taux d'échec substantiel, la vasectomie n'est pas réversible de manière fiable, même si la majorité des hommes s'accordent à dire que la responsabilité de la prévention des grossesses devrait être partagée, dit-elle.
Le précédent article de synthèse de Thirumalai a révélé que des essais cliniques de suppression hormonale pour assurer la contraception masculine sont menés depuis au moins 30 ans. La difficulté est de trouver un traitement efficace et bien toléré.
Les médicaments qui combinent une activité androgénique et progestative pourraient être la solution. En utilisant les hormones qui diminuent la testostérone, la production de spermatozoïdes est réduite sans éliminer la capacité de l'homme à éjaculer. La production zéro de spermatozoïdes n'est pas le but recherché, selon les données de l'article de synthèse de Thirumalai.
Les études suggèrent plutôt qu’un éjaculat qui contient moins d'un million de spermatozoïdes par ml (les niveaux se situent généralement entre 15 et 200 millions de spermatozoïdes/ml) procure une efficacité anti-grossesse similaire à celle obtenue avec les contraceptifs oraux féminins.
Toutefois, des essais cliniques visant à démontrer que ce résultat peut être atteint en toute sécurité doivent encore être menés.
Selon Tamar Jacobsohn, la demi-vie des spermatozoïdes est d'environ 3 mois. Cela signifie que les patients devraient suivre un traitement hormonal pendant (environ) cette durée avant d'obtenir une contraception fiable.
En d'autres termes, le critère d'efficacité utilisé dans cette étude [d'une durée de 28 jours] ne garantit pas une contraception efficace, mais Tamar Jacobsohn a suggéré qu'il s'agissait néanmoins d'une étape importante dans le développement clinique.
Tamar Jacobsohn et Arthi Thirumalai ne signalent aucune relation financière pertinente.
L’article a été publié initialement sur Medscape.fr sous l’intitulé Male Contraceptive Pill Appears Feasible in Very Early Trials. Traduit par Stéphanie Lavaud.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Pilule contraceptive masculine : des essais en phase précoce prometteurs - Medscape - 15 juin 2022.
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