Sarcome d'Ewing récidivant : l'ifosfamide à haute dose meilleure que trois autres combinaisons de chimiothérapie 

Sharon Worcester

Auteurs et déclarations

10 juin 2022

Chicago, Etats-Unis – Faute d'essai clinique randomisé avec une population de patients suffisamment importante, les traitements des maladies rares n'ont pas toujours un niveau de preuve très élevé et sont de fait peu standardisés. C'est le cas aussi pour les cancers rares comme le sarcome d'Ewing. Mais un essai clinique international, auquel plusieurs centres français et Unicancer ont participé, compare pour la première fois différentes options thérapeutiques dans ce cancer qui touche en particulier les enfants et les jeunes adultes.

L'étude rEECur a conclu à la supériorité en survie de l'ifosfamide à haute dose par rapport à trois autres protocoles de chimiothérapie chez des patients atteints d'un sarcome de Ewing réfractaire primaire ou récidivant. Ses résultats ont été détaillés en session plénière lors du congrès annuel de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO 2022)[1].

Cette étude randomisée, à la méthodologie originale, permet de guider les pratiques et

« Cette étude randomisée, à la méthodologie originale, permet de guider les pratiques et interroge aussi sur notre capacité à vraiment identifier les meilleures chimiothérapies, notamment en fonction de l’âge », a commenté le Pr Jean-Yves Blay, oncologue médical, Directeur général du centre Léon-Bérard à Lyon, Président d’Unicancer, en direct de Chicago lors d’une téléconférence de presse Unicancer.

Cancer rare, traitement sans consensus

Le sarcome d'Ewing est un cancer très rare des os et des tissus mous qui touche principalement les enfants et les jeunes adultes, en particulier dans leur vingtaine, a indiqué le Dr Martin McCabe (Université de Manchester, Royaume-Uni), orateur et principal investigateur. Le taux d'incidence est de 3,2 par million d'individus âgés de moins de 25 ans.

La Dr Julie Gralow, cheffe du service médical de l'ASCO, a rappelé que le traitement du sarcome d'Ewing différait selon le centre de prise en charge du cancer. Différents schémas de chimiothérapie sont utilisés, tous fondés sur des essais avec un seul bras, et sans consensus sur le fait que l'un puisse être supérieur aux autres.

L'essai international rEECur avait justement pour objectif de répondre à cette question en comparant quatre schémas thérapeutiques différents.

Ifosfamide > topotécan + cyclophosphamide

Des résultats plus anciens de cet essai ont montré que l'ifosfamide augmentait la survie par rapport à la combinaison gemcitabine + docétaxel et par rapport à la combinaison irinotécan+témozolomide. Ont été présentés au congrès les résultats de la comparaison de l'ifosfamide versus une combinaison de topotécan et du cyclophosphamide (TC).

La survie globale médiane est de 15, 4 mois avec l'ifosfamide versus 10,5 mois avec la combinaison TC, la survie global à un an était de 55% versus 45 %, avec une probabilité de 94 % que l'ifosfamide soit meilleur concernant la survie que la combinaison TC, a indiqué le Dr Mc Cabe. La survie médiane sans événement était de 16,8 mois pour les 73 patients du groupe ifosfamide, contre 10,4 mois pour les 73 patients du groupe TC. La survie sans événement à six mois était de respectivement de 47% versus 37%.

Il y a une probabilité de 96% que l'ifosfamide soit meilleur que la combinaison TC pour la survie sans événement

« Il y a une probabilité de 96% que l'ifosfamide soit meilleur que la combinaison TC pour la survie sans événement » a précisé l'orateur. Il est à noter que des différences plus importantes concernant la survie sans événement et la survie globale ont été observées pour les patients âgés de moins de quatorze ans, a souligné l'orateur.

Concernant la toxicité, des taux similaires d'infections neutropéniques ont été observés dans les deux groupes, mais des toxicités rénale et cérébrale ont été observées avec l'ifosfamide, les deux touchant moins de 10 % des patients, a-t-il poursuivi. Malgré ces résultats en faveur d'un changement de pratique, le Dr McCabe a souligné que les « différences [entre les traitements] restaient assez faibles et qu'il restait nécessaire de disposer de meilleures molécules pour soigner les patients ».

L'étude rEEcur trial poursuit le recrutement de patients pour le groupe ifosfamide et un cinquième groupe de chimiothérapie (carboplatine + étosopide) a été ajouté. Les investigateurs ont prévu d'ajouter entre un nouveau groupe de thérapie ciblée cette année.

Une importante collaboration internationale

Julie Gralow a insisté sur la collaboration mondiale nécessaire à la mise en œuvre de cet essai clinique afin de recruter suffisamment de patients pour pouvoir comparer les traitements entre eux.  « Dans cette collaboration formidable, il s'est agi d'évaluer tous les schémas thérapeutiques communément utilisés. Ainsi nous avons désormais des données d'efficacité et de toxicité pour chacun d'entre eux ». « Je pense que les pédiatres et les oncologues sont maintenant plus à même de discuter des risques et des bénéfices de chaque schéma thérapeutique » a-t-elle ajouté.

