Rouen, France — Le recours à la plateforme d’assistance robotique de conception française R-One (Robocath) pour réaliser une angioplastie s’est avéré sûr et efficace dans le traitement de lésions coronaires, dont un quart étaient considérées comme complexe, selon une petite étude clinique menée dans six centres européens. Les résultats ont été présentés lors de l’ EuroPCR 2022 [1].

Pr Eric Durand
« Il s’agit de la première investigation clinique menée en Europe visant à évaluer la sécurité et l’efficacité d’une angioplastie coronaire robotique. Les résultats de cette étude sont extrêmement positifs avec un taux de succès technique supérieur à 95% et un taux de succès clinique de 100% », estime le Pr Eric Durand (CHU de Rouen), l’un des principaux auteurs de l’étude.
Le robot R-One a été mis au point par la société française Robocath basée à Rouen afin de réaliser des angioplasties coronaires robotisées. Il se compose d’une unité robotique avec un bras articulé fixé à la table d’intervention et d’une station de contrôle radio-protégée, qui permet de manipuler les instruments dans le système vasculaire à l’aide de joysticks en suivant la procédure sur écran.
Réduire l’exposition aux rayons X
Le dispositif se rapproche de celui utilisé en chirurgie robotique, notamment avec le robot Da Vinci, désormais couramment employé pour de la chirurgie mini-invasive, en particulier en urologie. Installé derrière son pupitre, l’opérateur peut effectuer son intervention avec précision en manipulant à distance les guides et les cathéters, tout en étant protégé des rayons X, ce qui lui évite de porter un encombrant tablier de radioprotection.
« L’objectif principal de l’angiopastie coronaire robotisée est de protéger l’opérateur de l’exposition aux rayons X. Avec la multiplication des procédures chez des patients présentant des lésions coronaires toujours plus complexes, les cardiologues interventionnels sont particulièrement exposés aux rayons X et au risque de complications associées », a commenté le Pr Durand auprès de Medscape édition française.
Plusieurs complications liées à une exposition répétée aux rayons X ont été décrites dans la littérature en cardiologie interventionnelle. Il s’agit essentiellement de tumeurs cérébrales du côté gauche du cerveau, « le côté le plus proche de la source des rayons X », de cataracte précoce et d’athérosclérose précoce apparaissant sur les vaisseaux du cou.
Autre avantage de l’angioplastie robotisée: l’opérateur peut effectuer son intervention dans une position plus ergonomique, confortablement assis face aux écrans de radioscopie, et non plus en position debout en portant un tablier plombé. Des conditions qui permettent de réduire les troubles musculosquelettique fréquemment observés en pratique courante.
Concernant l’intervention en elle-même, « le robot a l’avantage d’apporter beaucoup plus de précision, de l’ordre du millimètre, dans la manipulation des guides et les ballonnets », grâce à l’utilisation des joysticks. « Les mouvements de rotation et de translation des guides sont très fins, tandis que le ballon et le stent peuvent être manipulés millimètre par millimètre ».
20 minutes d’intervention
L’intervention étant plus précise, elle permettrait de réduire l’utilisation de produit de contraste. La pose d’un deuxième stent pour s’assurer de traiter la lésion dans son ensemble serait également en baisse avec cette approche puisque le dispositif permet d’ajuster au mieux le premier stent, a précisé le cardiologue.
La plateforme robotisée R-One n’est pas la première du genre. L’angioplastie coronaire robotisée a été développée aux Etats-Unis au début des années 2010 par la société Corindus Vasculaire Robotic, rachetée depuis par Siemens. En 2013, une première étude de faisabilité et de sécurité menée aux Etats-Unis a validée cette approche robotisée chez des patients présentant des lésions coronaires simples.
Le robot français R-One a obtenu le marquage CE en 2019, avant d'assister avec succès la réalisation d’angioplasties coronaires chez deux patients au CHU de Rouen et à la clinique Pasteur de Toulouse. Cette fois, l’étude présentée au congrès de l’EuroPCR rapporte les résultats de l’essai R-Evolution visant à démontrer la sécurité et l’efficacité de cette plateforme robotisée lors d’une angioplastie.
Menée dans six centres européens, dont trois en France (CHU de Rouen, CHU de Toulouse, clinique Pasteur de Toulouse), l’étude prospective à un bras a inclus 62 patients âgés de 65,4 ans en moyenne avec des lésions coronaires associées à un syndrome coronaire stable ou asymptomatique dans la majorité des cas. Un quart des lésions étaient considérées comme complexe.
Simple à prendre en main
Un mois après l’angioplastie robotisée, les résultats montrent un taux de succès technique (absence de conversion manuelle) de plus de 95% et un taux de succès clinique (absence de complications liées à l’intervention) de 100%. La durée d’intervention, de 19,9 minutes en moyenne, est « globalement équivalente à celle d’une procédure manuelle », a précisé le Pr Durand.
Aucune conversion manuelle n’a été observée dans les trois centres qui avaient déjà de l’expérience avec la plateforme robotisée. « Le robot est simple d’utilisation. Généralement, les opérateurs sont formés en une trentaine de minutes. On considère qu’ils sont autonomes après deux ou trois interventions », indique le cardiologue. R-One serait ainsi plus facile à manier que son homologue américain.
L’un des critères secondaires de l’étude était de comparer les doses de rayons X reçues entre la zone située près du patient et celle derrière la station radioprotégée. Le taux de radiation reçue au niveau de la tête et des parties du corps habituellement non protégées lors d’une intervention sans assistance robotique était 300 fois inférieur derrière la console.
L’utilisation du robot permet de réduire l’exposition du cardiologue interventionnelle aux rayons X de 84,5% en moyenne pendant une angioplastie coronaire, révèle l’étude. Lorsque le cardiologue est assisté par un opérateur pour réaliser la pose du premier instrument avant l’intervention, la dose est réduite de 100%.
Une trajectoire similaire au robot Da Vinci?
Il reste désormais à convaincre les centres de s’équiper d’un robot certainement très onéreux, surtout lorsqu’il semble avantager avant tout l’opérateur. « Il faut rappeler qu’avec le robot Da Vinci et les autres systèmes robotisés, il fallu 15 ans avant de démontrer les bénéfices pour les patients. On peut s’attendre à une trajectoire similaire avec l’angioplastie robotique », estime le Pr Durand.
Pour le moment, Robocath ne souhaite pas communiquer sur les prix de son matériel. Au total, 12 robots R-One sont actuellement en activité dans le monde, en Europe, en Afrique et en Chine. Les trois hôpitaux français qui ont participé à l’étude devraient signer un partenariat avec Robocath pour reprendre prochainement les angioplasties robotisées en pratique courante. « Au cours de l’été ou à la rentrée » dans le cas du CHU de Rouen.
A terme, la société ambitionne de devenir leader dans la robotique vasculaire et de développer la prise en charge des urgences vasculaires à distance, notamment en neurologie. Comme pour le robot Da Vinci, les deux unités peuvent être utilisées conjointement, mais depuis des positions géographiques différentes. Une procédure a ainsi été menée avec succès chez l’animal à une distance de 120 km, a précisé le cardiologue.
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Crédit image de Une : capture écran de la video Robocath
Crédit image texte : DR
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Citer cet article: Syndrome coronaire: nouvelle étape concluante pour l’angioplastie robotisée - Medscape - 14 juin 2022.
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