Paris, France – Pour qu'un programme de dépistage fonctionne, il faut qu'un maximum de la population ciblée y participe. Or c'est souvent là que le bât blesse. Par exemple, 40 % des femmes qui devraient participer au dépistage du cancer du col de l’utérus ne le font pas. Comment améliorer l'adhésion ? L'Institut National du Cancer (INCa) propose de se tourner vers l'autoprélèvement : la patiente réalise elle-même, à domicile, un écouvillon vaginal, envoyé ensuite en laboratoire.
L’INCa a publié en mai un référentiel qui détaille la place de l'autoprélèvement dans le cadre du programme national de dépistage organisé du cancer du col de l'utérus [1].
A l'occasion du 45ème congrès de la Société Française De Colposcopie Et De Pathologie Cervico-Vaginale (SFCPCV)[2], le Pr Xavier Carcopino (Hôpital Nord, Marseille) est revenu sur les avantages mais aussi les limites de ces autotests.
Le vice-président de la SFCPCV a rappelé que l'Inca « avait énormément d'avance par rapport à la réalité du terrain ». De fait, le dépistage qui repose sur les Centres régionaux de dépistage des cancers (CRCDC) depuis 2018 peine toujours à se mettre en place. Pour lui, « parler d'autoprélèvement dans ce système qui n'est pas encore tout à fait ficelé, c'est un peu de la science-fiction ». A ce jour, aucun kit d'autotest n’a été validé ni reconnu de façon consensuelle, précise le spécialiste.
Pour autant, le principe de l'autoprélèvement a été mis en lumière au moment de la crise Covid car il permet de gérer soi-même son test de dépistage sans intervention d'un médecin pour le prélèvement.
Un autoprélèvement lors de la relance pour les femmes non-participantes
L'INCa précise que « la réalisation d'un test HPV sur autoprélèvement doit être proposée lors de la relance aux femmes qui ne se font jamais ou insuffisamment dépistées ». Comment cela devrait-il se passer ? Une invitation au dépistage est envoyée aux femmes de la population cible. Aux femmes qui n'auraient pas répondu à la première invitation, le CRCDC enverrait une nouvelle invitation avec un kit d'autoprélèvement.
Quels sont les avantages de l'autotest ?
Tout d'abord, l'autoprélèvement est efficace. « Plusieurs études, essais randomisés et méta-analyses, concluent que l'autoprélèvement a des performances équivalentes à un prélèvement réalisé par un professionnel de santé », confirme le Pr Carcopino. Et l'absence d'intervention médicale est un autre avantage dans la mesure où cela diminue la consommation médicale dans un contexte d’accès difficile aux rendez-vous de gynécologie.
Autre avantage : l'acceptation de la patiente. « C'est un point fondamental. Je vous rappelle les principes fondamentaux du dépistage : il s'adresse à des maladies fréquentes, pour lesquelles l'évolution est lente, où nous avons des traitements à proposer et où il existe des tests de dépistage. Mais il faut aussi que cela ne coûte pas trop cher et surtout que cela soit acceptable pour les patients », détaille Xavier Carcopino. Or d'après lui, l'acceptabilité pour l'autoprélèvement est bonne alors qu'aujourd'hui l'examen gynécologique, lui, n'est pas toujours bien accepté par les patientes. « L'autotest est un moyen de se passer de cette étape qui au point de vue de la pudeur et du confort de la patiente n'est pas toujours facile », poursuit-il.
Cela constitue l'avantage principal de l'autoprélèvement, et permettrait de cibler les 40 % des femmes qui ne sont pas dépistées. « Dans des essais dans les Pays de Loire, on a vu clairement que l'autoprélèvement augmentait la couverture du dépistage », a indiqué le Pr Carcopino. De quoi peut-être lever un des freins à la réalisation du dépistage.
Cependant, outre ces avantages, les limites des autoprélèvements,« sont réelles et importantes ». A la différence du prélèvement réalisé par un professionnel de santé, l'autoprélèvement ne permet que la réalisation d'une PCR, c'est-à-dire la recherche de l'ADN viral. « Cet autoprélèvement est un prélèvement vaginal à l'aveugle qui recueille des secrétions suffisantes pour réaliser un test viral mais pas pour obtenir suffisamment de cellules pour l'examen cytologique », explique Xavier Carcopino.
En conséquence, si l'autoprélèvement se révèle positif au papillomavirus, cela signifie que la femme doit être convoquée pour avoir un frottis et une cytologie de triage. Si la cytologie est anormale, une colposcopie sera nécessaire. Si l'autoprélèvement semble simplifier l'accès au dépistage, il ne simplifie en rien la démarche ultérieure, ce qui constitue une autre limite majeure de l'autoprélèvement. « Dans les études réalisées, on s'aperçoit que beaucoup de femmes qui n'étaient pas participantes au dépistage ont finalement réalisé cet autoprélèvement, ce qui est très bien. En revanche, quand on demandait aux femmes de venir car leur test était anormal, elles ne se déplaçaient pas toujours » indique le gynécologue marseillais. Nombre de femmes n'iront pas jusqu’à l'étape ultime du dépistage qui est la colposcopie, s'inquiète-t-il.
Autre problème : par définition, l'autoprélèvement et son résultat ne sont pas encadrés par une visite médicale. La patiente est laissée seule dans sa démarche de dépistage, ce que déplorent les experts de la SFCPCV, étant donné le possible retentissement psychologique d'un test HPV+ sans explication. (Lire Test HPV+ mais cytologie normale: un retentissement psychologique et sexuel important pour les femmes).
Enfin, la Dr Christine Bergeron, Présidente de la de la SFCPCV, alerte sur une possible dérive des autoprélèvements en dehors du programme de dépistage organisé : le surdépistage de patientes déjà dépistées par leur gynécologue.
« Aujourd'hui, une patiente peut demander à son généraliste une prescription de test de dépistage. Elle se rend ensuite dans un laboratoire qui fournit le kit et c'est remboursé », explique-t-elle. D'après la spécialiste, les autoprélèvements sont déjà disponibles sur prescription médicale et délivrés dans certains laboratoires d'analyses médicales et non en pharmacie.
« Combien de femmes vont nous dire que leur médecin leur fait un test tous les cinq ans et vont d'elles-mêmes faire des autoprélèvements en plus pour être mieux suivies ? », s'interroge Xavier Carcopino.
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Plus de colposcopies avec les nouveaux tests HPV : sommes-nous prêts ?
Dépistage du cancer du col : vers un auto-prélèvement à domicile ?
Crédit image de Une : BSIP
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Citer cet article: Autotests HPV : une fausse bonne idée dans le dépistage du cancer du col ? - Medscape - 13 juin 2022.
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