Je pense que les pédiatres et les oncologues sont maintenant plus à même de discuter des risques et des bénéfices de chaque schéma thérapeutique

Experte dans la prise en charge des sarcomes pour l'ASCO, la Dr Vicki Keedy (Vanderbilt University Medical Center, Nashville, Etats-Unis) a confirmé dans un communiqué de presse que les résultats de l'étude rEECur « pourraient aider les médecins à discuter avec les patients et les familles sur les réponses attendues, la survie et la toxicité pour chaque traitement disponible dans le sarcome d'Ewing récidivant en se fondant sur des données objectives randomisées ».

Des implications en vie réelle

Invitée à commenté la présentation lors de la session plénière, la Dr Katherine Janeway (Harvard Medical School et Dana-Farber Cancer Institute, Boston, Etats-Unis) a déclaré que les résultats de l'étude allaient changer la pratique. Elle a illustré son propos avec le cas d'une de ses patientes dont le sarcome d'Ewing avait été diagnostiqué à 19 ans. La jeune femme, indemne depuis plus de dix ans, présentait une tumeur primaire de l'os iliaque et des métastases pulmonaires. Elle a reçu une chimiothérapie néoadjuvante, puis la tumeur primaire a été ôtée et de la radiothérapie a été réalisée au niveau des poumons et du pelvis pour des lésions microscopiques au niveau des marges de résection. Après 14 mois, la maladie a récidivé avec l'apparition d'un nodule pulmonaire qui a été retiré par chirurgie.

« Avant les résultats de l'étude rEEcur, nous avions des preuves très limitées pour guider les décisions thérapeutiques pour cette patiente », indique-t-elle. Aussi les quatre schémas de chimiothérapie évalués dans l'essai ont été envisagés pour cette patiente, qui finalement a reçu la combinaison irinotécan+témozolomide. « Dans mon hôpital, cette combinaison ainsi que la combinaison TC sont les standards thérapeutiques pour le sarcome d'Ewing récidivant », justifie  Katherine Janeway qui ajoute « l'ifosfamide à haute dose était écarté car il doit être délivré avant la chirurgie ». Mais elle concède que cela aurait pu être une option si les résultats de rEEcur avaient été disponibles.

Ifosfamide d'abord mais les autres sont utiles aussi

« Ceci dit, je continuerai à proposer l'irinotécan+témozolomide comme alternative », précise Katherine Janeway. « Mais maintenant je suis en mesure d'apporter des éléments objectifs concernant le taux de réponse attendu, la survie sans événement et la survie globale », ajoute-t-elle.

Si les résultats de l'étude rEEcur pourraient bénéficier aux patients dès maintenant, ils peuvent aussi aider la recherche tant pour le design des essais cliniques que pour le développement de nouveaux médicaments. « Le sarcome d'Ewing récidivant est une maladie agressive qui progresse rapidement et une difficulté à cibler un mécanisme. Dans un avenir proche, de nouveaux médicaments devront être étudiés en association avec de la chimiothérapie », explique-t-elle. Plusieurs essais de phase 1 et 2 en cours évaluent des nouvelles molécules plus ciblées pour le sarcome d'Ewing mais aucun avec associant de l'ifosfamide.

Dans un avenir proche, de nouveaux médicaments devront être étudiés en association avec de la chimiothérapie

Etant donné les résultats de l'étude, il sera important de considérer l'ifosfamide comme un « pilier de la chimiothérapie en combinaison avec des thérapies ciblées », mais les autres molécules devraient aussi « être considérées comme des piliers acceptables dans les essais cliniques si elles permettent d'éviter trop de toxicité ou de parvenir à une synergie thérapeutique ».

L'essai rEECur a été financé par Cancer Research UK et la Commission européenne avec un financement supplémentaire de l'Aamu Pediatric Cancer Foundation, du groupe australien et néo-zélandais d'hématologie et d'oncologie pédiatriques, de l'association australienne et néo-zélandaise du sarcome, de l'aide allemande contre le cancer, du groupe suisse d'oncologie pédiatrique , et la fondation Zoé4life. Le Dr McCabe a déclaré avoir occupé un poste de consultant / conseil pour Amgen. La Dr Gralow a signalé des liens d’intérêt avec Genentech, AstraZeneca, Hexal, Puma Biotechnology, Roche, Novartis, Seagen et Genomic Health. La Dr Janeway a déclaré avoir reçu des honoraires de la Foundation Medicine et de Takeda, des frais de déplacement de Bayer et avoir occupé des postes de conseil ou de conseil pour Bayer et Ipsen.

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L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé “International Trial Finds Best Regimen for Ewing Sarcoma».  Traduit/adapté par Marine Cygler.

 

 

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