Cancer du rectum dMMR : une réponse clinique complète enthousiasme les experts de l'ASCO

Pam Harrison

Auteurs et déclarations

15 juin 2022

Chicago, Etats-Unis – Des patients atteints d'un cancer rectal localement avancé dont la tumeur présente un déficit de la réparation des mésappariements de l’ADN, qu’on appelle Mismach repair déficient (dMMR), ont répondu remarquablement à l'anti-PD1 dostarlimab (Jemperli).

Les 12 participants ont présenté une réponse clinique complète ce qui a permis de mettre en place un suivi seulement observationnel, sans chirurgie ni chimioradiothérapie. Il faut savoir que 5 à 10 % des patients sont atteints d'un cancer rectal avec un dMMR. Les résultats, exceptionnels, ont été présentés au congrès de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO)[1] et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine[2]. A l'occasion de la présentation à Chicago, l'équipe a actualisé ses résultats et annoncé que 14 patients étaient aujourd'hui en rémission complète, ce qui lui a valu une standing ovation de l'assistance. L'éditorial du NEJM salue les résultats mais appelle toutefois à ne pas abandonner les traitements habituels [3].

« Les conséquences pour la qualité de vie sont considérables, en particulier parmi les patients pour lesquels le traitement affecterait la capacité d'avoir des enfants. Etant donné que le cancer rectal augmente parmi les jeunes adultes en âge de procréer, l'utilisation d'un anti-PD1 qui permet de se passer de la chimioradiothérapie et de la chirurgie confèrerait un bénéfice particulier à ce groupe de patients », commentent les auteurs, menés par la Dr Andrea Cercek (Memorial Sloan Kettering Cancer Center, New York, Etats-Unis).

Dostarlimab hors AMM

En plus des 12 patients dont les cas sont détaillés dans l'étude, quatre autres patients ont reçu au moins une dose de dostarlimab et leur traitement est en cours.

La plupart des patients a eu effets indésirables, mais aucun de grade 3 ou plus. Les effets indésirables de grade 1 ou 2 étaient un rash, du prurit, de la fatigue, des nausées et, pour un patient, des dysfonctions thyroïdiennes.

Les auteurs font l'hypothèse qu'en plus de la charge mutationnelle tumorale associée au déficit de réparation des mésappariements, un facteur extrinsèque à la cellule tumorale, comme le microbiome, pourrait expliquer la réponse exceptionnellement bonne aux anti-PD1 dans cette population de patients.

Ne pas s'emballer trop vite

Les résultats de cette étude apportent « un bel élan d'optimisme, mais une telle approche ne peut pas encore supplanter notre approche curative actuelle », a commenté la Dr Hanna Sanoff (University of North Carolina, Chapel Hill, Etats-Unis) dans un éditorial qui accompagne l'article. Elle y soulève toutefois des questions qui replacent les résultats dans une réalité complexe.

Elle indique par exemple que des récidives du cancer ont été observées malgré des réponses cliniques complètes. Par exemple, elle prévient que le cancer peut se réactiver chez 20 à 30 % de des patients qui pourtant avaient eu une réponse clinique complète avec de la chimioradiothérapie. L'auteur de l'éditorial indique aussi que des rechutes ont été observées avec l'approche de l'inhibition de PD-1 dans le cancer colorectal métastatique avec dMMR. Dans l'essai KEYNOTE-177 avec le pembrolizumab (Keytruda), seulement 55% des patients étaient encore en vie sans progression du cancer à 12 mois et parmi les patients qui présentaient une réponse initiale forte, seulement 70 % étaient encore répondeurs trois ans plus tard. « On ne sait pas combien de temps est nécessaire pour que la réponse clinique complète au dostarlimab puisse être considérée comme une guérison », rappelle-t-elle.

Autre bémol à l'enthousiasme général : l'étude a été menée dans un centre d'excellence de lutte contre le cancer américain, le Memorial Sloan Kettering Cancer Center. Différents examens – IRM rectale, endoscopie visuelle et toucher rectal – ont été réalisés pour mesurer la réponse clinique complète qui a été vérifiée par l'absence de cellule tumorale résiduelle sur des biopsies réalisées par endoscopie et l'absence de recapture de 18 F-fluorodéoxyglucose au PET scan. Dans son éditorial, Hanna Sannof rappelle que de telles expertises ne sont pas disponibles partout et que sans la possibilité d'interpréter au mieux ces examens pointus, les patients pourraient passer à côté de l'opportunité d'une résection curative en cas de réapparition de la tumeur.

Enfin, elle prévient que la décision de ne pas poursuivre de traitement et de se contenter d'un suivi consistant à seulement observer les patients requiert une surveillance très rapprochée.

L'étude a été financée entre autres par la Eve Colin Foundation, GlaxoSmithKline, et Stand Up to Cancer.

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé « 'Great Optimism' Over Complete Responses in dMMR Rectal Cancer ».  Traduit/adapté par Marine Cygler.

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....