Statines et diabète : une relation complexe

Rédaction Univadis

14 juin 2022

Nouvelle Orléans, Etats-Unis — Les statines font partie des médicaments les plus prescrits dans le monde. Il reste pourtant encore beaucoup à comprendre sur leurs avantages et leurs inconvénients. Lors d’un mini-symposium présenté lors des 82e sessions scientifiques de l’Association américaine du diabète (American Diabetes Association, ADA), le Dr Naveed Sattar de l’Université de Glasgow (University of Glasgow) et le Dr David Preiss de l’Université d’Oxford (University of Oxford) ont discuté des liens complexes entre statines et diabètes de type 1 et 2.

Statines dans le diabète de type 1 (Naveed Sattar, Royaume-Uni)

Selon le modèle de prédiction du risque QRISK3, le risque de maladie cardiovasculaire (MCV) est 3 à 5 fois plus élevé chez les personnes atteintes d’un diabète de type 1 (DT1) que chez la population générale. De même, le risque d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite est significativement plus élevé chez les personnes atteintes d’un DT1 que chez celles atteintes d’un diabète de type 2 (DT2) et celles sans diabète. L’hyperglycémie est susceptible d’être un facteur indépendant responsable du risque de MCV dans le cadre du DT1.

Le cholestérol à lipoprotéines de basse densité reste un agent modifiable clé dans le développement des MCV chez les patients atteints d’un DT1. Des données robustes issues d’essais contrôlés randomisés et d’études observationnelles ont établi que les statines sont efficaces pour réduire les événements cardiovasculaires chez les patients atteints d’un DT1.

Chez les patients atteints d’un DT1, le risque de MCV augmente fortement après l’âge de 40 ans. Un cinquième d’entre eux sont susceptibles de présenter une MCV avant l’âge de 50 ans et la moitié d’entre eux avant le milieu de la soixantaine. Le Dr Sattar justifie l’instauration d’un traitement par statines chez tous les patients âgés de plus de 55 ans ou 60 ans, quels que soient les facteurs de risque. Chez les patients plus jeunes, un score de risque peut être utilisé pour déterminer l’instauration de statines ; cependant, les scores de risque pourraient devoir être recalibrés en fonction des taux d’événements dans chaque pays.

On peut supposer qu’il est plus bénéfique d’instaurer des statines à une dose plus faible plus tôt que de commencer à une dose plus élevée plus tard mais le fait de devoir prendre des comprimés plus tôt dans la vie comporte un aspect douloureux. L’intolérance aux statines constitue une préoccupation mais les taux réels restent faibles et l’ézétimibe est une bonne alternative pour ceux qui ne peuvent pas tolérer les statines.

Utilisation de statines et apparition de diabètes de type 2 (David Preiss, Royaume-Uni)

L’essai JUPITER sur la rosuvastatine 20 mg par rapport à un placebo a initialement émis l’hypothèse qu’un traitement par statines pouvait réduire les nouveaux cas de diabète. L’essai a au contraire découvert une augmentation de plus de 25 % des cas de diabète diagnostiqués par les médecins. Plus tard, lorsque les chercheurs ont effectué une méta-analyse de 15 essais cliniques randomisés comparant des statines à un placebo, ils ont observé une augmentation de 11 % des risques de nouveaux cas de DT2. De même, une méta-analyse de cinq essais comparant des statines à dose intensive à des statines à dose modérée a révélé une augmentation de 12 % des risques de DT2.

Dernièrement, en 2021, une étude rétrospective menée auprès de 83 000 paires de sujets diabétiques suivis 12 ans et publiée dans la revue JAMA intern med. a montré une augmentation de 37% du risque de progression du diabète chez les sujets diabétiques traités par statines versus ceux non traités par statine. La progression du diabète d’autant plus sévère que le traitement hypolipémiant était intense.

L’utilisation de statines chez les sujets diabétiques ou à risque de diabète doit donc tenir compte de l’ensemble de leurs effets métaboliques. Mais globalement, les bénéfices cardiovasculaires et en mortalité des statines dans les populations à risque CV dépassent le risque de diabète, selon les spécialistes.

Le mécanisme qui sous-tend le développement de nouveaux cas de diabète est mal compris, mais il semble qu’il s’agisse d’un effet ciblé de l’inhibition de l’HMG-CoA réductase.

La collaboration CTT* procède actuellement à l’analyse de 23 essais en double aveugle portant sur des statines afin de comprendre le risque d’apparition de nouveaux cas de diabète et d’aggravation du diabète.

*La collaboration des spécialistes des essais sur le traitement du cholestérol (Cholesterol Treatment Trialists, CTT) a été initialement mise en place en 1994 pour étudier les effets des statines sur les principaux événements cardiovasculaires, la mortalité et le cancer. Un nouveau projet a ensuite été initié par le CTT afin d’étudier les préjudices potentiels associés au traitement par statines.

 

Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape. Adapté par Aude Lecrubier

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